La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)

41. Tickets et invitation

Le mois d'avril est passé à une vitesse fulgurante.

Lycée, devoirs, répétitions de théâtre, et on recommence. Cela aurait pu être très ennuyeux si je n'étais pas constamment de bonne humeur.

J'ai trouvé des études crédibles, et je ne me suis pas privée pour en parler. Par exemple, à l'énième repas de famille interminable où je suis allée la semaine dernière, lorsque Tante Thérèse m'a demandé « si j'avais du nouveau », j'ai dit :

« Je projette de faire une classe préparatoire de Lettres et Sciences Sociales en vue de devenir journaliste. »

Lorsque ma prof de sciences physiques a sous-entendu qu'il était peut-être temps que je m'inscrive quelque part, j'ai répondu :

« Je projette de faire une classe préparatoire de Lettres et Sciences Sociales en vue de devenir journaliste. »

Lorsque mes amis se sont inquiétés de me savoir sans aucun plan pour l'année prochaine, j'ai objecté :

« Je projette de faire une classe préparatoire de Lettres et Sciences Sociales en vue de devenir journaliste. »

Corentin a voulu savoir les matières que j'aurais, et quand je lui ai fièrement exposé que je conserverais presque tout, excepté les sciences physiques et les S.V.T, Mathis a grogné :

« Ouais, tu retournes en Seconde, quoi. »

Et devant mon air irrité, il s'est empressé de rectifier :

« Enfin, je veux dire, tu vas dans une filière aussi généraliste que la Seconde. C'est... C'est bien. Ouais. »

Tout allait donc pour le mieux dans ma vie.

Dans la vie de Lou aussi, puisqu'elle s'est remise avec Alexandre. Peu surprenant. Lou a passé des semaines à l'éviter, pour ensuite le croiser en soirée, lui parler, et m'appeler en pleine nuit pour me dire qu'elle sortait une deuxième fois avec lui.

Tant pis pour mon objectif Cupidon : Lou s'en tire très bien toute seule.

Avril est donc un mois tranquille, agréable, sans gaffes, sans... sans rien.

On ne peut pas dire autant de mai.

Mai est, pour l'instant, principalement rythmé par : les discours des profs sur l'importance du Bac, les discours de mes parents sur l'importance d'une mention, et les discours de Roméo sur l'importance de la représentation de théâtre.

Représentation de théâtre qui est de plus en plus inquiétante.

La mise en scène n'est toujours pas terminée et nous n'avons pas encore joué la pièce une seule fois en entier.

Le spectacle a lieu vendredi soir.

J'aimerais bien dire que je ne suis pas stressée, mais... En vérité, je panique complètement.

Roméo ne m'aide pas.

« On n'est pas prêts, les gars !, hurle-t-il encore une fois, après avoir terminé notre séance hebdomadaire. On n'est pas prêts du tout ! »

Il nous jette un regard désespéré.

Megan hausse les épaules.

« Il nous reste la répétition générale.

— La répétition générale. Ouais. Il va falloir être efficaces, sinon on ne s'en sortira pas. »

Personne n'ose émettre un commentaire.

Seule Estelle se penche vers moi, et me souffle

« N'aies pas trop peur, Suzie. Tous les ans, il nous fait le coup de on n'est pas prêts, mais au final, la pièce est quand même géniale. »