I. 4-4

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De l'alcool.
Je n'ai jamais su boire, sous peine d'avoir aussitôt la tête qui tourne, une envie irrésistible de rire et de pleurer en même temps, avant de m'effondrer de sommeil.
Je lorgne sur la chope qui trône fièrement devant moi avec le plat de fayots au bœuf bouilli qui l'accompagne.
Mon Dieu, je me demande comment je vais finir ce soir. Soûl ou bien... plein de gaz. Niveau discrétion avant une opération délicate, il y a mieux, surtout quand on est censé voler le-dit trésor royal.
Je mange avec une bonne vingtaine de gardes, la salle de l'auberge est à moitié pleine. Mon attention est rivé sur mes compagnons qui ne semblent pas m'avoir reconnu pour le moment.
   L'ambiance joviale est bienvenue pour un moment de détente avant l'action, mais le brouhaha qui règne dans la pièce agresse mes oreille d'elfes qui sont très sensibles.
   Et le moment que je redoute arrive. Hiro s'approche de notre table et observe attentivement tout le monde. Cela ne m'étonne pas de lui, il a toujours cette habitude lorsque des clients arrivent. Il imprime leur visage, leur gestuelle, leur intonation de voix et les grave dans sa mémoire. Qui sait, cela peut toujours servir un jour?

   - Alors, messieurs, le repas vous convient il? Demande mon chef.

   Mon cœur s'accélère à nouveau, j'ai peur qu'il ne sente mon odeur. Ce vieux loup est très rusé et il ne manque pas de cran et d'idées pour parvenir à ces fins.

   - Hé bien, Tavernier, ton ragoût est exquis et l'hydromel est bien fraîche! Répond Tim avec l'approbation de ces compère auxquels je me joins.

   - Du rab! S'exclame un autre soldat dodu.

    Il est vite imité par d'autres dont le gosier ne doit pas avoir de fond.
   Hiro sourit, puis lève une main afin de faire taire les braillards.

   - Très bien, j'espère que vous ne serez pas trop lourds pour vos missions à venir! Répond Mon chef, lançant ainsi un petit défi aux gardes.

   Il me lance ensuite un regard et mon sang se glace. Un autre sourire se dessine, puis il tourne les talons. Je sent que ce vieux loup trame quelque chose, sans savoir quoi précisément.
Quand à moi, je suis bloqué là, au milieu des hommes que je m'apprête à trahir et ma chope d'hydromel n'est même pas entamée.

Lorsque nous repartons de l'auberge, le soleil c'est éteint et nous avançons à la lueur de nos torches vers notre point de rendez-vous. Une bonne moitié des gardes son soûl ou ont la panses remplie à ras bord, ralentissant ainsi leur mouvements.

- J'ai mal au bide! Se plaint l'un d'entre eux.

- Bien fait! Répond son voisin dont le visage sérieux laisse entrevoir de la colère à l'égard de son camarade.

D'autres essaient de marcher normalement, mais titubent et manquent même parfois de tomber tant ils ont bu d'alcools.

- Regardez moi cette bandes de bras cassés! S'exclame un homme à la grosse voix en tête du cortège. La gourmandise est un vilain péché, il en va de même pour la beuverie, messieurs! C'est indigne de vous! Rugit-il a juste titre.

   Les têtes s'affaissent sous l'autorité et le poids des reproches prodigués par l'officier supérieur.
   Je distingue vaguement son visage illuminé par les torches et surplombant celle des hommes qui m'entourent.
   Il est plutôt âgé, disons une cinquantaine d'années, un peu comme Hiro et possède une jolie barbe blanche courte et parfaitement taillée, surplombée d'une moustache tout aussi élégante. Un heaume argenté et orné d'une plume d'autruche bleue claire -couleur du royaume- trône fièrement sur son crâne.
L'homme descend, puis avance et observe attentivement les soldats qui composent notre groupe.

- Bien, bien, bien, commente leur chef dont les pas résonnent sur les pavés. Une élite, c'est pour cela qu'on a fait appel à vous. Mais que vois-je? Un tas de bras cassés! Il grogne, provoque les gardes pour attiser leur colère.

Je trouve la façon de procéder de ce vieux bougre un peu étrange. Il insulte et provoque ces soldats pour les motiver? Pourtant, bien que je ne crois pas une seconde dans l'efficacité de sa technique, je remarque cependant que le caractère des hommes qui m'entourent change. Leurs visages se teintent d'un je ne sais quoi sombre et un rictus mauvais se dessine sur leur minois jadis enjoué et bon enfant.
   Les mains se resserrent sur les manches des lances ou des pommeaux des épées. Quelque chose de redoutable s'échappe de ces hommes, comme une aura noire et meurtrière.

   - Je vous rappel, amas de merdeux, que si vous protégez correctement le trésor, le roi vous récompensera...

Une lueur étrange illumine le regard de mes compagnons d'un jour. La récompense promise est-elle réellement si belle? Je n'imagine pourtant pas qu'elle soit plus importante que le trésor promis en lui même.

- Une trésor? Interroge un garde qui semble soudainement passer pour un idiot face à ces camarades.

- Un trésor? Répète l'un d'eux. Bien plus! Un repas de rois, un logis merveilleux et surtout... un endroit paisible pour nos familles. Si tu travaille dur, tu ne manqueras de rien et tu auras de tout à profusion!

- Vive le roi Omans! S'écrie un autre garde un peu plus loin.

Tous hurlent ensuite à l'unisson en l'honneur de se monstre.
Vu l'admiration que portent ces hommes à leur souverains, j'en déduit que les humains l'aiment beaucoup. Hélas, à quel prix pour les autres espèces de ce monde?

- C'est l'heure! En garde messieurs! S'écrie le chef à la barbe parfaite et blanche.

Son cheval a pris place en tête du cortège et nous guide à l'entrée Sud du royaume.
En file indienne, la tension est palpable. L'excitation se lit sur les visages.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant