• Sélénia •

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Je marche dans le château. Il est grand, immense même. Orné de tant de dorures, de matières précieuses et de victuailles de bataille menées par nos rois et prises aux autres espèces que compte le continent de Oho.
Je ne prend plus le temps de regarder ces horreurs arrachées par force à ces malheureux perdants et massacrés sans aucune pitié par la suite.
Un capuchon sur la tête, je suis de près mon mentor, pour rejoindre celui qui se considère comme notre maître. Comme si nous étions des animaux.
Quelle honte.
Je ne serais dire ce que j'ai vraiment au fond de mon cœur. De la haine, de la colère et sûrement beaucoup de rancune. Mais pour sauver celui qui se tient devant moi, celui qui m'a recueillie et m'a élevée, je n'ai pas le choix: travailler pour le compte du roi et lui obéir sans broncher sans jamais m'opposer à la volonté de ce fou.
   Une nouvelle mission vient de tomber, c'est pour cela que nous rejoignons les sous-sols du palais, pour plonger au plus profond de la colline sur laquelle il repose. Des torches parsèment notre chemin et éclairent les sombres couloirs qui se font de plus en plus étroit, humides et nauséabonds. Des relents de charogne émanent du cœur de la colline, là où le roi y cache son plus grand secret, là où même moi je ne sais pas ce qui s'y trame.
   Sûrement une vision d'horreur, un monstre ou bien encore des miséreux torturés ou servants pour diverses expériences, peut-être même pire.
   Omans n'a pas de limites. Il est fou et il n'y a rien d'autre à ajouter à son sujet. Son seul plaisir l'intéresse, le malheur, la peine, la souffrance et la misère des autres font son bonheur.

   - Sélénia, nous arrivons, chuchote Jutto, mon mentor vénéré.

   Il est dure, mais juste et veille sur moi depuis que je suis bébé. Il m'a appris à utiliser mes pouvoirs et a garder ma langue. Je suis devenue une espionne et une voleuse patentée grâce à lui et c'est pour cette raison que le roi emploie nos services pour son compte et nous permet ainsi de vivre dans une relative tranquillité. Mais je ne cacherais pas que mon envie de meurtre envers le souverain d'Orgès est immense. J'ai déjà vu les atrocités dont il est capable et l'ai vu faire des choses dont même les mots de barbaries, horreur et sadisme ne suffiraient pas pour qualifier correctement ce personnage et ce dont il est capable d'infliger. Cette personne -si je peux nommer Omans ainsi- est une sorte de démon ravageant tout et a l'égaux surdimensionnés. En d'autre terme: c'est un fléau au même titre que la peste.

- Tu restes près de moi et tu ne dit rien. Si quelque chose se passe mal, tu fuis sans m'attendre et sans te retourner, chuchote à nouveau Dendao.

Sa capuche, la même que la mienne, recouvre son visage. Elle est identique à la mienne à la différence près qu'elle est plus grande et que les bords sont usés au point de s'effilocher par endroits. Mais même recouvert de cette imposante cape presque noire, son regard fauve et sa balafre sur le visage fendant son œil gauche en deux ne quittent jamais mon esprit.
Et quand il me demande de l'abandonner si quelque chose se passe mal, il peut toujours aller se gratter pour que je lui obéisse. Ma vie n'est rien comparé à ce qu'il m'a donné. Je n'hésiterais pas à me sacrifier s'il le fallait.

- Sélénia, prend ceci.

Nous nous stoppons devant une grande porte métallique noire sur laquelle est gravée une tête de serpent dont la geule béante laisse apparaître quatre crochets mortels. Dendao me tend une fiole contenant un liquide rouge, un explosif très puissant, et un poignard à lame recourbée et violette, indiquant qu'un poison a été soigneusement appliqué sur celle-ci.
Mon mentor prend toujours soin de me livrer le matériel de première nécessité juste avant de commencer les choses dangereuses.

- Allez vous deux, en avant, grogne un homme gras aux allures de bourreaux à notre attention.

C'est cet immonde personnage qui nous tiens prisonniers dans ce château. En prenant soin de garder Dendao enchaîné par un sceau, il nous empêche de fuir et nous oblige ainsi à agir selon sa volonté. Une marque sur l'avant bras de notre « maître », lui sert de sceau de commandement et peut ainsi nous obliger à réaliser quelque chose contre notre gré, comme mettre fin à nos jour en cas de trahison. Pour ma part, il n'a pas jugé utile de m'en appliquer un, puisque Zven c'est parfaitement que je n'abandonnerais jamais Dendao.
   Les portes s'ouvrent devant nous et une grande salle sombre sans fond, à l'allure d'une caverne se dessine devant nos yeux. Un courant d'air dont les miasmes manquent de me faire vomir souffle sur nous avec une intensité surprenante le temps d'une seconde.
   Zven se moque de nous. Mon mentor a eu la même réaction que moi et semble tout aussi écœuré par cet odeur sans nom.

   - Alors les corbacs, sensibles à l'odeur de vieille charogne en décomposition? Je pensais que votre espèce était plutôt charognard non? C'est sûrement pur cette raison que vous n'êtes plus que deux!

   Une envie de le tuer à cette déclaration remonte en moi et me donne la sensation de bouillir intérieurement. Mais Den pose une main calme sur mon avant bras pour me conseiller de ne rien faire de stupide. Mon cœur se serre, quelle honte d'être abaissés au rang de bétail, de meuble même.

- Bien, je vous ai fait venir ici pour vous donner une bonne raison d'exécuter votre mission à bien, commence Zven, notre bourreau.

- Pourquoi n'avons nous pas étés dans la salle habituelle, interroge Dendeo.

J'avoue que cela pique ma curiosité également. L'endroit est vraiment glauque et ne dit rien qui vaille.

- Hé bien, c'est simple, parce que vous aurez des raisons de vous rebeller. Le roi a donc jugé bon de vous faire une piqûre de rappel.

Mon sang se glace, une ambiance vraiment lourde et sinistre s'empare des lieux et un rugissement lointain et perdu dans le vent dresse les poils de mes avants bras.
Den ne semble pas non plus à son aise.
Quelque chose cloche.

- Le roi à un batard. Un humain croisé elfe. Mais pour le moment nous ne savons pas où il est. Il ne faut pas que cet hybride apparaisse un jour et c'est la que vous allez intervenir mes petits oiseaux. Vous allez le trouver et le livrer à notre grand souverain.

- Mais... comment le trouver, interroge mon mentor. Avons-nous seulement la moindre idée d'où il peut-être, de son apparence ou même de son âge?

Sven soulève un sourire mauvais, content dès question que pose Den.

- J'aime bien ton attitude vieux corbeau. Nous ne savons presque rien, hormis qu'il a dix-sept ans et que ces oreilles sont légèrement pointues. Je suppose aussi qu'il a hérité d'une parties des capacités des elfes. Quant à son nom, le roi ne l'a pas mentionné, j'ignore pourquoi d'ailleurs.

- Mais, c'est trop peu pour pouvoir chercher rapidement ce gamin!

- Tais-toi, grogne le maître. J'ai déjà réfléchi à une façon de trouver sa trace.

Un sourire mauvais se dessine sur le visage rouge et bouffis de Sven.

- Un dragon est apparu dans notre ciel cette nuit et nous le cherchons. Je pense que les gardes royaux ne sont pas les seuls à rechercher l'animal, vous allez donc commencer par là, ordonne le bougre.

   - Messire, c'est une mission assez risquée, même pour nous... conteste Dendao.

  - Je refuse!

   C'est plus fort que moi, je sors de mes gonds. Comment traquer une personne en ayant presque aucune information est-il possible? Et puis son idée de suivre un gros reptile volant et cracheur de feu ne me plaît pas, la crainte étant que nous y laissions bien plus que quelques plumes.

   - Haha, toujours aussi spontanée et rebelle, Sélénia. Mais je vais te donner une bonne raison d'obéir petite sote.

   L'homme tape dès main une seule et unique voix et le même rugissement que nous avons entendus un peu plus tôt se réitère de plus près.
   Nous attendons, Den et moi, craintifs.
   Un bruit, comme celui d'un serpent dont le ventre traînerait sur le sol se fait faiblement ouïr.

   - Dendao, tu ne vas pas accompagner ta petite protégée cette fois-ci. La mission risque de rapporter beaucoup d'or alors même si je dois vous sacrifier tout les deux, je le ferais.

   Mon sang se glace et mon corps se pétrifie tout autant. Mon cœur n'a jamais battu aussi vite et fort dans ma poitrine.
   Sur le fond noir de la salle à l'allure de grotte, deux yeux jaune, semblables à ceux des serpents se dessinent. Un bruit visqueux résonne toutes les minutes et un relent très puissant de mort émane de la bête aussi noir que l'obscurité qui l'entoure.

   - Voila de la compagnie pour toi Dendao, commente Zven, sans cœur. Maintenant petit corbeau, vole vers ta mission et apporte moi le gamin. Sinon ton ami finira en casse-croûte. Mais tache aussi de ne pas te faire tuer par les autres chasseurs de primes.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant