"Alors, je pense qu'il faut multiplier le premier terme de la suite un avec le cinquième terme de la suite deux.
— Euh... »
Armée d'une sucette à la fraise, étendue de tout mon long sur le lit de Lou, je considère un instant notre exercice de mathématiques.
« Non. »
Ma meilleure amie soupire.
Lou n'a jamais été très forte avec les chiffres. En fait, Lou n'a jamais été très forte avec les sciences. Tout le monde était certain qu'elle redoublerait sa seconde mais, par un miracle sorti d'on-ne-sait-où, elle est parvenue à obtenir son passage en filière S. Depuis, elle répète à qui veut l'entendre qu'elle aura son Bac, qu'elle deviendra chercheuse, et, je cite : « Tant pis si ça casse les couilles des gens. »
« Et si on calculait plutôt le premier terme de la suite trois ?
— Hum. Mouais. Possible. »
Lou gribouille quelques nombres sur son cahier, relève la tête, et s'exclame :
« Au pire, on s'en fout. On n'a qu'à envoyer un message à Corentin pour qu'il nous aide. Et attendant qu'il nous réponde, on parle. »
Avant que je n'aie donné mon accord, elle fait valser exercices, cahier et manuel à l'autre bout de sa chambre, pioche un autre bonbon dans la boîte et frappe ses cuisses.
Bernard, vieux chat boiteux et incroyablement laid, vient s'échouer sur elle. Lou lui grattouille les oreilles et il ronronne de bon cœur. Je ne peux pas m'empêcher de sourire.
J'attrape un coussin et m'en sert de dossier. De toute façon, chez Lou, ce ne sont pas les coussins qui manquent.
Elle partage un petit appartement avec sa mère, et si je devais le décrire en un seul adjectif, ce serait : confortable. Couleurs chaleureuses, couvertures en laine, et en prime, une moquette qui fait le bonheur de mes pieds.
L'appartement a un parfum d'hiver enneigé. De chocolat chaud. De dimanches passés devant la cheminée.
L'appartement est une bulle où nous aimions nous retrouver à quatre, avant... avant ça.
Lou fait claquer sa langue, m'arrachant à mes pensées par la même occasion.
« Sinon. Avec Coco. T'en es où ? »
J'engloutis une fraise Tagada, comme si l'excès de sucre pouvait gommer mon malaise.
« Euh... Quelque part...
— Précise, s'il te plaît. »
Je jette un coup d'œil à Lou.
Avec son gros pull en mailles, son chat et son regard inquisiteur, elle a vraiment l'air d'une assistante sociale.
« Disons que je suis en colère contre lui et je sais que c'est égoïste. J'aimerais bien pouvoir l'éviter mais je ne peux pas, parce que nous sommes censés être voisins et meilleurs amis. »
Wow. Décrite de cette manière, c'est vrai que ma situation est merdique.
« Tu devrais passer à autre chose. Ce serait mieux, je crois. »
Bernard lâche un ronronnement approbateur et je rétorque :
« Je l'ai aimé pendant dix ans, ce n'est pas aussi facile que ça. »
Lou hausse les épaules, peu convaincue.
« Regarde, toi, t'as aimé Alexandre pendant deux semaines cet été, et tu n'as toujours pas tourné la page !
VOUS LISEZ
La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
Novela JuvenilSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...