La coupe de fruits

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PDV de Nata:

Les autres avaient tous quitter les lieux avec leurs lettres en main. Je me retrouvai donc seule avec la mienne, dans la grande salle de répétition. Je m'apprêtai à déchirer le haut de l'enveloppe quand la fine écriture de mon amie attira mon attention.

« Nathalia, je sais que j'ai écrit ton prénom sur l'enveloppe mais il s'agit de la lettre de Fédérico. Ne lui donne que s'il décide de venir me retrouver. Je t'ai bien évidemment laissé un message, tu trouveras un fichier sur ton bureau d'ordinateur portant mon prénom. »

Je déposai donc le courrier appartenant à Fédérico sur le piano, avant de me diriger vers le fond de la salle pour y récupérer mon PC portable. Comme prévu, une vidéo avait été enregistrée dans mes documents récents. De mes mains tremblantes, je reliai mon ordinateur au grand écran de la salle de répétition. J'appréhendais d'écouter le message que m'avait laissé Ludmila. Voilà quelques heures que son avion avait décollé et je restais sans nouvelles d'elle depuis son départ. Je m'inquiétais sincèrement pour mon amie. J'avais tenté de prouver son innocence à maintes reprises, mais personne n'avait pris la peine d'écouter sa version. Il suffisait de la connaitre en temps soit peu pour savoir qu'elle n'aurait jamais pu infliger des blessures physiques à Violetta. Mais tout le monde semblait croire l'hypothèse farfelue selon laquelle ma meilleure amie en serait capable. Cette situation me paraissait irréelle. Même sa propre mère la pensait coupable d'une telle horreur. Elle non plus, ne lui avait pas laissé la possibilité d'expliquer comment s'était déroulé la dispute qui avait précédé l'accident de sa belle-fille. Personne ne l'avait fait. Ils s'étaient contentés de l'accuser, parce que, je cite « c'est le genre de choses dont elle est capable ». Son beau visage apparut sur l'écran géant. Je sentis les larmes me monter aux yeux. J'éprouvais une telle tristesse d'avoir perdu si brutalement ma meilleure amie. Je lui en voulais aussi. Elle ne s'était pas battue pour faire éclater la vérité. Je crois même qu'elle en savait bien plus qu'elle ne m'en disait sur l'accident de sa demi-soeur. Pourtant, elle s'était tue, elle était restée passive face à l'injustice qui la frappait. Je m'apprêtai à fermer la porte coulissante de la grande salle quand Pablo apparut. Il tenait une carte dans sa main droite.

-  Bonjour Pablo, je ne t'avais pas vu, le saluai-je, en essuyant mon visage humide avec la manche de mon pull.  

-  Nata, tout va bien? s'inquiéta Pablo à la seconde où il découvrit mes joues rouges et mes yeux gonflés.

-  Je suis juste fatiguée. Ce n'est rien.

-  Ecoute Nata, je suis venu te voir parce qu'on a reçu une jolie coupe de fruits ce matin dans la salle des professeurs. Elle était accompagnée de ceci, ajouta-t'il en me tendant la belle carte bleue nuit. Ludmila nous a fait ces adieux. Elle remerciait toute l'équipe enseignante pour tout ce que nous lui avions appris. Elle confie être reconnaissante d'avoir été aussi bien entourée durant ses années au Studio. Elle nous a demandé de lui pardonner son comportement qui frisait parfois l'insolence. Elle nous a expliqué qu'elle souhaitait simplement être entendue et qu'elle ne connaissait que cette manière de faire. Elle conclut en nous remerciant encore une fois, elle nous explique que notre soutien lui a permis d'évoluer sur les plans personnel et professionnel.  Enfin, j'ai été étonné de recevoir ce mot d'excuses. 

-  Moi je ne le suis pas, vous comptiez beaucoup pour elle. Elle voulait réparer toutes les erreurs qu'elle avait pu commettre au cours de sa vie avant de partir. Elle était consciente qu'elle devait vous demander pardon, elle n'a juste pas été capable de le faire de vive voix.

-  Ces mots m'ont beaucoup touché. J'éprouve beaucoup d'affection pour Ludmila. Toute l'équipe pédagogique et moi-même avons compris très récemment que ces excès de colère étaient liés à une grande souffrance. Nous en avons parlé pas plus tard qu'hier. Nous avions prévu de convoquer Priscilla pour discuter ensemble du mal-être de sa fille. Derrière tous ses artifices et son personnage de supernova se cache un cruel manque de confiance. Elle est persuadée de ne pas être appréciée ni même reconnue pour son talent et son travail. Voilà des années que je me questionne par rapport à la méfiance que j'ai toujours lu dans son regard. J'aurai aimé comprendre pourquoi elle avait un tel bloquage avec les autres, pourquoi elle avait tant de difficultés à se dévoiler. Avec toi, elle était différente, elle te laissait entrevoir sa véritable nature. Malgré tous vos petits coups en douce, vous aviez construit une belle amitié. Vous saviez vous écouter et vous apporter le soutien dont vous aviez besoin. Ludmila se montrait très directive et hautaine devant les autres mais j'ai aussi eu l'occasion de voir son changement de comportement lorsque vous étiez seulement toutes les deux. Elle te poussait à te libérer de ta timidité, à tenter de nouvelles expériences et à travailler d'arrache pied pour atteindre tes objectifs dans la musique. Cette ambivalence dans son attitude m'a toujours laissé perplexe.

Alors que Pablo poursuivait son long monologue sur la personnalité complexe de ma meilleure amie, des plaintes sonores s'élevèrent dans le couloir. Les grognements se rapprochaient de la salle de répétition, forçant ainsi le directeur du Studio à couper court à notre discussion. Il s'avança doucement vers l'entrée pour voir ce qui se tramait dehors, quand Gregorio franchit le seuil de la porte, les sourcils froncés comme à son habitude:

-  Pablo, j'aurai dû m'en douter. Il n'y a que toi pour avoir ce genre d'idée. Le Studio court tout droit à sa perte et toi, tu décides de transformer la salle des professeurs en marché couvert. Alors certes, ils sont très beaux tous ces fruits mais nous avons d'autres priorités en ce moment. Je suis fatigué de me répéter mais la situation de notre école est catastrophique.

Il appuya sur chaque syllabe pour donner plus d'impact à son propos. Anxieux, mon professeur de danse commença à s'agiter dans tous les sens. Pablo s'éloigna un peu plus de moi pour atteindre son collègue et tenter de le calmer. A peine eut-il fait un pas dans sa direction que Gregorio se figea. Son regard ne cessait de passer du grand écran à moi. Ignorant totalement son ami, il se positionna face à moi.

-  Nathalia, tout va bien?

La question de mon professeur déclencha une nouvelle vague de larmes. Incapable de lui répondre, je me précipitai dans ses bras, cherchant quelques secondes de répit. Les accusations contre Ludmila, les lettres qu'elle avait laissé, le message qu'elle avait enregistré, les mots de Pablo, j'étais incapable de tout gérer. Je ne ressentais plus que la douleur d'avoir perdu ma meilleure amie.

Je repris finalement contenance au prix de nombreux efforts. Gregorio me tendit un mouchoir pendant que Pablo me frictionnait le dos. Ce geste réconfortant me permit de leur expliquer la situation. Je posai des mots sur toute la frustration et la peine que je ressentais. Je n'omis aucun détail. Une fois soulagée de ce poids, je me sentais prête à écouter le message de Ludmila.

-  Nata, tu veux que nous restions avec toi? me demanda Pablo tandis que Gregorio me souriait.

Je hochai la tête et lançai la vidéo. 

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1215 mots

Et voici un nouveau chapitre, je sais que vous attendiez une nouvelle lettre, mais il fallait que j'écrive un chapitre de transition pour relancer l'intrigue. J'attends vos retours, n'hésitez pas à me donner vos avis et à voter si vous appréciez mon travail. 

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant