38. Repas de famille et fin du journal

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J'ai discuté avec Corentin pendant ce qui ne me semblait être qu'une minute, mais qui doit avoir en réalité duré des heures. Alexandre est venu nous chercher, on a dansé, on a ri, et puis on s'est assis dans un canapé, pour se raconter nos vies en grignotant des chips.

J'ai posé ma tête sur l'épaule de Lou et je me suis endormie.

Lorsque je me réveille, je suis à moitié étalée sur Thibaut. Lui ronfle comme un bienheureux, avec ses cheveux décoiffés et ses lunettes de travers. Lucas est allongé par terre, Lou à côté de moi et Corentin sur un vieux tapis de sol, qu'il partage avec Mathis.

Megan passe la serpillière en soulevant de temps en temps le bras d'un dormeur.

Je me lève, en essayant d'être discrète, et la rejoins.

Elle m'indique d'un signe de tête une boîte en plastique.

« Petits pains. Sers toi. »

Je la remercie d'un sourire.

« Tu as besoin d'aide ?

— Non, non, ça va. Je me débrouille.

— Sûre ?

— Certaine. Assieds toi, t'es crevée. »

J'obéis. Effectivement, je suis crevée. Je crois que je n'ai jamais été autant crevée de toute ma vie. Ça m'apprendra, à essayer d'empêcher d'une bagarre, surprendre un couple inédit, me réconcilier avec mon meilleur ami et danser le reste du temps...

J'attrape une couverture et observe Megan nettoyer. Elle fait ça de manière extrêmement méthodique, sans même avoir l'air de trouver ça pénible, ou d'être fatiguée.

« T'es en forme, toi ? », je demande, d'une voix pâteuse.

Megan hausse les épaules.

« J'ai l'habitude. »

Sur ces mots, elle pose dans un coin son seau et sa serpillière, et ajoute une dernière bière vide dans le sac poubelle.

Respect.

Comme prévu, mon père arrive à onze heures pétantes. Thibaut vient d'ouvrir les yeux, j'ai à peine le temps de lui dire au revoir que déjà, je dois troquer ma robe contre un jean et monter dans la voiture.

« Bonjour, Suzie !, s'exclame mon père, avec beaucoup trop d'enthousiasme. Prête pour aller chez Tonton Gérard ? »

J'ai du mal à réprimer un soupir. Chez les Potin, le dimanche, c'est la famille. Le dimanche, c'est un jour pour les oncles et les tantes, pour les grands parents et les frères et sœurs, pour les cousins et les cousines.

En bref, le dimanche, c'est ce jour un peu nul où je fais mes devoirs le matin, où je mange à m'en faire péter l'estomac chez Mamie Odette, Cousine Annie, Tata Thérèse –rayez la mention inutile – et où, quand je rentre à la maison, il est trop tard pour faire quelque chose mais trop tôt pour aller se coucher.

J'ai donc le choix entre boire une tisane ou déprimer puisque le lendemain, c'est lundi. Ou les deux.

Ce dimanche, donc, n'est pas un dimanche comme les autres.

Aujourd'hui, je saute l'étape « Devoirs » et l'étape « Déprime » puisque l'intégralité de ma journée se déroule chez Tonton Gérard.

Tonton Gérard est le mari de Tata Thérèse et il a eu cinquante ans hier.

On connaît la suite.

Toute la clique Potin réunie au domicile familial à attendre que le rôti cuise.

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant