Lever de rideau

205 12 0
                                    

PDV de Ludmila: 

-  Franchement même son occupation abusive de la salle de bains m'avait manquée!

-  Toi, au moins tu avais la chance de pouvoir l'utiliser un peu, s'insurgea Nata. Lorsqu'on partait en tournée pendant des mois et qu'on partageait notre chambre, j'étais obligée d'utiliser la vôtre parce que Ludmila passait les trois quarts de son temps enfermée à l'intérieur.

-  A la maison, c'était la même chose, surenchérit mon ancienne demi-soeur. Dès que j'entendais le clic du verrou, je savais que j'en avais pour minimum deux heures d'attente.

J'écoutais les filles se plaindre à travers la porte. Bien que je ne l'admettrais jamais devant elles, par le passé, il m'était arrivé quelques fois d'abuser de leur gentillesse pour bénéficier de quelques avantages, incluant l'utilisation quasi-exclusive de la salle de bains. Je souriais bêtement à l'évocation de ses souvenirs. Tout en appliquant une dernière couche de mascara, je suivais la suite de leur discussion. Violetta confia à Nata qu'elle était toujours préoccupée par le triste sort de Clément. Visiblement les choses ne s'arrangeaient pas pour le fils du millionnaire français. Bien au contraire, l'intervention de la brune et de mes anciens camarades du Studio restés en Argentine avait braqué Nicolas. Selon ses propres termes, il considérait leur entêtement comme un affront à l'éducation qu'il donnait à son fils. Pourtant, Violetta ne semblait pas prête à abandonner son projet. Coûte que coûte, elle ferait entendre raison au père de son ami. Je déverrouillai la porte pour les rejoindre. Toutes les deux étaient assises dans le canapé de Linda, sirotant une tasse de thé, déjà apprêtées. Je découvris alors les tenues de mes amies. Nata portait une belle robe noire ornée de paillettes aux reflets pourpres. Elle avait choisi de parfaire sa tenue avec un blazer rose et des boots à talons noires. Son maquillage assez simple mettait en valeur ses lèvres pleines. Je la détaillai de mon oeil expert et remarquai qu'elle avait appliqué un peu de blush pour souligner sa bonne mine naturelle. Après des années de lutte acharnée, ma meilleure amie se décidait enfin à suivre mes conseils. Enfin une partie. Elle arborait la même coupe de cheveux qu'à son habitude. Ses boucles brunes retombaient en cascade sur ses épaules. Violetta, quand à elle, avait opté pour une tenue composée d'un bustier crème et d'une jupe dorée aux multiples volants. L'ensemble s'harmonisait à merveille avec ses sandales à plateformes blanches et son cardigan de la même couleur. Comme Nata, ses ondulations blondes flottaient au gré des courants d'air. Elle avait tout de même pris la peine d'intensifier son regard avec un trait de liner. Je devais bien le reconnaitre, mes deux amies étaient très élégantes. A un ou deux détails près, elles auraient pu faire de l'ombre à mon éclat naturel de supernova.

-  Vous êtes quand même mauvaises langues toutes les deux! J'ai mis moins d'une heure pour arriver à ce résultat parfait, leur dis-je joueuse, faisant mine de consulter une montre imaginaire sur mon poignet.

La blonde et la brune interrompirent leur conversation pour me prêter attention. Elles m'examinèrent, sans un mot, pendant ce qui me parut être une éternité. Je n'étais pas de nature timide mais leurs regards inquisiteurs me donnaient l'envie de me cacher dans un trou de souris. Finalement, ma meilleure amie se leva et se décida à briser le silence:

-  Tu es très belle Ludmila.

D'un geste adroit, elle se tourna vers Violetta et la sermonna gentiment:

-  Tu vois, je te l'avais dit. Cette robe lui va comme un gant! Et ces chaussures! Je n'ai pas les mots, dit-elle émerveillée en désignant mes escarpins d'un grand geste théâtral.

Je ne pus m'empêcher de sourire tandis que Violetta émettait un petit rire, visiblement aussi amusée que moi par les manières de la petite espagnole. D'ailleurs en parlant de ce magnifique pays, ce fut au tour de sa compatriote plus âgée de nous offrir un drôle de spectacle. Sans crier gare, Linda nous surprit en débarquant dans son salon tout de bleu vêtue. Ma patronne portait une combinaison longue dont le bas s'évasait en pattes d'eph. De plus, elle arborait un boa et des lunettes de soleil qui lui donnaient un air de chanteuse tout droit sortie d'un clip disco des années 80's. Sacré Linda!

-  Eh bien, Linda, vous vous êtes mise sur votre trente-et-un, la félicita mon ex-ennemie, admirative.

-  Violetta a raison, vous allez faire tourner des têtes ce soir Madame González, ajouta Nata.

-  Madame González, tu dis? C'était ma mère, paix à son âme. Bien qu'elle ait été une femme incroyable, elle n'avait pas le quart de mon sens de la mode. Alors appelle-moi Linda, tu veux bien ma belle? Bon les filles, assez de bavardages, prenez tout ce dont vous avez besoin, la limousine nous attend!

-  La limousine?

Nous avions toutes parlé d'une même voix, surprises par ses propos. Bon sang, Linda pouvait se montrer très excentrique parfois.

-  Bien sûr, de telles tenues se seraient abimées dans un taxi. En plus, la limousine était comprise dans le lot de la tombola. Bon, sur ses bonnes paroles, il est temps d'y aller. Je ne veux pas arriver en retard. Les habitants de cette ville doivent pouvoir profiter de ma beauté avant la tombée de la nuit.

Décidément cette répartie inébranlable et ce trop plein de confiance avaient le don de me tirer un sourire à chaque fois.

Les quelques kilomètres qui nous séparaient du centre-ville se firent dans la bonne humeur. Linda n'avait pas menti. Les organisateurs de la tombola avaient mis à notre disposition un magnifique véhicule blanc. Une fois arrivées, le chauffeur nous tint la portière pour que nous puissions sortir puis il nous souhaita une agréable soirée. Je fus ébahie par la vue qui me faisait face. Le Teatro Real, dans toute sa splendeur, était baigné des mille lumières du crépuscule. J'entendis vaguement les filles qui s'émerveillaient, elles aussi, de cette magnifique vue.

-  Entrons, les filles, la pièce va commencer sans nous, me pressa soudainement Linda à ma gauche.

Ma patronne se présenta donc à l'entrée du bel opéra. Elle déclina son identité puis la nôtre en expliquant que nous avions des places réservées. Une fois nos pass validés, un homme vint nous chercher et nous accompagna auxdits emplacements. J'en profitais pour contempler dans les détails l'architecture et la décoration de ce monument mythique. Tandis que mes compagnes continuaient d'avancer, je m'émus d'avoir la chance de vivre ce moment hors du temps dans ce lieu chargé d'histoire. En effet, ces murs avaient vu de nombreux artistes se succéder sur scène. Le compositeur italien Verdi, par exemple, avait écouté son oeuvre La forza del destino ici même pour la première espagnole. Bouleversée, je ne faisais guère attention au reste du monde, quand soudain, une main se posa sur mon avant-bras. Je relevai brusquement la tête, tirée de ma contemplation. Violetta soutenait mon regard, intriguée:

-  Tu as des étoiles dans les yeux. Je te comprends, quand j'étais plus jeune, Papa m'emmenait parfois écouter un acte ou deux des plus grands classiques. J'ai toujours été émerveillée par la beauté des lieux. La salle est encore plus impressionnante, tu vas voir.

J'avais presque oublié que mon ex demi-soeur avait passé une bonne partie de son enfance à Madrid. Sans un mot, je la suivis jusqu'à nos places attribuées. Nous avions la chance d'être au plus près de l'orchestre, au devant de cette immense scène. J'avais hâte que le rideau se lève. Je ne savais pas quelle oeuvre nous étions venues écouter mais je mourrais d'envie que le spectacle commence. 

-------------------------------------------------------------------------

1266 mots

J'ai l'impression de me répéter d'un chapitre à un autre mais encore une fois, je m'excuse d'avance pour les fautes d'orthographes. J'essaye d'être plus régulière dans mes posts, j'ai donc moins de temps (voir pas du tout) pour les relire. Néanmoins, j'espère que ce chapitre vous plaira. En tout cas, c'est un plaisir d'écrire cette fiction et de lire vos retours. Merci beaucoup. N'hésitez pas à me donner vos petites théories pour la suite. J'essayerais de la poster très bientôt. 

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant