CHAPITRE VIII*

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En attendant qu'il soit l'heure d'aller au restaurant, je regarde des conférences de presse ou bien des questions-réponses sur les pilotes. J'aime bien me faire une opinion de ce que je vais vivre bientôt, le premier grand prix de la saison est dans un peu plus d'une semaine à Bahreïn, je me renseigne alors sur les pilotes et même si ce que j'apprends n'est que secondaire, savoir que Charles Leclerc n'est vraiment un bon chanteur ou encore que les pilotes McLaren soient fous me permet de savoir comment mieux les appréhender sur le paddock. Alors que je regarde la conférence de presse du grand prix de Silverstone de 2019, Lewis rentre dans le salon.

-Moi : Hey !

-Lewis : Hey, tu regardes quoi ? Oh Silverstone 2019 !

-Moi : Oui ! A mourir de rire l'histoire de la puberté de Lando !

-Lewis : C'est vrai que c'était drôle ! Tu manges avec moi ?

-Moi : Mon père veut que l'on parle... Mais il est fort probable que je lui crie dessus et que je m'en aille avant la fin du repas, voir avant même que les assiettes soient servies !

Il rigole et je me rends compte qu'il est temps que je parte rejoindre mon père. Je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre avec lui, parfois il me laisse vivre ma vie mais d'autres fois, il me considère comme une petite enfant de 5 ans et je déteste ne pas savoir sur quel pied danser. J'aimerais vraiment qu'il comprenne que je suis une femme et qu'il ne peut pas m'empêcher de vivre ma propre vie sans qu'il décide quoi que ce soit.

Arrivée devant le restaurant je le vois déjà assis autour d'une table, il joue avec ses doigts, on dirait qu'il est stressé. Quand il me voit entrer dans l'enceinte du bâtiment il se lève d'un bond, l'air plus détendu et joyeux, on dirait qu'il stressait que je ne vienne pas. Il me fait un câlin que je ne lui rends pas mais je ne le repousse pas pour autant. Je l'entends soupirer légèrement mais il ne dit rien. Nous nous asseyons puis un serveur vient avec la carte. Je choisis après multiple réflexion une petite salade, c'est le plat le moins calorique de la carte.

-Toto : Je voulais te dire que je suis désolé, je ne devais pas te frapper pour ça, Je n'aurai jamais dû lever la main sur toi... J'ai eu tort mais j'ai tellement peur pour toi. Je me rends bien compte que tu dois suivre ton propre chemin mais je ne pensais pas que ça serait aussi dur de te voir grandir. Je n'ai pas souvent été là, je le regrette beaucoup et maintenant je veux te garder près de moi, comme j'aurais dû le faire quand tu étais encore enfant. Je te promets de faire des efforts, je me suis beaucoup penché sur la question ces deux derniers jours et je dois te laisser vivre. Il faut que tu saches que cela va être très dur pour moi, que parfois sans réfléchir je vais dire des choses que je regretterai mais je ferais de mon mieux. Je te laisse grandir et je ne t'interdirai plus d'avoir des amis qui peuvent être pilotes.

-Moi : Merci papa, ça compte énormément pour moi ce que tu viens de dire. Je te remercie vraiment.

-Toto : En revanche les relations plus qu'amicales sont exclues et non négociables. Je fais des efforts mais crois-moi, sortir avec un pilote ne t'apportera rien de bon.

Je ne réponds pas, je ne cherche pas de relation et puis je n'ai pas envie de m'énerver avec lui sur le fait qu'il ne peut pas décider de mes sentiments ou autres, surtout après l'effort qu'il vient de faire. Si un jour je tombe amoureuse de quelqu'un, par le plus grand des miracles, nous aurons à nouveau cette discussion mais pour l'instant je vais me contenter de pouvoir devenir amie avec eux. Et puis, de toute façon je ne veux pas avoir de relations avec un pilote, ils ont une vision et un objectif de vie tellement particulier qu'une personne extérieure ne peut pas suivre.

Je me lève et prends mon père dans mes bras, je veux lui montrer à quel point c'est important pour moi ce qu'il vient de faire. Je me rassois et envoie un petit message à Lewis qui s'inquiétait de la tournure des événements. "Hey ! Bon ça se passe bien, j'ai le droit de me faire des amis ! Je te raconterai quand je rentre !"

-Moi : Donc, à l'hôtel comme sur le paddock je pourrai parler et rire avec tous les pilotes sans que tu ne me dises rien, on est d'accord ?

-Toto : Oui... mais je veux que tu saches que si l'un d'entre eux te fait du mal je te jure que le découpe en morceaux !

-Moi : Je sais bien ! Je ne m'en fais pas pour ça !

Nous mangeons finalement sereinement, moi qui pensais que je ne finirais jamais ce repas, je me suis trompée. Nous rigolons tous les deux, il me raconte certaines conneries qu'ont fait les différents pilotes ou même le personnel, j'ai vraiment hâte de vivre dans un paddock de Formule 1, ressentir cette tension et l'adrénaline à chaque virage.

Lorsque le dessert approche, une certaine tension s'installe, signe qu'il veut me parler de quelques choses de sérieux même si je redoute encore le sujet.

-Toto : Je sais qu'un jour tu partiras de la maison, et je me fais vraiment du souci pour toi. Je ne veux pas que tu plonges, j'ai si peur que tu fasses cette bêtise alors je veux que tu me promettes de toujours m'appeler, que tu m'en parles dès que tout va mal. Je m'en voudrais tellement si...

Il ne finit pas sa phrase, je sais de quoi il parle, sa tristesse dans sa voix me déchire le cœur. Depuis qu'Ethan est parti, sa plus grande peur est que je plonge dans la mutilation ou même que j'envisage de me suicider. Si bien que pendant longtemps il m'appelait en Face Time tous les soirs pour que je lui montre mes poignets. Ce qu'il n'a jamais su c'est que mes cuisses étaient rayées et abimer durant toute mon adolescence jusqu'à mon entrée en master. Je n'ai jamais trouvé la force de lui en parler, j'avais tellement peur de le décevoir mais plus j'attends plus je le ferai souffrir.

-Moi : Justement... Je dois te dire quelque chose mais ça ne te plaira pas... je suis vraiment désolée...

Je vois qu'il a presque envie de pleurer certainement déçu, il se doute bien de ce que je vais lui annoncer. Il sait que j'ai craqué. Il a compris que j'avais passé des années à lui mentir, pour le protéger.

-Moi : J'ai plongé, et cela a duré plusieurs années... la pression était trop forte, trop dure pour moi. J'ai trouvé cette solution pour évacuer et même si ce n'est pas la bonne méthode, à l'époque j'en avais besoin. Je suis vraiment désolée... tu dois vraiment être déçu et...

-Toto : Je ne suis pas déçu, il faut beaucoup de courage pour m'en parler et c'est ma faute, j'aurai dû savoir, j'aurai dû t'aider, ne surtout pas te laisser seule, c'est ma faute... Mais je veux être là pour toi maintenant, tu dois m'en parler à l'instant même où cette idée te traverse l'esprit.

-Moi : Je t'interdis de dire une chose pareille ! Tu, tu... il n'y a qu'une seule responsable

Ma voix se brise, j'ai tant de mal à évoquer cette partie de ma vie, c'est encore frais. Et je vis avec cette peur, constante, de replongée encore plus bas.

-Toto : Ne te jette pas la pierre, tu as fait ce qui te semblait être la meilleure option à ce moment là

Il vient me prendre dans ses bras et nous nous mettons à pleurer tous les deux, je suis soulagée qu'il l'ait aussi bien pris. Je lui murmure que je lui promets de ne pas sombrer, même si c'est faux, j'y ai déjà pensé à nouveau, trop de fois d'ailleurs mais je sais que si je craque c'est fini, je ne pourrai pas m'arrêter et je refuse d'infliger cette souffrance à mon père. Je ne dis rien, je ne veux surtout pas briser ce moment chargé d'émotions, les larmes continuent de rouler sur nos joues mais dans cet instant de douceur un sourire retrouve sa place.

La fin du repas se passe à merveille, nos petites larmes ayant sécher nous changeons de sujet afin de rire de nouveau. Je dis au revoir à mon père sur le parking, je lui souhaite bonne nuit et nous nous séparons. Dans ma voiture j'essaye d'appeler Ethan de façon tout à fait désespérer, même si c'est son anniversaire il ne m'a, jusqu'ici, jamais répondu. J'ai promis à ma mère que j'essayerai alors que nous savons que c'est une cause perdue. Les premiers bips retentissent et alors que je me prépare à laisser un message vocal qu'il n'ouvrira certainement jamais, une voix résonne à travers mon portable, sa voix. 

Fuck, SirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant