II. 5-3

186 30 3
                                    

Mon cœur tambourine fort dans ma poitrine. Mon souffle s'accélère. Mes yeux ne cessent d'aller et venir vers l'environnement qui m'entoure.
Nous nous installons sur la plateforme en bois qui craque sous nos pas.

- Soyez forts, soyez fiers, honorez Aasgar!

Les mots du prince précédent notre ascension vers un dernier sas avant notre libération dans l'arène. Les poulies grincent et les cordes volumineuses s'activent sous l'action des homme-taureau. La lumière fuse au travers d'une grille lourde. Le sable recouvre le sol, la foule est plus bruyante que jamais et le soleil ressemble à un rayon mortel.
L'impression d'être sur le point d'entrer dans un brasier truffé de salamandres rouges m'étreint. Pourtant, je n'ai pas peur. En cet instant, mon cœur ne pense pas au combat, mais plutôt au devoir d'honorer Assan et son peuple... et à ma belle Émeraude. Ou sera-t-elle installée? Va-t-elle regarder ce combat? Sera-t-elle fière de moi? En tout cas, ma seule volonté est de ne pas la décevoir.
   La herse se lève dans un grincement lugubre. Alors que nous avançons comme un seul homme, un vent terriblement chaud et étouffant nous accueil, suivi par la clameur des spectateurs venus par milliers.
   Une arène circulaire divisée en quatre nations et portant fièrement leur emblème: griffon pour Aasgar, pégase pour Iberion, phœnix pour Isus, wyverne pour Aaspen et aigle géant pour Orgès.
   Évidemment les encouragements que nous recevons ne sont pas les mêmes en fonction des zones des gradins. Aussi il est facile de deviner les relations entre pays rien qu'aux sifflements rageurs ou au contraire, aux clameurs qui nous sont destinées. Isus nous acclame, ainsi que Ibérion, tandis que Orgès et Aaspen nous sifflent et nous insultent.
Notre chef nous conduit au centre de l'arène, au cœur de la fournaise. D'ici, tout semble démesuré. Des milliers de personnes sont ici et paraissent être des millions. Le bruit fini par me donner mal au crâne et la chaleur fait rouler sur ma peau fine des perles de sueurs. Le sable brûle nos pieds et notre équipement, bien que léger, pèse lourd et me fait grimacer.

   Les hurleurs crient nos noms et désignent notre nation avant d'ajouter un « bonne chance à eux ».
    Un calme de mort tombe dans les gradins. Et un craquement lugubre accompagne des rugissements de créatures dont on ne distingue que les yeux rouges qui nous fixent par les grilles lourdes qui les séparent de nous. Nous sommes cinq, elles aussi. Dispersées autour de nous, nous encerclants. Et enfin le moment tant attendu arrive: les bêtes sont libérées.

   - Chacun la sienne! Rugit Assan en s'élançant vers la première créature à courir vers nous.

   - Des Wyvernes rouges! S'exclame la femme-chat qui nous accompagne, puis elle se dirige au pas de course vers son monstre.

   Je reste planté là à regarder mes coéquipiers engager le combat. Le soleil semble aspirer mon énergie. Je reste sur place à fixer la grille ouverte de ma wyverne qui tarde à sortir. Est-elle comme moi, a-t-elle peur de s'élancer dans un combat à mort elle aussi? Pourtant ces gros lézards, de plus de deux mètre cinquante de hauteur et de dix de longueurs n'ont pas vraiment à craindre les bipèdes que nous sommes.
   Un museau pointe timidement de son enclos, ses yeux rouges vont et viennent d'un côté et de l'autre de l'arène. Puis ils me fixent et je sens qu'elle a compris: je suis son adversaire. De longues dents blanches éclairent cette créature aux ailes fines et à la peau de cuir rouge.
   Elle s'élance de ses quatre membres vers moi, mais sa course semble moins rapide et sûre que celle de ses congénères. Un cri strident retentit dans ma direction, comme une invitation à la confrontation, comme pour se donner du courage. Alors je l'imite, mon épée recourbée entre mes mains, tenant la poignée avec force. Mon cri semble très faible comparé au sien, mais je tiens à lutter avec le plus grand respect pour cette créature magnifique.
   Le monstre saute au dessus de ma tête a ma plus grande surprise, puis enfonce ses membres dans le sable plus glisser et me faire face. Une erreur qui lui aurait coûté la vie immédiatement si elle avait combattu un de mes camarades.
   Assan nous as entraîné pour ce genre de situation. Il se doutais qu'une créature du désert ferait office de premier adversaire. Mais jamais il ne m'a préparé à combattre un être plus effrayé que féroce et l'attitude de la wyverne m'interroge. Dois-je l'abattre sans réfléchir? Lui offrir une fin rapide et sans plus d'angoisse, ou... trouver une alternative qui permettrais de ne pas achever la bête?
   Son regard rouge fendu d'un iris aussi fin qu'un coup de griffe me fixe. Elle attend que j'agisse.
   Mon choix est fait.
   Tandis que Assan décapite sa créature, que Fadir éventre la sienne, je range mon arme et me précipite vers ma wyverne rouge. Elle rugit, se met en garde et sans même qu'elle n'ai le temps de réagir, je sors de ma ceinture une corde courte - deux mètre de long seulement- et la passe autour du coup de la bête en sautant dans une cabriole élégante sur son dos. La foule hurle, mes camarades se ruent vers moi et alors qu'un rodéo déchaîné tente de me mettre à terre, la wyverne décide de s'envoler en un grand coup d'ailes, faisant voler le sable dans un tourbillon autour de nous et empêchant mes alliés de me rejoindre.

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant