I. 8-2

469 111 0
                                    

- Ça va gamin?

   La voix de Hiro me tire de ma rêverie. Mon visage se tourne vers lui, ma joue se couche sur l'herbe écrasée par les corps qui la piétine, sa fraîcheur me fait un bien fou et me donne la sensation de me ressourcer un instant. Puis je me redresse en m'appuyant fermement sur mes bras qui tremblent après avoir déployés autant de magie.

   - Je vais bien, c'est seulement la fatigue qui commence à m'affaiblir, je répond. La plaie sur l'abdomen est guérie, je m'attaque à celle de la cuisse maintenant, ce sera ensuite le tour de l'aile brisée.

   - Pense à t'économiser, sinon tu ne tiendra pas le choc, Alban, continue le vieux loup.

- Pas de soucis, j'y veille.

   Je m'appuie sur mes poignets pour me relever. Lentement mais sûrement, je me redresse. Pourtant, ma tête me donne l'impression d'être dans un tourbillon une fois sur mes deux jambes et je suis obligé de m'adosser contre le thorax fraîchement soigné du dragon. Celui-ci ouvre un œil et m'observe, mais un flou visuel vient s'ajouter à mon mal-être qui fini par me donner la nausée l'espace d'un instant.

   - Ouf, je ne pensais pas être sonné à ce point après ce soin, me dis-je à moi-même en fermant les yeux et en plaquant une main sur mon visage avant de le frotter et d'envoyer quelques mèches de mes cheveux en arrière.

   - Alban, s'écrie Nyx, tu es sur que tu vas bien? Tu as le teint pâle!

   - Oui, oui, ça va. Ne t'inquiète pas, petite fée, je suis juste fatigué, rien de plus. Je vais m'installer vers la cuisse et  attendre un peu avant de reprendre les soins.

J'essaye tant bien que mal d'avancer, mais impossible de ne pas m'appuyer d'une main sur le dragon pour me tenir debout. Même de cette manière, mes jambes menacent de se dérober sous mon poids et je risque la chute à tout moment.
Finalement, après quelques mètres passés à tituber, j'arrive enfin à la deuxième plaie. Mon corps se relâche brutalement et j'atterris d'un seul coup sur mes fesses en arrachant au même moment une grimace douloureuse. Mon corps est raide, comme ankylosé par l'effort magique que j'ai fourni.
    Inspirant profondément, profitant de l'air frais, je remplis mes poumons en appréciant le passage de l'air dans mon corps. Mes yeux se ferment à nouveau, je ressent le trajet de cet élément invisible qui traverse mon corps en allant de mon nez jusqu'à mes bronches. Cette bouffée d'oxygène me redonne de la force et un peu de motivation pour continuer ma tâche.
   Un élan de courage -où peut-être de folie-, me pousse  à tendre les bras vers la plaie. La même lueur miraculeuse s'échappe de mes mains que celle qui a servi à panser la précédente blessure. Le saignement s'arrête rapidement, la plaie se referme en quelques minutes, mais même si elle est moins grave que celle que je venais de soigner, il n'empêche que je sent mes forces me quitter encore un peu plus, accentuant ma fatigue et mes vertiges.
   Je ne suis même plus capable de me rendre à ma prochaine étape seul.

   - Hiro, je prononce à bout de souffle et la voix faible.

   Mon ami qui a l'ouïe fine se précipite à mes côtés. Son visage tendu et son regard rivé sur moi m'indiquent sa crainte à mon égard.

   - Gamin, doucement! Tu te rend compte dans quel état tu es?

  Il ne me parle pas avec douceur, mais plutôt d'une voix vive, comme pour me réveiller.

   - Je sais... je suis... épuisé... déjà...

   Mes paroles faiblardes, mes forces qui me quittent de plus en plus au bout de deux soins magiques.
   Je suis pathétique.
   Faible.
   Incompétent.
   Inutile.

   - Faut que tu t'repose, sinon tu vas pas tenir le coup!

Le métamorphe saisit mes épaules avant même que je ne puisse m'opposer à sa demande. Il me dépose sur son dos un peu comme un vieux sac de pomme de terre avant de me soulever comme une plume et de me déposer un peu plus loin, contre quelque chose de chaud, rugueux et respirant.
Ma vue se brouille lentement, ma conscience bascule. Mes sens sont engourdis.

- Non... je dois... soigner...

Ces mots s'échappent de ma bouche si faiblement, que j'ai l'impression d'être le seul à les entendre.

«Dors», m'ordonne une voix féminine, sans que je puisse distinguer de qui il s'agit. Douce et puissante à la fois, je m'enfonce dans les ténèbres en gardant le fil de cette intonation pour seul lien avec ma conscience.
Le sommeil m'emporte et je n'ai plus la force de lutter.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant