Une amitié fraternelle

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PDV de Ludmila: 

Le souffle court, je tentai de reprendre mes esprits. Je n'avais pas prévu de rencontrer mon ancienne demi-soeur aujourd'hui. Mon coeur se serra dans ma poitrine. Pourquoi le simple fait de me retrouver dans la même pièce qu'elle, m'ulcérait à ce point? Nos regards se croisèrent. Notre échange silencieux me replongea dans mes souvenirs douloureux. Jusqu'alors, j'avais réussi à les étouffer, à les enfuir au plus profond de mon être. « Ludmila m'a poussé ». Ces quatre mots prononcés avec une innocence feinte avaient scellé mon sort. Il avait suffi d'une phrase pour que je sois condamnée. La présomption d'innocence n'existait pas pour les personnes comme moi. J'avais infligé trop de souffrances et cultivé trop de haine pour mériter d'être entendue. Néanmoins, je me devais de faire bonne figure. Je garderai la face coûte que coûte, à n'importe quel prix. Qu'importe la peine que j'avais ressentie lors de mon exil forcé, je ne voulais pas d'une quelconque pitié à mon égard. Toute cette mise en scène pour que je revienne en Argentine, n'était que mensonge. German, sa fille et tous les autres souhaitaient simplement soulager leur conscience. Eponger la culpabilité qui irradiait de tous les pores de leur peau.

-  C'est vrai, Ludmila a raison.

Toujours les yeux rivés à ceux de mon ancienne ennemie, Leon me surprit et me sortit de ma torpeur.

-  Avec les sponsors, les promos et les contrats d'exclusivité, le Studio a perdu son âme d'école. Antonio, lui-même, à plusieurs reprises, a dû intervenir auprès des dirigeants de Youmix pour leur rappeler que nous étions avant tout une école d'arts. Et seulement une école d'arts! Il nous considérait trop jeunes pour subir une telle pression ou pour rentrer dans ce monde de l'industrie musicale, qui est à la fois trop impitoyable et trop compétitif pour des adolescents.

-  Vous m'avez sans cesse reprochée de me comparer à tous mes camarades et m'avez quasiment forcée à collaborer avec eux sans jamais me demander pourquoi je refusais tant de le faire, repris-je d'une voix incertaine et tremblante. C'est la question à un million non?

Je détaillai tour à tour tous les individus présents dans ce salon. Ils semblaient tous intrigués par mes propos. Pourtant, je n'étais pas sûr de pouvoir continuer cette conversation. Mes doutes et ce manque de confiance en moi qui ne cessaient de me tourmenter jour après jour, me rattrapaient. Je me raclai la gorge et je tentai de masquer mes yeux humides derrière cette colère froide qui me caractérisait depuis des années.

-  Je doutais. Autour de moi, tout le monde réussissait. Ils ont tous reçu des contrats ou des opportunités pour faire avancer leur carrière. Et moi, je me contentais des miettes. Je me remettais sans cesse en question pour comprendre ce qui clochait chez moi. Encore aujourd'hui, j'essaye de savoir pourquoi je n'ai jamais eu une quelconque proposition. Attention, je ne dis pas que Violetta, Leon et les autres ne méritent pas leur réussite actuelle, simplement j'aimerais comprendre pourquoi je n'ai pas eu la chance d'embrasser le même destin. Enfin, c'est le passé. Il est inutile de continuer à polémiquer cinquante ans. Je ne veux plus de cette vie. J'ai réussi à trouver un équilibre, ici, à Madrid. Mes études me plaisent, j'aime passer du temps avec Linda que vous avez pu rencontrer au café et je me plais à découvrir qui je suis sans tous les artifices de la scène.

-  Mais... tenta de me couper Violetta.

Je ne lui laissai pas le temps de terminer sa phrase en lui lançant un regard noir. Je poursuivis donc:

-  Néanmoins, je vous remercie d'avoir pris la peine de vous être déplacés. J'ai été heureuse de discuter avec vous. German...

Je fis une légère pause. Incertaine de mes paroles, mes yeux se fixèrent dans ceux de mon ancien beau-père. Il me souriait chaleureusement pour m'inciter à terminer mon propos:

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant