La légende du dragon vert

I. 7-2

L'homme me prend au dépourvu. Mon cœur s'accélère subitement mon regard reste fixé sur lui. Que dois-je répondre? Dans un sens il pourrait peut-être nous aider, mais dans un autre, il est possible qu'il veuille un jour chercher le dragon blessé pour sa carcasse ou pour bien d'autre choses, comme un combat entre Aasgar et Aarion.
Que faire? Dois-je fermer les yeux et déblatérer sur ce qui m'est arrivé? Ou rester muet et entretenir entre nos deux groupes une méfiance malsaine?

    - Je ne pense pas être en mesure actuellement de vous faire du mal avec cette question, me dit l'homme.

   - Et quand vous en aurez la possibilité?

   J'essaie d'être tranchant dans ma réponse. J'ai besoin de certitudes.

   - Je ne puis rien prouver, demi-elfe. Comme vous avec la nourriture tout à l'heure. Seule ma bonne volonté et mon honneur sont en jeu.

   - Je ne puis révéler une chose aussi précieuse. Il s'agit là tout simplement d'un espoir inespéré pour les peuples opprimés et les hommes qui souffrent aussi de la folie de Omans.

    Le garde écarquille ces yeux.

   - Oh, je vois, se contente t-il d'ajouter le plus simplement.

   Il envoie à mes pieds une petite bourse bien rondelette et pleines de pièces d'or. Puis il hoche la tête pour demander à ces gardes de faire la même chose. Sans même sourciller, ils s'exécutent et m'offrent ainsi plus de huit paquets bien rempli.
Mon regard brille devant ce petit butin et une sensation rare envahi mon corps. Une joie sans nom qui me redonne espoir pour le dragon.

- Je ne sais pas comment vous remercier.

- Votre espoir, vous devez le protéger de toutes vos forces pour sortir vainqueur de ce combat. Il y aura des batailles, des pertes, des joies, du sang et de la peine. Mais c'est malheureusement comme cela que l'on se libère d'un tyran. Pas besoin de nous remercier, disons que ce n'est qu'un maigre remerciement pour votre aide.

L'homme s'arrête de parler. Son regard est triste, il baisse la tête.

- Vous n'avez pas pu éliminer le chef de notre garde royale n'est-ce pas, coupe Hiro.

- En effet...

- Il est fort et d'une puissance incroyable.

- Surhumaine, j'ajoute a ces mots.

Les visages fatigués et meurtris des soldats se tournent les uns vers les autres. Je pense que chacun a compris à quel point Aarions est une ville puissante et pleines de secrets.

- Omans, pense que les hommes sont des être suprêmes. Il asservi les autres races et se sert d'eux ensuite pour bénéficier de leur capacités et de leur pouvoirs autant qu'il le peux. Je me demande si le chef des garde n'est tout simplement pas protégé par un enchantement ou une potion pendant ces missions.

- c'est fort probable, répond Hiro.

Puis mon ami se tourne vers les loups et les remercie d'être venus. Il les congédies et tels des fantômes, ceux-ci retournent dans la forêt dans un léger bruissement de feuilles.

   - Il faut que vous partiez maintenant, continue mon père de cœur. Vos jours dans cet endroit son désormais en danger. Fuyez avant qu'il ne soit trop tard.

   - Une dernière chose, coupe le chef des soldats du Sud. Il y a encore quelques pièces dans le chariot, je vous les donnes également demi-elfe. J'aimerais vous les offrir, mais cette fois-ci en signe d'amitié.

Sa réaction m'étonne un peu. Je ne pensais pas qu'il me donnerais aussi facilement les pièces d'or que ces hommes transportaient. En signe de remerciement, je m'incline profondément et me dirige aussitôt vers le ventre métallique et sombre de l'engin et sort de ma besace une toile en jute pour y placer les quelques pièces qui traînent ici et là. Une fois ma tâche accomplie, j'enroule le tout et fait un noeud solidement fermé pour ne pas perdre le précieux trésor.
    Les soldats se sont amassés entre temps au niveau du chariot. Je profite de l'instant pour aider les blessés à monter à bord et descend ensuite pour me placer près de Hiro qui se tient au niveau des chevreaux de traits.

   - Merci de votre aide, dit le soldat en chef.

   Je ne sais pas vraiment quoi répondre et me contente de hocher la tête.

   - Tenez, si vous revenez un jour sur Aarions, cela pourrait vous être utile en cas de problème.

   Hiro tend à l'homme une sorte de petit sifflet en argent et dont l'extrémité est sculptée d'une tête de loup.

   - C'est une sorte d'appeau et seul les canidés peuvent l'entendre, cela pourra nous prévenir de votre présence et ainsi nous pourrons si besoin est, vous venir en aide.

   Le chef des gardes nous salue d'un geste bref et remercie vivement Hiro.

   - Messieurs, j'aurais aimé connaître vos noms si cela est possible?

   Je réalise que nous ne nous sommes même pas présentés malgré les heures qui se sont écoulées. Nous rectifions immédiatement cette oublie.

   - Vous êtes? je demande également au garde.

   - Amad Sith, chef de la garde royale d'Aasgar.

   - Faites bon voyage, continue Hiro.

   - Merci, portez-vous bien. J'espère que nos chemins se croiseront de nouveau, répond Amad.

    Puis leur chariot s'éloigne rapidement dans un grand bruit de carlingue en fer malmené par les pavés de l'unique route qui rejoins Aarions et Aasgar.
   Nous restons un instant à les regarder, puis notre visage se tourne vers Orgès, comme pour vérifier qu'aucun chevalier ne les poursuit.
   La voie est libre, ce qui me rassure un peu. Mon cœur est apaisé et mon esprit est prêt pour continuer sa mission sauvetage. J'espère simplement que le dragon est encore vivant et que Nyx n'a pas eu de soucis pour le cacher ou le défendre.

   - Bon, gamin, je vais me transformer et t'ouvrir le chemin jusqu'a l'écailleux, m'informe mon ami.

   Mes sens sont plus développés que ceux d'un homme, il n'en reste pas moins que l'aide d'un loup au flair aiguisé me sera d'une grande utilité. Surtout Hiro qui connaît déjà le mieux et le parfum de l'animal.
Pendant que mon père de cœur se métamorphose, je rassemble les baluchons pleins de pièces dans ma cape et noue le tout autour de ma taille pour me rendre la marche plus facile et éviter de perdre mon butin.
Le loup noir me regarde. Il est temps pour nous d'avancer dans cet épaisse forêt d'un vert immaculé.