La légende du dragon vert

I. 4-1 (Le plan)

   Mon repas fut succinct mais délectable. Anna avait profité de ce moment de calme pour m'apprendre les rudiments d'une transformation, juste au cas où le plan A pour sauver le dragon ne marcherait pas. Elle avait ajouté à cela qu'il me faudrait une pierre précieuse de la couleur du dragon -de préférence- , car une autre pierre pourrait avoir des conséquences physiques sur l'écailleux et dans ce cas, cela pouvait être très embêtant voir pire encore.

   Finalement je me retrouve sur le pallier, le soir est arrivé et mon sac est chargé de potion pour guérir le dragon, mais aussi du nécessaire pour le transformer -juste en cas de besoin.

   - Bon, Alban, il faut à tout prix que tu évites les gardes. Aussi bien pour ta sécurité que la nôtre.

   Je comprend son inquiétude, d'autant plus qu'il ne faudrait pas que ma quête s'arrête aussitôt, ce serait vraiment bête.
   Vêtu de ma cape verte, celle que j'ai emporté pour rejoindre le dragon, je pense être assez discret dans le noir. Le tout sera de dissimuler ma présence et notamment le bruit que je pourrait faire avec mon sac et les fioles qu'il contient.
   « Ne pas être vu » pour « ne pas être pris », il va falloir que j'utilise toute la ruse et l'agilité dont mon corps est capable pour rejoindre la taverne. J'ai d'ailleurs une petit pensée pour Hiro et le reste de notre clan, ils doivent sûrement se poser des questions sur mon retard. Je me demande comment ils vont et si personne n'a été blessé la nuit où l'écailleux est apparu. Ça a été une rude pagaille cette nuit la!

   - N'oublie pas, demain soir au crépuscule, un convoi Royal d'or arrivera par la porte Sud, en provenance du pays d'Aasigny. Faites bien attention toi et tes gars, car les guerriers de ce royaumes sont des humains très habiles dans le maniement des armes et ils sont très rapides!

   J'en prend note. Dès mon arrivé à l'auberge, il faudra déjà que j'arrive à persuader Hiro d'attaquer ce convois, puis il faudra très vite mettre en place un plan pour récupérer le trésor.
   La tâche s'annonce plutôt difficile et je dois avouer que je ne me sent pas très rassuré, malgré une certaine excitation.

   Il est temps pour moi de partir. Le soleil bas et la luminosité entre chien et loup va m'aider à me dissimuler davantage. Je remercie vivement mes hôtes et vérifie une dernière fois que personne n'est dehors.
   La voie est libre, je sors et cours entre les maisons des hybrides qui forment ce petit hameau coquet.
  Un premier groupe de soldats passe près de moi, deux par deux et armés de lances. Je m'aplatis contre une maison et reste figé dans l'ombre en prenant soin de dissimuler mon visage. A peine ont-ils fait quelques mètres que je m'élance dans ce qui semble être une petite plaine, montrant l'isolement du hameau et sa séparation avec le reste de la population.
   Ma course n'est pas très longue, j'ai dû parcourir une cinquantaine de mètres tout au plus. Mais ma crainte d'être vu par des gardes ne me quitte pas.
   Lorsque j'atteins enfin les première maisons en pierres des hommes, je profite d'un instant pour me retourner et vérifier que personne ne me suit et reprend mon souffle.

Le contraste entre le logis en terre et en bois des métisses et celles en pierres et en bois des humains est saisissante. La taille, l'ornement, la disposition, tout est mieux organisé chez les hommes et montre qu'ils sont privilégiés et plus riches que mes confrères.
Mon cœur se serre un peu plus dans ma poitrine, je sens la rancoeur monter en moi. Les humains sont détestables. Je ne peux pas comprendre qu'une espèce soit privilégiée par rapport à une autre. Dans ce monde, nous devrions tous vivre en paix et en harmonie, avec les mêmes droits et les même devoirs. Alors que là, il y a les esclaves et déchus d'un côté et de l'autre, ceux qui se fondent dans la masse de ce que désir un seul et unique être: le roi.
Ce maudit souverain...

Après m'être fait la promesse de venger un jour les métisses d'Orgès, je repars en direction du Sud et fini par rejoindre sans ennuis l'Auberge du Dragon Vert.

   Lorsque j'ouvre la porte principale qui grince, les visages incrédules de mes compagnons me dévisagent. Il est tard mais quelques soldats sont encore attablés et semblent complètement saoul.

   - Bon sang! Mais on était mort d'inquiétude pour toi! S'écrie Hiro au bout de longue minutes.

   Je ne sais pas s'il est fâché ou content de me voir. Je n'ai jamais vu une telle expression sur son visage depuis que je connais ce métamorphe et cela me déstabilise quelque peu. Soudain, je me retrouve dans ces bras, comprimé contre son torse et totalement incapable de bouger.

- Bougre d'imbécile! J'ai cru que tu étais mort! Tu as intérêt à tout me raconter!

Hiro, après m'avoir écrasé contre lui, tel un père retrouvant son fils, m'emmène à l'arrière de l'auberge et m'invite à lui expliquer en détail ce qui m'est arrivé.
Face à ce maître pour lequel j'ai une totale confiance, je n'omet aucun détail.

- Nyx nous donne régulièrement des informations sur la situation du dragon. Il paraît que depuis que l'écailleux t'a vu, il n'est jamais ressortit de l'eau, sauf pour prendre une bouffée d'air avant de remettre ces naseaux dans la petite réserve aquatique.

- Quand aux humains, ils continuent de le chercher frénétiquement. A ajouté Mérow, un subordonné de Hiro en qui toute la troupe voit le futur chef.

Son arrivée, si discrète, m'a surpris et j'ai frémis un instant en entendant sa voix plus aiguë mais tout aussi ferme du loup anthracite.
En tant qu'humain, c'est un homme aux muscles fins et allongés plutôt qu'un tas de muscles. Il est assez grand et ces yeux verts sont si intenses qu'ils ne laissent aucunes femmes indifférentes.
D'ailleurs, même moi je suis intimidé et fasciné par ce regard transperçant.

- Tu dis, Alban, qu'un convois d'or Royal arrivera demain au crépuscule et qu'il est nécessaire pour sauver le dragon blessé? Continue celui-ci. Mais je ne pense pas que Hiro soit d'accord avec ton idée, le risque pour nous est trop grand et la probabilité de sauver le reptile, trop faible.