Pensée à Nice, aux défunts et à leurs familles.
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« Mathis, qu'est-ce que c'est que ça ?
— Un pantalon. »
Et il est fier de lui, ce con.
« Mais t'as vu à quoi il ressemble ?
— Quoi ?
— Il est jaune moutarde !
— Et alors ?
— On te voit à dix kilomètres !
— Mais il est classe, non ? »
Excédée, je plaque une main sur mon front.
Non seulement il me force à faire du théâtre, mais en plus, il me fait passer pour une idiote auprès d'Estelle. Merci Mathis.
Je fourre mon cahier dans mon sac, le jette sur mon épaule, et quitte la classe. Il trottine derrière moi en m'abreuvant de questions sur Estelle et le théâtre. Aucun moyen de me débarrasser de lui, je suis coincée.
L'élue de son cœur m'attend dans le couloir. Elle est installée près d'une fenêtre, pour lire un vieux bouquin jauni.
« Salut Estelle ! », s'écrie Mathis.
En entendant sa voix, elle relève la tête et esquisse un sourire.
« Salut, vous deux. Tu es prête, Suzie ? »
J'acquiesce, en essayant d'avoir l'air enthousiaste. Une petite boule de trac s'est formée dans mon estomac.
Non, je ne suis pas prête.
Je ne veux pas.
Je ne sais même pas pourquoi je suis là.
Je n'aurais pas dû écouter la Plante Verte.
C'est vrai, ça. Ce n'est pas parce qu'elle ouvre la bouche une fois par semaine que je suis obligée de considérer chacune de ses paroles comme un message du Messie...
« On y va, alors ! »
Estelle referme son livre. Alors qu'elle ouvre son sac pour l'y ranger, un feuillet s'en décroche et glisse sur le sol. Mathis se précipite pour le ramasser.
« Oh, merci, c'est gentil ! »
Très fier de lui, Mathis regarde patiemment Estelle sortir du scotch de sa trousse, et recoller les pages de son livre.
Une fois son ouvrage achevé, elle se redresse et s'exclame :
« Bon, cette fois, c'est parti. A plus tard, Mathis ! »
Le beau sourire de Mathis s'effondre pour laisser place à un air de profond désespoir.
J'ai du mal à m'empêcher de rire. Quel dommage. Un si bel effort vestimentaire pour presque rien...
« Oh, euh, Estelle, qu'est-ce que tu lisais ? »
Il essaie de la retenir. Ça crève les yeux.
Pourtant, Estelle lui répond :
« Héraclite. Tu connais ?
— Ah ouais, j'adore ! »
Quel mytho.
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La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
JugendliteraturSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...