II. 4-4

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Ma belle dragonne aux yeux verts profond m'observe, les yeux brillants. Ma main quitte sa joue rose et brûlante pour attraper la sienne et serrer ses doigts entre les miens.

   - Alban, murmure mon amie les yeux brillants et prêts à verser une larme.

   - Je vais bien, répond ma voix éraillée dans un souffle alors que ma respiration se calme enfin.

Puis son regard se durcit. Elle plisse son front et ses sourcils fins se penches au point de se toucher. L'air se charge de chaleur et la tension est palpable. Tous les muscles d'Émeraude se tendent sous sa peau et d'un mouvement d'une grâce inouïe, elle se redresse et fait face au prince et à sa mère. Elle tend un doigt accusateur vers eux.

   - Vous... gronde ma dragonne aux yeux verts. Vous avez tentez de tuer mon dragonnier, rugit la belle. Vous allez me le payer.

   Elle prend une grande inspiration et souffle une flamme dans leur direction, d'une étonnante intensité. Assan n'a que le temps de se retourner et de prendre Sidia dans ses bras quand un homme, vieux, aux cheveux courts et grisonnants s'interpose et contre la flamme par une autre.
Surprise mais pour autant toujours en colère, Émeraude siffle entre ses dents.
Depuis ma place, j'observe ce nouvel arrivant, donnant l'impression d'avoir la soixantaine et dont les yeux dorés me rappellent vaguement quelques chose.
Ma dragonne s'apprête à attaquer de nouveau, mais je lui ordonne de se stopper. Elle jure entre ses dents, sans lâcher de ses yeux perçants les trois accusés.

   - C'est bien dommage d'entendre de telles paroles dans la bouche d'une si belle demoiselle, sermonne l'homme plus âgé. Vous devriez peut-être écouter ce qu'on a dire nos souverains avant de les mettre à rôtir?

   Se mettant aux côtés de Sidia, il lui tend une main douce et son regard l'interroge sur son état. La reine ne fait que lui offrir un sourire rassurant, ce qui semble l'apaiser.

   - Je pense que Alban est capable de comprendre notre geste, reprend Assan d'une voix tranchante.

   Je sens la tension émanant de mon amie toujours aussi présente, son corps tendu, mais son attention reportée sur moi malgré son regard rivé ailleurs.
   Alors, avant de tenter d'apaiser la situation, je me redresse, les muscles endoloris par le manque d'oxygène. Une fois debout, j'attrape le bras d'Emeraude et la force à plonger ses prunelles aussi vertes que la pierre précieuse dans les miens. Cela provoque en moi un frisson, comme un mélange de fascination et d'inquiétude à la fois. C'est tellement étrange quand je suis à ses côtés! Je me sens, électrisé, comme un enfant cherchant l'attention d'une personne en particulier.

- Je... je ne sais pas vraiment par quoi commencer, dis-je un peu bredouillant. Mais cet homme a raison, Assan et sa mère ont des raisons louables.

La dragonne attend, l'impression d'être sur le point d'exploser m'oblige à me presser dans mes explications.

- J'ai vu qui sont mes parents et quel est mon passé.

Ma voix se brise en pensant à ma mère, à cet avenir maudit que ce satané roi Omans lui a offert et à mes origines...
Je ne suis ni voulu, ni aimé.
La peine me submerge telle une vague frappant mon visage de plein fouet. Ma respiration se coupe un instant avant de revenir avec peine, noyant avec elle un sanglot qui ne serait pas digne d'un homme, ni d'un elfe. L'évidence s'impose à moi pleinement, cruelle. Personne n'a jamais souhaité ma présence ici bas et personne ne compte sur moi.

- Alban, murmure Émeraude, le visage inquiet et interrogateur.

Ma bouche s'entrouvre, puis se referme. Mes prunelles quittent celles de mon amie, ainsi que la main que j'avais déposé sur son bras pour lui faire face.
Un sentiment de honte me submerge, puis de colère, avant de laisser place à la peine. Ma poitrine se serre, j'ai envie de fuir cet endroit, de me terrer dans un recoins sombre où personne ne viendrait.

- Je suis désolé, dis-je d'un ton monocorde, dénué de sentiments.

J'essaie tant bien que mal de cacher ma souffrance, mais la sensation d'être moins aimable qu'un Orc en colère me frappe.
Les visages se penchent, visiblement compréhensifs, puis sans ajouter un mot, je quitte les lieux pour rejoindre mes appartements et m'y enfermer.

Ce n'est que le lendemain, après avoir passé la nuit à penser à mes parents, que je suis sortis de ma chambre pour trouver dans le petit salon un plateau frugal agrémenté d'un thé parfumé au jasmin. Le parfum est exquis et c'est l'esprit vide que je me suis installé pour profiter d'un autre moment de calme.
La frustration ne m'a pas quittée, la colère et la peine non plus...
Un long soupire accompagne mon petit-déjeuner, quand un parfum délicieux de fleurs printanières s'invite à mon repas. Émeraude, vêtue d'une longue robe noire et très légère s'installe devant moi. Autour de son cou est accroché la pierre de lune dont les reflets se font de plus en plus verts, un bracelet en or large et finement ciselé a pris place sur son poignet gauche et une paire de boucles d'oreilles pendantes en or et émeraudes a pris place sur ses lobes fins et délicats.

- Tu es sublime, je souffle, ébloui par la grâce et l'élégance de mon amie reptilienne.

Elle hoche la tête en remerciement et un sourire satisfait étire ses lèvres merveilleusement rosées.

- J'aimerais que tu m'en dises plus sur ce que tu as appris, lâche la dragonne sans précautions.

Mais encore une fois, ma bouche reste fermée. A quoi bon lui dire ce que j'ai vu? J'aurais l'impression de me plaindre de toute façon et rien que l'idée m'en fait horreur.
Hélas Émeraude est tenace et sa mine insistante me pousse dans mes retranchements.

- Je n'ai rien à dire, je répond méchamment, rien à dire à part que je suis le fils d'un monstre et d'une pauvre elfe!

Je hurle tant la douleur contenue dans mon cœur a besoin de se libérer. Sans même m'en rendre compte, je me suis levé d'un bond et ai brisé ma tasse sur la table.
Émeraude m'observe sans bouger, comme étonnée par ma force et ma réaction.

- Laisse moi en paix, maintenant! J'ai besoin de me concentrer sur ce foutu tournois!

La légende du dragon vert Où les histoires vivent. Découvrez maintenant