II. 7-1 (Les révélations d'une reine)

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Je suis allongé sur mon lit tel que je me suis endormi: sale, de travers et vêtu de mes affaires de combat.
Mon corps est endolori. J'ai mal a chaque centimètre carré de mon épiderme et la sensation de crasse est tenace.
Lorsque je quitte ma chambre, les cheveux également en pagaille, une coupe de fruits frais m'accueille et le son de l'eau qui coule délicieusement dans le bain m'invite à le rejoindre.
Il est parfumé, prêt à l'emploi.
Un petit mot est griffonné sur un papier délicat:

« Alban, je suis partie faire un tour. J'ai besoin de... discuter. Grâce à toi, je n'ai pas su fermer l'œil de la nuit! En attendant, profite-en pour te laver, tu empestes la wyverne à plein nez et mange autant que tu le peux, car de mon point de vu tu n'es plus qu'un cure-dent pour dragon.
Émeraude. »

Voilà comment parle ma douce. Des mots qui paraissent durs, mais qui dissimulent plein de tendresse.
Je m'exécute sans me faire prier. Mes affaires tombent sur le sol, je ramasse tout ce qui est bon à manger et m'installe dans le grand bain avec plaisir.
Mon corps craque, les tensions sont présentes, mais s'apaisent avec la sensation de l'eau sur le corps. Des huiles énergisantes ont été employées pour me ressourcer d'avantage et le bruit lointain de la ville et de ses animations vivifient mon esprit.
   Je ne peux retenir un long soupir.
   Mes yeux se ferment tandis que les images d'Aarions, ma ville, me reviennent à l'esprit. Les animations, les marchands, les gardes qui me poursuivent pour quelques fruits dérobés, l'ambiance de l'auberge, la meute de loups et surtout, mon père d'adoption: Hiro, me manquent terriblement. Certes le ciel est gris la plupart du temps, mais quand un rayon de soleil apparaît, il me semble apercevoir la ville la plus belle au monde. On y découvre les couleurs qui se cachent sous la grisaille, du bleu royal aux géraniums rouges suspendus au fenêtres, au jaune des blouses des artisans, tout est sublimé.
Ici, bien que le pays d'Aasgar soit aussi magnifique, il manque un peu trop de gris et de vert à mon avis. Cet ocre omniprésent n'est pas habituel pour moi et une vague de nostalgie s'empare de mon cœur déjà éprouvé par ce séjour.
   Un nouveau soupir se dégage de mes lèvres.
   Si seulement le monde pouvait tourner rond, si seulement tout le monde pouvais vivre en harmonie, si seulement... je n'étais pas moi.

   - Bonjour Alban!

   La voix puissante et gaie d'Emeraude me tire d'un coup de mes pensées. Un frisson parcours mon échine tandis que je recherche un moyen de me faire discret.

   - Tu essaies encore de te dissimuler?

   Ma belle ricane, j'ai honte d'être nu devant elle et surtout encore plus honteux d'avoir laissé mes vêtements de combattant crasseux sur le sol.

   - Quel cochon, remarque bruyamment la dragonne en pointant du doigt mon t'as de linge.

   Un rire à la fois coquin et enfantin sort de ses lèvres. C'est la première fois que je vois mon amie aussi rayonnante. Puis, d'un geste élégant, elle défait la pince de sa longue robe blanche en soie, la laisse tomber sur le sol et sans même prêter attention à mon visage écarlate, vient me rejoindre dans le bain.
Ses longs cheveux bruns lèchent la surface de l'eau et ondulent avec délice, tandis que sa poitrine plutôt fine et ferme disparaît sous la couche de mousse.
Émeraude est maline et sait parfaitement que son corps de rêve, d'autant plus nu, est un véritable trésor pour les hommes.
Un sourire s'étire à nouveau sur ses lèvres, satisfait de l'effet produit sur ma personne.

- Tu es mignon quand tu rougis tu sais? Tu ferais un dragon rouge sublime.

La tonalité de sa voix résonne dans ma tête comme un écho unique et sans autre son autour. J'aime ce son plutôt grave quand elle parle, cette sensualité qu'elle dégage à chaque mot prononcé.
Bête, je suis bête. Un homme nu, face à une femme merveilleuse et nue également.

- J'avais bien envie de me délasser un peu aussi! Tu te rend compte à quel point j'étais inquiète hier avec ta disparition sur le dos de Scarlett?

Ses mots me ramènent à la réalité. Mon regard quitte les courbes gracieuses de mon amie pour se centrer sur ses lèvres.

- J'ai harcelé la reine pour savoir comment reprendre ma forme de dragonne et venir te chercher! Mais cette vielle bourrique n'a rien voulu entendre.

Émeraude lève les mains au ciel avant de les croiser sur sa poitrine, puis ferme les yeux un instant en pinçant ses lèvres.

- Je sais bien pourquoi elle ne m'a pas aidé, mais quand même, si tu avais été tué, je te promet que j'aurais transformé ce monde en tas de cendre!

   Je reste béa un instant avant de lui sourire à mon tour.

   - Je suis flatté de l'égard que porte une dragonne aussi belle à ma personne.

   Je mime une petite révérence dans l'eau avec pour seule tenue, la mousse du bain.
   Émeraude rit.
   Elle est joyeuse, sereine, lumineuse.

   - Ne te moque pas de moi! Je n'ai pas l'habitude de m'inquiéter pour quelqu'un et encore moins l'habitude d'être aussi... faible.

    - Mais, Émeraude, tu es tout sauf faible! Je prend plutôt cela pour une forme, disons... d'amour. Comme un ami le ferait avec ceux à qui il tient.

- Tu crois, me répond ma douce en penchant légèrement son visage tout en faisant une moue dubitative.

Ses yeux verts transpercent mon cœur à chaque fois qu'ils plongent dans mes prunelle.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant