Camila

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PDV de Camila:

Camila,

Je n'ai pas eu à réfléchir bien longtemps avant de me décider quand à la chanson que je voulais te dédier. Bien entendu, j'ai choisi Juntos somos mas, la fusion de ta chanson et de la mienne. Je me souviens encore comment l'idée à germer dans nos esprits. Alors que nous nous affrontions une fois de plus dans un duel musical enfin le début des cours, j'ai décidé d'interpréter Destinada a brillar pour prouver ma suprématie. Tu m'as alors répondu en chantant Algo suena en mi. Nous terminions d'entonner le refrain de nos compositions respectives quand Angie est entrée dans la salle. Une fois de plus, cette lutte entre nous l'a exaspéré au plus haut point pourtant, une lueur d'espoir s'est allumé dans son regard. En nous détaillant les uns après les autres, elle nous a expliqué qu'il serait plus judicieux pour nous de mettre en commun tous nos talents au lieu de gaspiller notre temps et notre énergie à nous chamailler. Nous avions des styles et des façons d'aborder la musique foncièrement opposés mais nous étions unis par notre passion. Nous aurions pu apprendre les uns des autres, je n'ai aujourd'hui aucun doute sur les bénéfices de potentielle alliance. Mais à l'époque, je pensais différemment.

Je voudrais sincèrement m'excuser pour tous les coups bas, les machinations et les campagnes de dénigrement que j'ai mené sur ton style vestimentaire. Quoiqu'en y réfléchissant bien, je ne suis pas certaine de regretter les petites remarques sarcastiques sur ta façon particulière de t'habiller. Entre nous, ta quête identitaire en première année t'a poussé à faire des choix plus que douteux en matière de mode. Je me souviens encore de la fois où tu as décidé de suivre la tendance emo. Heureusement pour tous les élèves du Studio, tu t'es vite aperçue de ton fashion faux pas et tu as décidé de t'approprier d'autres styles. Finalement, l'habit ne fait pas le moine. Quand tu l'as enfin compris, tu as pris confiance et tu as pu exprimer tout ton potentiel. Bien qu'il m'en coûte de l'admettre, tu es une artiste incroyable. Au delà de tes domaines de prédilection, tu as su te réinventer. D'ailleurs, je profite de ce courrier pour t'adresser mes félicitations les plus sincères. J'étais très heureuse quand Nata m'a annoncé que tu avais décroché un rôle dans un court métrage. Je ne doute pas que tu t'en sortiras comme un chef, tu as toujours été très expressive. Jouer la comédie est un nouveau challenge que tu réussiras à dépasser avec brio.

Je sais que tu as beaucoup d'a priori sur moi. Il ne faut pas être devin pour savoir quels qualificatifs te viennent en bouche lorsqu'on te demande ce que tu penses de moi. Capricieuse, méchante, égoïste, pour ne citer que les principaux. Bien sûr, je ne nie pas ma part d'ombres mais je voudrais que tu te mettes à ma place quelques secondes. J'ai été élevée dans l'optique de devenir la meilleure. Qu'importe la discipline concernée, je devais décrocher le premier prix. Il me fallait la victoire à tout prix. Pour atteindre ce but ultime, on m'a alors inculqué un précepte très simple: la fin justifie les moyens. Machiavel, il y a des siècles de cela, avait partagé cette opinion dans l'une de ses oeuvres et les personnes autour de moi semblaient y adhérer. A l'époque, je n'était qu'une enfant, incapable de faire la différence entre le bien et le mal. Alors, pour m'assurer de rester la meilleure, je me suis cachée derrière une carapace, je me montrais froide, calculatrice, manipulatrice et mauvaise avec les autres. Les années passaient et mon coeur devenait de plus en plus noir. Je souffrais de cette situation car comme tout le monde, je voulais poursuivre mes rêves sans pour autant avoir à subir une telle pression. Mais cette première place si chère pour moi, avait un prix. J'ai vécu toute ma vie extrêmement seule. Au fond, comme toutes les adolescentes, je voulais avoir des amis sur lesquels je pourrais compter inconditionnellement, un petit copain qui éprouverait des sentiments aussi forts que les miens et une famille aimante. Ce n'était pas le cas. Ces derniers temps, j'ai vécu chaque jour comme une épreuve. Cette ambivalence entre mes envies et ma réalité a littéralement détruit mon âme. 

Enfin, à l'heure où j'écris cette lettre, je pense que ma vie est certainement bien meilleure que celle qui m'attend en Suisse. Je sais que je ne réussirai pas à te faire changer d'avis sur moi mais j'aime penser que nous aurions pu être bonnes amies dans une autre dimension. Dans cette réalité tu as été ma meilleure ennemie. Notre petite guerre m'a poussé à me dépasser chaque jour un peu plus. Grâce à toi, je suis devenue plus combative et déterminée. Malgré nos différents, je suis heureuse d'avoir fait ta connaissance. J'ai apprécié étudier à tes cotés et partager tous ces moments forts avec toi. Je me rappelle encore de notre duo sur Si es par amor lors de la tournée en Europe. Je veux bien reconnaitre que toi aussi, tu avais brillé. Un peu plus qu'un vulgaire corps céleste cette fois là. Blague à part, je te souhaite beaucoup de bonheur avec Brodway et de réussite dans ta vie. Je voudrais aussi te demander de continuer à être une amie aussi fidèle pour Nata, je crois qu'elle aura besoin de soutien ces prochains jours. D'ailleurs, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour elle. Grâce à ton amitié, elle a réussi à s'ouvrir au monde et devenir une personne encore plus incroyable qu'elle ne l'était déjà.

Sur ces derniers mots, Ludmila s'en va.

Amicalement,

Ludmila

Assise sur un banc devant le studio, je terminais de lire ce courrier pour la dixième fois. Je faisais tourner la clé USB jaune entre mes doigts, un sourire nostalgique accroché aux lèvres. Pourtant, un sensation étrange s'immisçait peu à peu en moi. Un frisson me parcourut l'échine. La culpabilité. Ludmila pensait à tord que je la détestais mais à dire vrai, ce n'était pas le cas. Je la considérais même comme une amie. Notre relation était certes particulière mais nous avions toutes les deux appris à nous apprécier. A bien y réfléchir, ma méfiance et mon manque de tact avait certainement eu un impact sur ses pensées. Je l'avais souvent jugé très durement et ne lui avais jamais laissé le bénéfice du doute. Encore aujourd'hui, j'avais été la première à la blâmer pour l'accident de Violetta malgré le manque de preuves. Pourtant, je l'avais encore une fois condamnée alors qu'elle n'avait cessé de clamer son innocence. Oui, je m'en mordais les doigts à présent. Aujourd'hui, elle était partie. Je relevai la tête et aperçus Francesca installée non loin de là. Elle me regardait, les larmes aux yeux.   

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1124 mots 

J'espère que la lettre pour Camila vous plaira. Personnellement, je ne suis pas certaine de mon coup. Enfin, j'essayerai de vous poster le prochain chapitre dans la semaine. N'hésitez pas à me donner vos avis ou à voter. 

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant