Septembre, encore

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Je commence ce nouveau journal, parce que j'ai perdu l'ancien. Nouveau journal, nouvelle vie, n'est ce pas ?

Et pourtant, au début de l'été, je ne pensais pas pouvoir réussir. J'avais tellement peur que Benoît raconte ce qui s'était passé au skate park que je restais cloîtrée dans ma chambre. Myriam et Papa étaient ravis.

Je relisais mes livres en priant pour qu'on ne me vienne pas m'emprisonner, un matin, pour avoir abîmé le nez d'un pauvre adolescent un peu stupide.

Au final, personne n'est venu.

Je me suis tout de même enfuie à Marseille avec Maman. Elle pensait que ça me ferait du bien, et oui, ça m'a fait du bien.

Un mois et demi sans Myriam. C'était quand même pas mal.

Je me réjouissais de ses vacances, tout en étant inquiète. Maman et moi, ce n'était plus pareil. On n'étaient pas aussi complices qu'avant. On se cherchaient, on recommençaient à s'apprivoiser.

On avait un mois et demi pour réussir.

J'étais en vacances, Maman non.

Les premiers jours, j'ai lu. Le soir, elle rentrait et nous regardions un film ensemble. Mais ça ne suffisait pas, je crois. Je me sentais toujours mal. Je culpabilisais par rapport à Benoît. Mes mains étaient salies. J'avais honte de moi.

Je n'entendais plus la colère, mais j'avais trop peur qu'elle surgisse de nouveau, alors je n'osais pas bouger.

Et puis, je m'ennuyais. Je lisais Sa Majesté des Mouches, quand j'ai pris mon courage à deux mains, et je suis allée faire un tour dans la ville. Il y avait une petite annonce, à côté d'autres petites annonces, mais c'est celle là qui m'a attirée la première.

Une association organisait un stage de théâtre.

Je n'avais jamais fait de théâtre de ma vie. La dame de l'accueil m'a dit que ce n'était pas à destination des débutants, j'ai menti, et je me suis inventée un passé de comédienne amatrice. Je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça. C'était comme un pressentiment.

C'était un bon pressentiment, puisque le théâtre était mieux que tout ce que j'aurais pu imaginer. C'était tellement reposant, pour une fois, d'être quelqu'un d'autre que moi.

Je ne saurais pas trop décrire ce stage. Mais dès qu'il s'est terminé, j'ai ressenti comme une sorte de... vide, et j'ai su que dès que je rentrerai à Trédelles, il faudrait que je joue encore.

Je savais qu'il y avait une option théâtre au lycée. J'ai décidé de m'y inscrire.

C'est étrange, comment certaines petites choses, qui n'ont pourtant l'air de rien du tout, peuvent vous sauver.

Je suis rentrée presque heureuse.

Ça les a tous étonnés, Myriam la première. J'étais là depuis à peine une semaine que Jason demandait à emménager avec sa copine. Ils avaient acheté un appartement dans le centre de Trédelles. Myriam et Papa avaient l'air si peu étonné que j'ai soupçonné Jason de les avoir prévenus avant, et d'avoir attendu d'évaluer mon état pour voir si, oui ou non, son départ pouvait m'affecter d'une mauvaise manière.

Jason a toujours été quelqu'un de bien.

Je mentirais en disant que je n'ai pas été triste de le voir partir. Il était la seule famille pour laquelle j'avais eu un profond et réel attachement, même pendant mes périodes les plus noires. Mes relations avec mes parents se sont entachées, mais je suis certaine de pouvoir les réparer. Il faut seulement du temps.

Quant à Myriam... On essaie de sympathiser. Je l'aide à la cuisine, quelques fois. Nous ne serons probablement jamais très proches, mais ce sont déjà quelques pas vers un terrain d'entente.

J'en ai fini de la colère et de la tristesse, à présent, j'avance avec le théâtre, les livres, et je suis prête à repartir de zéro. Me faire des amis. Des vrais, cette fois. Arrêter de boire. De fumer, aussi, si j'en ai le courage. Avoir des notes correctes – même en économie –. Faire attention aux gens. Ne pas les laisser sombrer comme je l'ai fait.

Demain, donc.

Ce sera le premier jour de ma deuxième Terminale ES à Trédelles.

Et cette fois, il n'est pas question de la rater.

Plus de violence. A chaque fois que je sentirai une menace, eh bien, je crois que je jouerai.

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant