Lettres d'une supernova

Une discussion compliquée

PDV de Ludmila:

Cette confrontation était inévitable. Mais j'avais tout de même repoussé l'échéance le plus possible. Voilà quelques jours que mes anciens amis étaient en ville, pourtant je ne me sentais pas prête à revoir tout ce monde qui appartenait à mon passé. Alors je restai debout, statique face au grand hôtel devant moi. Après avoir discuté avec Nata et Diego pendant plusieurs heures, nous avions convenu de nous revoir, avec German et Pablo cette fois-ci, trois jours plus tard. Malgré mes réticences, j'avais su me laisser convaincre par un argument de poids. Selon mes deux amis, mon ancien professeur et mon ex-beau père souhaitaient simplement discuter avec moi de mon avenir. Ils ne comptaient pas interférer dans mes projets, simplement ils voulaient s'assurer que je mène une vie épanouie, sans soucis matériel ou financier. Je pris une grande inspiration pour me donner du courage et gravit une à une les marches du bel édifice. Situé au centre de Madrid, l'hôtel choisi par German avait un certain charme. J'essayai tant bien que mal de me concentrer sur l'architecture du lieu mais mes pensées ne cessaient de dériver vers la discussion que je m'apprêtai à avoir. Je devais me reprendre, ne montrer aucun regret ni même le moindre signe de nostalgie. Ma vie madrilène me plaisait et je comptais bien rester ici. Une réceptionniste vint à ma rencontre. Elle m'indiqua le chemin pour me rendre dans un petit salon privé où mes hôtes m'attendaient déjà. Je frappai doucement à la porte, attendant patiemment la permission d'entrer.

-  Ludmila, quel plaisir de te voir, commença Pablo en se levant de son fauteuil.

Je franchis le seuil et m'approchai d'eux, un sourire timide plaqué sur les lèvres. L'ancien directeur du Studio me prit dans ses bras puis ce fut au tour de German de m'éteindre avec force. Il paraissait soulagé de me voir en cet instant.

-  Ludmila, j'avais peur que tu ne viennes pas! Assieds toi, tu veux quelque chose à boire, ou même à manger? Tu as pris le temps de déjeuner au moins? Il me semble que tu avais cours ce matin, j'espère que tu as pu faire un bon repas avant de nous rejoindre. Sinon, j'appelle la réception pour qu'il t'apporte de quoi manger, s'enquit German.

Pendant un instant, je retrouvai la figure paternelle que j'avais connu à Buenos Aires. Dès le début, il s'était montré patient et attentif avec moi, me délivrant ses précieux conseils chaque fois qu'il estimait que j'en avais besoin. Durant notre courte cohabitation, il avait pris soin de moi, comme de sa propre fille. Je m'étais alors sentie aimée et protégée.

-  J'ai mangé sur la route German, ne t'inquiète pas. Je dois prendre mon service chez Linda dans une heure alors peut-on commencer? Demandai-je plus froidement que je ne l'aurai souhaité.

-  Bien sûr, rebondit Pablo. J'imagine que tu sais déjà pourquoi nous sommes là.

Je hochai la tête en signe d'approbation. Bien sûr que j'étais consciente de l'enjeu de cet entretien. Tous deux voulaient s'assurer que je vive décemment ici, en Espagne.

-  Nata nous a confié que tu t'étais inscrite à l'université, reprit German. Je dois admettre que j'étais surpris, je ne savais pas que tu avais déjà terminé le secondaire.

-  J'ai obtenu mon diplôme de fin d'études l'année dernière. Je m'en sentais capable alors j'ai demandé à le passer en avance pour me consacrer... Enfin je voulais poursuivre d'autres projets.

J'avais terminé mon cursus d'enseignement secondaire en avance pour me consacrer entièrement à ma carrière d'artiste le plus tôt possible. Je n'avais malheureusement pas su concrétiser cette envie. Mes ambitions étaient certainement trop grandes par rapport à mes capacités. Malgré tout, je ne regrettais pas d'avoir tenté ma chance dans le monde impitoyable de la musique, tout comme je n'éprouvais la moindre amertume concernant mes projets de vie actuels.