8. Le miracle de La Plante

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Trédelles. Charmante cité du Nord de la France, encadrée par une route, un champ et un vieil entrepôt.

Trédelles. Fière hôtesse d'un lycée, d'un collège, d'une école primaire, et d'un solide réseau de nourrices plus commères les unes que les autres.

Trédelles. Maisons pittoresques, rues élargies. Cinq arrêts de bus répartis un peu au hasard.

Trédelles. Temps capricieux et ingrat dont je suis actuellement en train de faire les frais, seule devant le skate-park, avec une pauvre capuche par-dessus mes cheveux roux.

Quiconque attend dehors sous la pluie sait qu'une capuche n'est pas ce qu'il y a de plus utile. La mienne ne couvre que le haut de mon crâne, laissant aux gouttes d'eau le soin de s'écraser sur les mèches de devant, mèches qui me font actuellement passer pour un petit mouton tout frisé.

Ça, c'est à cause de Florian. Monsieur a un quart d'heure de retard. Je me demandais d'ailleurs s'il n'avait pas oublié notre rendez-vous lorsqu'il apparaît enfin dans mon champ de vision.

Il est en skate, avec son sweat habituel. Il s'arrête à ma hauteur, m'adresse un signe de tête, et je m'approche pour lui faire la bise.

Il s'éloigne.

Génial.

Baragouinant des paroles que je ne comprends pas moi-même, je le suis, et il se tourne vers moi. L'air de me demander si je suis prête.

Évidemment, que je suis prête. Ça fait un quart d'heure que je l'attends !

Il finit donc par poser un pied sur son maudit skate, et s'élancer.

Bon.

Il est doué. Très doué.

Il enchaîne les figures, s'en fichant comme d'une guigne qu'il pleuve ou non et moi je reste là, plantée à côté du skate-park. Jusqu'à ce qu'il s'arrête pour me désigner son skate.

Je mets une longue seconde avant de comprendre ce qu'il veut dire.

« Ah, euh, non, merci. »

J'agite mon poignet en guise d'excuse.

Il hausse les épaules, s'approche de moi, me tend la main. Un peu hésitante, je la saisis et pose un pied sur le skate. Je ne roule que quelques secondes avant de me sentir glisser en arrière.

Je ramène mon poignet contre ma poitrine, me préparant déjà au choc, mais rien.

La Plante Verte me rattrape.

« Décidément, le skate, ce n'est pas pour moi », je lâche, avec un petit rire.

Et là, miracle.

La Plante Verte sourit.

Je cligne des yeux pour être sûre de ne pas rêver, mais non. Elle sourit.

La Plante Verte sourit.

Je la fixe, ahurie, pour imprimer cette image dans mon cerveau.

J'ai l'impression d'être témoin d'un événement rarissime. Un peu comme ses courtisans qu'on autorisait à assister à une naissance royale. Oui, je viens de comparer le sourire de Florian à une naissance royale.

Je n'ai pas le temps de m'étendre plus sur le sujet, car il remonte sur son skate pour esquisser un nouvel enchaînement.

Peut-être que je me suis trompée, peut être que la Plante Verte n'est pas une Plante Verte.

Florian est tout sauf bavard, mais en le voyant aujourd'hui, je me rends compte qu'il a une sorte de raison d'exister. Lui.

Moi, ça a toujours été Corentin.

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant