II. 7-5

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Personne ne mange. Nous restons coi face à cette scène étrange ou deux humains se goinfres comme des sauvages.

- Assez!

La reine hurle, se lève de table, rouge de colère, puis abat sont poing violemment sur la table en faisant trembler la vaisselle. Un verre de vin rouge se renverse sur la nappe fine en coton brodée d'or.
Émeraude et Vulcain stoppent leur folie et dévisagent Sidia.
Ahmad qui se tient debout près de sa mère, un sabre fin à la taille, se le fait subtiliser par la reine qui pointe la lame au dessus des plateaux.

- Je vous défend de toucher encore un seul de ses aliments. Je vous promet de m'occuper de vous deux personnellement, de vous foutre la raclée de votre vie et de venir vous hanter même après la mort si vous ne vous calmez pas IMMÉDIATEMENT!

Vulcain décroche sa mâchoire et la laisse pendantes, tandis que Émeraude soupire en croisant ses bras sur sa poitrine.
Quand à moi, je n'ai pas de mot pour définir la façon dont je me sent. La seule chose que je sais, c'est qu'il ne faut pas contrarier sa majesté, sous peine de châtiment royal.
   Un silence de mort pèse dans la salle de réception. Plus le temps passe plus cela devient pesant. Personne n'ose bouger, nos regards vont et viennent les uns vers les autres en attendant qu'un fou ose briser cet instant.

   - Je veux que tu ailles te présenter correctement à notre invitée, siffle Sidia entre ses dents avant de remettre lentement le sabre à sa place.

   Je ressens un grand frissons parcourir mon échine et mon épiderme se contracte en faisant dresser les poils de mes avant bras. D'ailleurs, en observant d'un peu plus près Ahmad, il semble que lui aussi ai la même sensation que moi.
   Vulcain, qui visiblement n'a pas envie d'en découdre avec la souveraine, se contente de lui lancer un regard colérique avant de se diriger vers la porte de sortie.

   - Bien, maintenant que ce repas gâché est enfin fini, Émeraude, je te prierai de retrouver Vulcain au Colisée. D'ailleurs j'aimerais que tu m'accompagne aussi, Alban. Nous avons à discuter sérieusement, mais avant, une petite rencontre dans les règles s'impose.

   La reine semble avoir des flammes dans les yeux. Une force incroyable pour son âge l'anime, ce qui la rend de plus en plus intéressante.
Dans un bruit, je me relève d'un bond de ma chaise en la faisant grincer doucement sur le sol en marbre blanc. Les invités prennent congés et retourne dans leurs appartements après avoir salué la reine d'une profonde révérence.
Quand tous le monde a quitté la salle de réception, Sidia m'invite d'un geste de la main à la rejoindre.

- Ahmad, viens toi aussi, ajoute la souveraine dont la voix a retrouvée sa douceur.

Émeraude me rejoins également, le visage fermé, ses bras toujours croisés, un sourcil redressé et son air plus hautain que jamais.

- Sans te commander, ô dragonne, cesse donc de bouder, cela ne te met point en valeur et tu es bien plus majestueuse lorsque ton visage se fait moins dur.

La reine n'avais jamais osé jusque là, se permettre de remettre mon amie à sa place. Sa remarque n'a pas laissée Émeraude indifférente, puisque ses bras ont fini par retomber le long de son corps et ses yeux se sont remplis d'une étrange tristesse.

- Je te promet de te confier un secret sans précédent, ce soir.

Sidia a saisit les mains de ma douce. Elles se regardent avec intensité, leur yeux brillent à la lueur des torches dont les flammes vacillent tranquillement.

- Ce soir, nous allons voir aussi où en est ta guérison. Car un dragonnier sans sont dragon en pleine forme, ne vaux rien.

La reine tourne vers moi son visage et affiche un sourire étrange. J'y sent un mélange de mélancolie et de jalousie.

- Venez.

Sans un autre mot, nous nous engouffrons au travers de la porte avant de rejoindre des sentiers secrets, nichés au cœurs des appartements de la souveraine. Son pas est rapide, elle avance et appuie sur des pierres cachées dans les murs dans une hésitation. Les murs perdent leur faste et ne deviennent plus que des amas de calcaire et d'ocre jaune. Et enfin nous découvrons une petite porte en bois, d'un simplicité déconcertante.
La reine s'arrête, elle respire profondément, tremble un instant au contact de la poignée en métal vieilli.

- J'espère que vous êtes prêts.

Sa voix tremble également. Mais pas de peur, plutôt d'excitation.
Quand elle pousse enfin la porte qui s'ouvre dans un profond grincement, un terrain de sable circulaire, semblable à une arène s'ouvre devant nous. Le sable brille sous la lumière des flambeaux incrustés dans les murs.
Un grondement sourd résonne, puis un grand souffle fait décoller le sable dans une bourrasque violente.

- Non... souffle Émeraude.

Elle nous pousse et file en direction de cette tempête. La crainte de ce qui pourrait lui arriver me pousse à la suivre de près.
Je la trouve non loin de l'entrée, pétrifiées, ses yeux braqués vers le ciel. Quand je cherche du regard ce qui la rend aussi stupéfaite, c'est à mon tour de finir immobilisé.
La scène est presque irréelle.
Ma main attrape la sienne, son visage se tourne vers moi et des larmes roulent sur ses joues.
- Je ne suis pas seule, prononce ma belle.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant