Une part de tarte

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PDV de Ludmila:

Le lendemain, je pris mon service aux alentours de 14 heures. Un calme olympien régnait dans la boutique. Il n'y avait jamais grand monde à cette heure de la journée. Il faisait bien trop chaud. Les habitants de la capitale espagnole préféraient nettement la fraîcheur des centres commerciaux ou le calme de leur maison pour s'y reposer. Depuis ma discussion de la veille avec Linda, je ne cessai de me demander si le pardon était ma chance d'estomper ma douleur et de panser mes blessures. Alors que je tentai de faire taire mes pensées, je pris le chemin de la cuisine pour saluer ma chère patronne. Comme à l'accoutumée, elle devait être derrière ses fourneaux. Je me dirigeai donc vers l'arrière boutique, quand une voix familière me prit par surprise. Visiblement Linda était en grande discussion avec cette personne. Par réflexe, je me collai au mur et tendis l'oreille pour écouter cette conversation:

-  Alors, qui es-tu? J'attendais Violetta mais tu me parais trop grand et trop velu pour être la jeune fille que j'ai rencontrée hier. Mes yeux ne sont plus très bons certes mais je suis encore capable de discerner un garçon d'une fille.

-  Bonjour Madame, je suis...

Mon sang se glaça dans mes veines. Que faisait-il là?

-  Madame, madame... Personne ne m'appelle comme ça dans ma boutique. Mon nom est Linda, mon grand.

-  Je..., bafouilla le fantôme de mon passé. Je m'appelle Federico, je suis heureux de vous connaitre.

Un long silence suivit son aveu. Mon coeur battait la chamade dans ma poitrine. Des larmes brûlaient déjà mes yeux cernés. Bien sûr, je n'étais pas dupe. J'étais parfaitement consciente que je ne pourrais pas l'éviter éternellement. En effet, lors de ma première rencontre avec mes anciens camarades, Nata et Diego m'avaient indiquée que Federico avait, lui aussi, consenti à faire ce voyage. Cette information en poche, j'avais tenté de me préparer au mieux à de potentielles retrouvailles. Je ne pouvais pas fondre en larmes devant son visage d'ange ou me précipiter dans ses bras forts pour chercher du réconfort. Tout l'amour que je lui portais n'avait pas disparu mais je tenais à me montrer digne. Pour une fois, je ne le laisserais pas m'atteindre.

-  Federico, quel joli prénom, s'enquit ma patronne d'une voix hésitante. D'origine italienne je suppose?

-  Oui, c'est exact, lui répondit mon ancien petit ami.

-  Je ne vous aime pas, vous autres les italiens. Vous êtes des bourreaux des coeurs, égoïstes et insensibles.

De nouveau, il n'y eut plus un bruit dans la petite cuisine de Linda. J'imaginais la gêne se peindre sur les traits de Federico. J'aurais pu ricaner du ridicule de la situation si mon coeur ne s'était pas tant engagé dans cette discussion.

-  Je suppose que vous avez raison, je ne dois pas faire exception à la règle.

-  Ah bon? Qu'as-tu fait de si horrible pour avoir une si piètre opinion de toi-même? Lui demanda ma patronne.

Le silence qui suivit la question de la vieille dame, m'indiqua l'hésitation de Federico. Il n'osait pas aborder ce sujet épineux avec une inconnue, comme moi lors de ma première rencontre à l'aéroport avec Linda. Très vite, mes doutes s'étaient estompés, chassés par le regard attendri et les paroles bienveillantes de cette femme.

-  Commence par t'asseoir, je vais te servir une part de tarte aux pommes.

J'entendis le crissement de la chaise, signe que mon ex-petit copain obtempérait à la demande de ma patronne.

-  Mange mon garçon, tu m'en diras des nouvelles!

Quelques secondes passèrent et j'entendis distinctement un gémissement de contentement. Personne ne pouvait résister à la pâtisserie de Linda.

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant