La dernière lettre

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PDV de Nata:

Bien décidée à faire entendre ma voix, je montai sur ma chaise:

-  A quoi vous jouez? Vous voulez tous rejoindre Ludmila alors que la plupart d'entre vous la considérait comme une fille prétentieuse, égoïste et hautaine, il y a à peine quelques jours. Si vous voulez soulager votre conscience, faites des soirées pyjamas avec vos copines ou allez voir un psy pour parler de votre part d'ombres. Vous pouvez même vous inscrire dans une association et faire du bénévolat. Mais ne prenez pas ma meilleure amie pour un ours polaire qui doit être sauvé de la fonte des glaces en Arctique. Pour ma part, je vais effectivement la rejoindre mais certainement pas pour les mêmes raisons que vous. Sur ces bonnes paroles, j'ai des coups de fils à passer, il me faut un billet pour l'Espagne et une valise prête en trois heures top chrono. Je vous laisse le soin de créer le plus beau spectacle que le Studio n'ait jamais organisé. Bonne chance à vous.

Sans attendre de réponse de leur part, je partis. Mes affaires n'allaient pas se préparer seules.

Bien que je sois très organisée, je faillis ne pas rejoindre Pablo et German à temps. Heureusement notre avion avait une demi heure de retard. Une fois arrivée à bon port, je fus étonnée de trouver de nombreuses valises autour des deux adultes. Intriguée, je posai donc la question.

-  Non Nata, toutes ces valises ne sont pas à moi, me répondit Pablo. Elles appartiennent à tes petits camardes. Ils sont simplement partis se commander des boissons en attendant l'embarquement.

Surprise, j'eus un léger mouvement de recul et trébuchai sur mon propre sac de voyage. Heureusement German me rattrapa par le bras:

-  Doucement ma grande. Tes amis ne t'ont pas prévenue? Ils ont décidé de scinder le groupe en deux. Une partie de tes camarades reste à Buenos Aires pour préparer la représentation et les autres viennent avec nous chercher Ludmila. Il est important qu'elle puisse compter sur le soutien moral de tout le monde après les épreuves qu'elle a dû surmonter, tu ne crois pas?

J'étais partagée. Bien sûr que mon amie avait besoin d'être épaulée après toute cette histoire, mais ressentirait-elle l'envie d'avoir nos camarades auprès d'elle? Après tout, il s'agissait des mêmes personnes qui l'avaient si durement jugée pendant des années. Alors que je réfléchissais à la question, une voix familière m'interpella:

-  Nata, je suis content que tu sois arrivée à temps! Je t'ai pris un café au lait avec deux sucres, comme tu l'aimes, me dit Leon en arrivant à mon niveau.

Je pris le gobelet qu'il me tendait en le remerciant et détaillai la fine équipe qui se trouvait derrière lui. Elle se consistait de Violetta la soeur perfide, de Leon le bon copain condescendant, de Diego l'ami d'enfance lâche et de Federico l'amoureux hypocrite. En clair, les personnes ayant le plus atteint le coeur de ma meilleure amie, allaient être celles qui partaient la retrouver en Espagne. Ironique tout de même. Aucun d'entre nous n'ajouta plus un mot jusqu'au décollage de l'avion. Je pris place dans le grand appareil quand Federico me rejoignit. Selon son billet, il était mon voisin de siège. Je le laissai passer et m'assis à mon tour, les écouteurs bien enfoncés dans les oreilles. Je n'avais aucunement l'intention de faire la discussion durant les 13 heures de vol que nous nous apprêtions à entamer.

-  Tu comptes m'ignorer encore longtemps Nata, me demanda mon ami après une quinzaine de minutes de vol.

-  Je ne t'ignore pas, lui répondis-je en retirant l'une de mes oreillettes.

-  Tu sais, je comprends que tu me méprises. Je me déteste tout autant. J'ai eu des semaines pour réfléchir à mon comportement avec Ludmila et je me rends compte que je n'ai pas été à la hauteur de notre relation. J'aurai dû la chérir et la protéger. Je savais qu'elle me cachait les raisons de sa souffrance. Mais je n'aurai jamais pu imaginé que sa propre mère était la cause de son malheur. Elle s'est construite avec une carapace encore plus solide que du béton armé. Je m'étais juré de ne jamais la brusquer, de la laisser s'ouvrir à moi progressivement. Elle m'avait prévenue que la route serait longue, qu'elle commettrait certainement des erreurs. Je lui avais promis de ne jamais la laisser tomber. Pourtant, je l'ai fait, quasiment à chaque fois.

Il s'interrompit. Le poids de la culpabilité semblait peser lourd sur les épaules de Federico. Je me redressai légèrement sur mon siège pour l'observer. Il se massait les tempes, les sourcils froncés et le visage fermé. Il paraissait ailleurs, certainement devait-il être assailli par de nombreux regrets. Sa détresse émotionnelle me brisait le coeur. Je n'avais jamais douté de ses intentions à l'égard de ma meilleure amie. Il l'aimait et souhaitait la voir heureuse plus que tout au monde. Simplement, il pensait que son bonheur devait obligatoirement passer par une rédemption totale. Il savait que Ludmila souffrait de maux qu'il aurait peine à imaginer, mais il n'avait jamais songé que son amertume biaisait sa perception du monde. Ludmila faisait du mal aux autres car elle ne supportait plus ses propres blessures. Au travers de ses pires actions, elle tentait de nous appeler à l'aide. Une bouteille à la mer lancée en désespoir de cause. Un SOS déchirant que personne n'a jamais pu intercepter.

-  Federico, l'appelai-je en lui tapotant doucement l'épaule. Tu ne pouvais pas savoir. Elle ne s'est jamais confiée, ni à toi, ni à moi, ni à personne d'autre. Ludmila a toujours gardé ses souffrances bien cachées derrière ses grands airs de diva et sa mauvaise humeur. Tu as su voir en elle une lumière qu'elle-même ne soupçonnait pas. Elle a ignoré trop longtemps ses sentiments mais son monde a basculé quand tu es revenu d'Italie. Toutes ses certitudes sur les relations se sont brisées, elle a appris à s'ouvrir à toi. Son coeur a recommencé à fonctionner. Il battait au rythme du tien. Tu as su voir au delà des apparences la magnifique personne qu'elle a toujours refoulée. Celle qui me protégeait et me soutenait. Celle qui t'a offert son amour inconditionnel. Ma meilleure amie a vécu l'enfer auprès de la personne qui aurait dû la protéger et la préserver de toute souffrance. Sa mère aurait dû veiller sur elle. Au lieu de ça, elle a détruit sa fille. Elle l'a forcé à devenir un pantin seulement bon à poursuivre ses rêves de gloire. Priscilla devrait avoir honte pour ce qu'elle a fait Federico. Toi non. Ces deux dernières années, tu as été son phare pendant la tempête, sa boussole dans le désert. Tu étais son étoile binaire.

A ces mots, le bel italien esquissa un léger sourire. Ce petit rictus ne masqua pas la tristesse peinte sur ses traits. Non, sa peine s'était profondément inscrite dans son âme.

-  Bien sûr, tu aurais dû lui faire confiance. Mais tu n'es pas responsable de cette situation. Ludmila aura besoin de ton soutien après les épreuves qu'elle a dû surmonter alors il va falloir que tu te ressaisisses. Je lui tendis la lettre que ma meilleure amie m'avait laissé à son intention. Prends ceci, je crois qu'il est temps que tu la lises.

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1208 mots 

J'espère que ce chapitre vous plaira. N'hésitez pas à me donner vos avis et impressions. Il est temps pour Federico de découvrir toutes les choses que Ludmila n'a jamais osé lui dire. Alors à quoi doit-il s'attendre? Réponse au prochain chapitre. 

Lettres d'une supernovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant