Jul ou pas, j'ai raté mon examen de sciences physiques.
Aucun des exercices ne me paraissait réalisable. J'avais beau relire l'énoncé, je ne trouvais pas. Alors j'ai tissé un ramassis de bêtises, histoire d'éviter le zéro.
J'avoue, j'ai songé à demander une corde pour me pendre.
Toujours est-il que, sortie de la cantine, je compare mes réponses avec Mathis. On ne sait jamais. Peut-être ai-je écrit n'importe quoi, et que « n'importe quoi » était la bonne réponse.
Évidemment, ce n'est pas le cas.
« T'inquiète pas, Suzie, tu vas te rattraper, me rassure Lou, en se dirigeant vers le banc du fond de la cour. Il y a un contrôle en maths mardi prochain, ça sauvera ta moyenne... »
J'acquiesce, peu convaincue.
« Je ne sais pas... J'ai peur de ne pas y arriver...
— Arrête de t'en faire pour ça. Viens t'asseoir à côté de moi, je vais te montrer les photos de Jordan.
— Jordan ?, répète Mathis, amusé.
— Oui, Jordan, le mec que j'ai rencontré sur internet, vous savez... Viens t'asseoir, Suzie ! »
J'allais obéir, quand soudain, quelque chose me revient en mémoire.
« Attendez... Est ce qu'on pourrait aller au CDI, s'il vous plaît ? Je voudrais emprunter un livre... »
Mathis écarquille les yeux, choqué.
« Le CDI ? Tu veux sérieusement aller au CDI ?
— Et depuis quand tu aimes lire ?, demande Lou. La dernière fois qu'on a mis les pieds au CDI, c'était en seconde...
— Je sais, je... On m'a juste conseillé une pièce de théâtre. »
Mathis ouvre la bouche, prêt à répliquer, mais Corentin le coupe dans son élan.
« On peut passer la chercher. Ça ne prendra qu'une minute. »
Si je ne le détestais pas du plus profond de mon être, j'aurais peut-être – insistons sur le « peut-être » – remercié Corentin pour son soutien. Car grâce à lui, Mathis et Lou se lèvent à contrecœur et nous emboîtent le pas.
Ainsi que l'avait remarqué ma meilleure amie, je ne suis pas allée au CDI depuis la seconde. Mais il est en tout point identique à mes souvenirs. Une pièce exiguë, aux murs jaunâtres, meublée par des étagères remplies de livres. Quelques courageux élèves travaillent sur les tables prévues à cet effet. Derrière son comptoir, la documentaliste somnole, un Flaubert posé en équilibre sur ses genoux. La chaleur est étouffante, et l'odeur de cannelle – dont je ne peux pas localiser la source – , entêtante.
Je lance un « Bonjour » timide. La documentaliste se redresse. C'est une jeune femme à peine plus âgée que nous, toute rousse et toute timide. Elle nous salue d'un hochement de tête maladroit, et nous nous engageons dans les rayons.
En attendant Godot. C'était l'œuvre dont l'auteur du journal avait recopié un passage. C'est idiot, je ne m'étais jamais intéressée à la littérature, avant... Je balaie l'étagère du regard, pendant que Corentin et Lou s'éloignent vers les bandes dessinées. Mathis reste auprès de moi. Il paraît mal à l'aise. Comme si un trop plein de livres pouvait le gêner.
« Qu'est ce que tu cherches ?, demande t-il.
— En attendant Godot. De Samuel Beckett. »
Mathis acquiesce.
« Ah bon. C'est pour le théâtre ? »
Je le regarde un instant, hésitant à lui révéler l'existence du journal.
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La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
Teen FictionSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...