I. 6-3

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Je m'exécute sans broncher. Vu l'aura qui s'échappe de mon coéquipier, je n'ai pas envie de subir sa sentence. Il peut être très fermé lors de ces jugements et parfois la sanction est élevée. Autant ne pas jouer avec le feu.

- Bien, partez maintenant, Orgès n'est pas une ville de paix, ajoute Merow aux chevaliers.

Mon sang se glace. Mon ami est-il insensible au point de laisser ces malheureux dans la misère et la souffrance?

- Mais, Merow! Je conteste. Ils ont besoin de nous!

Un regard sombre et glacial se pose sur moi. Il n'a même pas tourné son visage entièrement dans ma direction, mais mes poils se sont dressés sur mes bras et un frisson a parcouru toute mon échine.

- Tu m'as déjà désobéis, Alban. Alors tais-toi et fais ce que je te demande cette fois-ci, tranche t-il.

   Je n'ose pas m'opposer davantage, mais la souffrance dans laquelle sont ces soldats me peine, j'ai de la pitié pour eux.

   - Ils ont eu ce qu'ils méritaient en venant s'opposer à notre royaume, ajoute mon camarade.

   Le sang se met à battre contre les tempes, mon cœur s'accélère et une vague de colère venu du fin fond de mon corps me remue. Je suis outré par l'attitude de mon ami et supérieur, comment peut-il être si dur avec eux?
Une sensation de froid s'empare de mon corps tandis que ma tête réfléchit mais sans but précis. Tout est noir et seule la colère s'impose à moi.
   Sans même comprendre ma propre réaction, sans pouvoir me retenir, j'explose et attrape par l'épaule Merow en prenant soin d'enfoncer mes longs doigts fins dans son bras, plutôt pour l'obliger à me regarder que de lui faire mal. Quand son regard croisé à nouveau le mien, l'expression de son visage change, il semble surpris, stupéfait même.

   - Alban? Ma lance celui-ci la voix quelque peu vacillante.

   - De quel clan fais-tu parti? Tu penses vraiment que les nôtres vont accepter un chef aussi froid et sans pitié que toi, je lache avec rage. Moi, je ne veux pas de toi dans ces conditions! Part et dit à Hiro que je ne reviendrais pas. Je préfère aider ces hommes et terminer ma mission, plutôt que de t'obéir comme un petit pions, un chien-chien.

    Il fronce les sourcils et m'affronte de ces yeux sombres. La peur tenaille mes entrailles qui se tordes et me font mal, pourtant ma détermination est sans faille. Mon sang est toujours aussi vif dans mes veines, il continue de tambouriner sur mes tempes au point de faire naître un mal de crâne, au point de faire battre mon cœur si rapidement qu'il me donne l'impression d'exploser, au point d'avoir les poings serrés et les veines saillantes sur leur dessus.

   - Allons allons, messieurs, pas de disputes s'il vous plait.

   Une voix si particulière, tellement familière retentit à l'orée du bois qui parcours les pavés menants en Aasgar.

   - Hiro, je m'exclame avec joie.

Il me salue d'un bref mouvement du regard et je constate qu'une lueur parcourt ces pupilles. Serait-ce de la malice, de la colère ou bien encore de l'excitation devant ce qui vient de se passer?
Mais son visage se crispe face à Merow et une ombre menaçante se dirige vers son second qui se plie littéralement face à son alpha pour finir à genoux.
J'ai rarement eu l'occasion de voir Hiro autant en colère, mais j'imagine qu'il doit avoir ces raisons pour aire plier ainsi celui qui est censé devenir l'alpha du groupe après lui.

- Nous en discuterons plus tard, se contente d'ajouter mon père de cœur à l'attention de Merow.

Une aura puissante semble entourer Hiro. Il dégage une énergie incroyable, celle d'un véritable leader. Puis il s'avance vers le chariot et tend une main bienveillante vers les gardes du Sud.

- Venez, rester ici est dangereux pour le moment. Il vous faut un peu de repos et de soins avant de repartir pour votre patrie, ajoute mon ami.

   D'abord méfiants, les soldats n'osent pas s'avancer. C'est celui dont j'ai atténué la douleur du bras qui s'avance en premier tout en faisant signe aux siens de le rejoindre. Il saisit la main de Hiro et rejoins le plancher de vaches tout en continuant de me dévisager sans prononcer un mot.
Devant l'élan plein d'énergie de mon chef de meute, je l'imite et aides les blessés à se déplacer vers la forêt épaisse et mystérieuse.
Je sent bien qu'ils ne sont pas rassurés à l'idée de s'introduire dans un endroit aussi austère et d'ailleurs, je ne suis pas rassuré également alors que j'ai déjà eu l'occasion récente d'y pénétrer.
Merow, resté cloîtré un moment au sol par la volonté suprême de l'alpha et a reçu l'ordre de rejoindre la ville et de réunir la meute. Mais connaissant Hiro, il ne lui a pas demandé cela sans raison et son subordonné a plutôt intérêt à obéir pour ne pas subir le courroux de son supérieur.

   - Bien, Alban, tu te charges des blessés pendant que j'installe le camp.

   - Un camp? S'offusque l'homme aux bras cassé. Nous n'avons pas le temps de nous reposer! Les cavaliers d'Aarions son certainement déjà en route pour nous rattraper!

   Hiro, aussi calme que la légère brise du matin qui balaye nos cheveux ne semble pas aussi inquiet. Tous ces camarades se sont figés et observent celui qui semble être leur chef.

   - Écoute, gamin, commence Hiro en s'adressant à cet humain. Regarde tes gars, ils sont épuisés par leur nuit de combat, affamés, déshydratés et pour certains, grièvement blessés. Je pense qu'ils ont besoin d'une pause et toi le premier d'ailleurs. Après tout, comment un chef peut-il diriger si ces idées ne sont plus claires?

   Il détourne sont regard de son occupation et plantes ces iris noirs dans ceux de l'homme blessés. Ce n'est pas pour le défier, mais plutôt bienveillant, ce qui ne me surprend pas de mon ami. Un sourire ce dessine sur le visage de Hiro et le chevalier semble se détendre.

- Vous avez sûrement raison, metamotphe. Mais nous ne resterons que quelques heures.

Puis il fit signe à ces compagnons de le rejoindre et de suivre mon ami un peu plus loin d ne les bois.

- Et pour notre chariot? Demande un jeune guerrier entièrement vêtu de bleu Marine.

- Ça, c'est ma spécialité! Je m'exclame avec joie. Je vais tout simplement le faire disparaître.

Je me frotte les mains et sens une puissance que je ne connais que trop bien affluer depuis les fin fond de mon corps vers ma peau. Mes paumes se mettent à briller et mon visage s'illumine d'un sourire satisfait.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant