II. 1-2

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Le prince est vraiment un symbole pour la nation humaine du royaume centrale. Omans, le roi fou est adulé et son épouse, bienfaitrice l'est tout autant, alors autant dire que leur avorton part avec une longueur d'avance sur l'affection que lui porte le royaume. C'est aussi un moyen de détruire une image que de montrer le visage monstrueux de son paternel à un peuple adorateur, enfin sauf si les humains d'Orgès sont tout aussi fous que leur souverain.
   Les rires de la rue me coupent un peu de mes pensées. Je continue ma progression furtive sur les toits en ardoises noires de geais de la ville et poursuit en même temps mon chemin vers l'extérieur de la cité. La grand ville voit ses rues nettoyées soigneusement par des larbins du roi. D'ici ce soir, il n'y aura plus un seul signe de la démonstration de pouvoir qu'il y a eu la veille. La ville sera parfaitement débarrassée des banderoles et des fanions bleu électrique et brodés sur les bords de fils en imitation or blanc, des déchets alimentaires et du sang laissé sur les pavés à la suite de joutes urbaines données dans les rues principales de la ville en l'honneur des trois représentants de notre monarchie Aargonienne.
   Ma progression continue et j'arrive rapidement à la porte Sud de la ville, comme Émeraude, toujours escortée de nos deux loups.
   Elle passe la garde après un moment d'attente, une fouille très minutieuse au corps, mais aussi des sacs, vestes et tout ce qui peux permettre de cacher quelque chose pour Aasgar, comme des reliques volées, des parchemins ou même des petits objets estampillés du royaume d'Orgès. Une fois hors des remparts, c'est à mon tour de me faufiler vers l'extérieur. Pour cela, pas besoin de potion ou de supercheries, mon agilité et ma discrétion sont mes meilleurs atouts. Quand je suis seul, j'arrive facilement à duper les gardes et à passer à peu près ou je le souhaite, ce qui n'est pas pour me déplaire. Quelques sauts sur les toits, des roulades bien placées, marcher dans les pas de soldats qui font une ronde à quarante centimètres de moi sans être démasqué et le tour est joué. Pendant que la garde est plongée dans la foule de marchants qui attendent impatiemment de franchir les lourdes portes d'Orgès, je m'accroche aux pierres plus saillantes, me laisse glisser le long du mur en granite gris aux aspérités qui abîmes les mains et les genoux et fini par faire une cabriole arrière d'environs quatre mètres de haut avant de retomber sur mes jambes, de marcher l'air de rien dans ce foutoir et de disparaître ni vu ni connu vers le bois qui jouxte la ville citée.
   Lorsque j'arrive au point de rendez-vous après une dizaines de minutes de marche, Émeraude m'attend avec mes deux amis et un garde d'Aasgar que je reconnais rapidement, même si je n'ai pas eu l'occasion de lui demander son nom.
   Pendant que la dragonne me toise, une expression à la fois satisfaite et contrariée, le soldat saute de son cheval avec souplesse et élégance, dans une dans de tissus bleus foncés et légers. Lorsque l'homme se réceptionne, il est à genoux devant nous.

   - Messire métisse, fils d'un homme et d'une elfe, je ne saurais jamais assez vous remercier pour l'aide que vous m'avez apporté et encore plus d'avoir protégé et sauvé notre prince.

   Je suis gêné de le voir ainsi prosterné devant moi et lorsque je rencontre le visage d'Emeraude, je suis plus que surpris. Celle-ci le regarde de toute sa hauteur, un rictus largement satisfait sur les lèvres, le visage rayonnant et très malsain à la fois.

   - Relevez-vous mon ami, ne faite pas l'honneur de vous agenouiller devant moi... et encore moins devant elle, j'ajoute avec sarcasme.

   La dragonne me lance un regard plein de flammes et la colère qu'elle contient s'exprime sur les traits fins de son visage.

   - Je vous en prie, guidez nos pas jusque en Aasgar.

   L'homme, après être redressé, s'incline à nouveau dans une large révérence et nous invite à monter sur les chevaux qu'il a emmené avec lui.
   Émeraude écarquille les yeux. Visiblement l'idée de monter un cheval lui semble inconcevable, ou peut-être extraordinaire?
   J'attrape la belle par Le Bras, tire dessus pour la forcer à se pencher vers moi et dit:

   - Garde ta fierté pour toi, sinon il risque de nous arriver quelques problèmes par la suite.

   - Je suis une...

   - Tais-toi et pour une fois écoute mes conseils!

   - Je vais écraser cette pauvre bête, fini de prononcer Émeraude.

   - Mais tu es une humaine, plus un dragon pour le moment.

Les beaux yeux d'Emeraude s'arrondissent face à ma remarque et son visage s'obscurcit soudainement.

- Tu as raison, souffle t'elle.

Devant sa mine triste, ses yeux presque mouillés et la perte de sa gaité habituelle, je lui tend une main que je veux la plus chaleureuse possible.

- Laisse moi t'aider à monter.

Elle dépose ses doigts dans ma main en plongeant ses pupilles incandescentes dans les miennes, la douleur d'être devenu ce qu'elle déteste le plus se lisant dans ses yeux verts, intenses.

- Permet moi de t'aider à redevenir celle que tu es réellement, je souffle à son attention avant de l'aider à enfourcher sa jument blanche.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant