II. 3-1 (les concurents)

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   L'annonce de Ahmad et sa mère, la reine Sidia m'a vraiment étonné. J'ai sentit dans les premiers instants mon cœur manquer un battement et mes lèvres se sont brûlées sur le bord de ma tasse de thé.
   Comment réagir? Comment comprendre leur choix? Je ne suis qu'un être lambda perdu dans la mer d'être vivants en Oho et sans particularité. J'aspire à la paix, à la vie sans manque et sans conflit comme bien des gens, alors pourquoi moi? Est-ce parce qu'un dragon a osé me venir en aide? N'est-ce pas dangereux pour Emeraude, pour moi, mes amis? La bienveillance du peuple de Aasgar est-elle réelle envers nous? Le prince et sa mère ne cherchent ils pas simplement à profiter de l'opportunité que représente un dragon pour l'utiliser à leurs fins?
   Aussi c'est avec ses questions en tête que j'ai quitté le prince et la souveraine en laissant derrière moi une Emeraude se complaisant des flatteries qui ne font de l'inonder. Je suis las de cette mascarade et mes amis me manquent. Je donnerais tant pour être à l'auberge en ce moment, plutôt que dans ce palais, certes merveilleux, mais qui ne ressemble aucunement à la ville pierreuse et au ciel gris qui m'est tant familier.
Au lieu de cela, c'est un valet très élégant et aimable qui ouvre mon chemin et me mène dans un dédale de couloirs démesurés et fascinants de décorations fines et précieuses. Il aboutit sur une porte dorée, immense, allant du sol au plafond et finement sculpté de lézards à deux pattes tenant, dans leur armures légères, des lances redoutables.

- Je vous en prie, mon seigneur, dit le valet en s'inclinant, vos appartements.

Je le remercie et entre après avoir poussé un long soupire. Quelque chose me dit que les soucis ne font que commencer, que cette histoire de tournois va me rester coller à la peau jusqu'à la fin de notre séjour en Aasgar.
Je pénètre dans une pièce à la hauteur de la grandeur de ce pays et remercie ce peuple d'avoir su créer des pièces aussi fraîches alors que la chaleur est accablante dehors.
   Le décors est semblable au reste du palais, du mobilier bas, invitant à s'agenouiller pour profiter d'une pause ou d'un thé. Le salon composé de deux grands fauteuils en osiers tressés se font face et ne sont séparés que par une table basse. La pièce volumineuse s'ouvre sur une grande fenêtre dont un balcon la surplombe et offre une vue imprenable sur la cité. Se faisant face, de chaque côté de cette salle de vie, deux porte bien plus petite et discrètes mènent aux chambres dont les lits à baldaquins pourraient contenir l'équivalent de dix hommes. Dans un coin, non loin des fenêtres, une baignoire semblable à une petite piscine disparue dans le sol et au courant d'eau doux et éternel offre une sensation de bien être immédiat. Nos bagages, bien que peux nombreux, nous attendent sagement empilés les uns sur les autres, mais vides. Aussi je me précipite sur les portes des armoires pour en inspecter le contenu et soupire, soulagé de voir que nos affaires ont été soigneusement rangées.
Émeraude n'étant pas présente, le soleil brûlant les peaux dès qu'un rayon la touche, pas de valet ou de prince insistant pour m'ennuyer, je profite d'une pause bien méritée dans ma piscine/baignoire et savoure le spectacle qui m'est offert: une vue splendide sur la ville et ses animations. Aussi, tandis que je suis allongé dans cette agréable source d'eau tiède et délassante, mes yeux vont et viennent entre les passants et les marchands avant de se stopper sur des étrangers arrivants en ville.
   Quatre délégations composées en moyenne de cinq personnes ou créatures fantastiques se font face sans se mélanger et semblent se toiser. À en juger par leur armes et armures, il doit sûrement s'agir des combattants envoyés en vue du tournois.
    D'après mes observations, il semble qu'un Minotaure haut et musclé commencent à s'échauffer à la vue des gardes d'Orgès dont deux ne me laissent pas indifférent: le prince Jorgünd Aldini, fils du roi fou et son bras droit et garde en chef de son armée rapprochée, Édouard Shield. C'est ce même homme à la chevelure et à la barbe blanche et parfaitement soignée qui a affronté Ahmad lors de leur intrusion en Aarions. D'ailleurs, voir ses hommes venir en Aasgar sans même montrer le moindre signe d'inquiétude me laisse perplexe. Comment font-ils? Pourtant le prince des sables, comme ont le surnomme ici, a clairement montré son hostilité envers Jorgünd et son père en leur tendant un piège.
Pendant que j'observe la scène, une porte claque. Mes yeux se tournant aussitôt vers la celle de ma chambre car des pas légers s'en rapprochent. Je n'ai pas le temps de protester que Émeraude la franchi et fait même plusieurs pas avant de s'arrêter et de relever la tête.
Un petit cri aigüe sort de ses lèvres parfaites, suivi d'un mouvement de recul. Elle me toise, les yeux ronds et attend, comme figée par ma vue.
Aussi, essayant de garder le peux de dignité qu'il me reste en cet instant, je place mes mains face à mon intimité et tente de détourner l'attention de mon amie.

- Émeraude? Ce serait vraiment gentil de te retirer dans ta chambre et... de me laisser me baigner s'il te plaît.

À mes mots, elle relève la tête, fronce les sourcils et tourne des talons sans même prendre la peine de répondre. Elle prend également soin de claquer la porte derrière elle pour signifier son mécontentement et me laisse une fois de plus avec un sentiment de malaise. Comment pourrais-je réaliser mon vieux si cette dragonne refuse d'être mon amie, pire, simplement de me parler?
Épuisé par cette journée, je fini par enfiler une tenue large et semblable à une longue robe pour homme, puis m'affale sur le grand lit sans manger et me laisser porter par un profond sommeil tourmenté.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant