J'ai eu mon Bac.
Ça me fait bizarre de dire ça, alors que j'y ai pensé tellement souvent, que je l'ai considéré comme l'objectif ultime et que maintenant, c'est terminé.
J'ai eu mon Bac.
Plus étonnant encore : ma note de sciences physiques. Dix tout pile. Je ne sais même pas comment je me suis débrouillée pour parvenir à ça. Il faut croire que les longues heures de bachotage à tenter de comprendre la mécanique de Newton m'ont été utiles.
En apprenant cela, mon père s'est d'ailleurs empressé de me déclamer l'une de ses maximes favorites : « On récolte ce que l'on sème. »
Peut-être que je vais commencer à le croire.
Aucun des Quatre Fantastiques ne redoublera son année. Corentin s'en est sorti avec dix-sept de moyenne, Mathis se vante d'avoir réussi son examen sans réviser – personne ne le contredit, mais chacun est persuadé qu'il ment – et Lou est allée au rattrapage.
Et elle l'a eu.
Quand elle est venue chez moi, qu'elle s'est jetée dans mes bras en pleurant à moitié et en me répétant qu'elle était bachelière, mon père lui a dit : « On récolte ce que l'on sème. »
Ce soir-là, on s'est réunis chez Lou. Mathis, Corentin, Lou et moi.
On a ouvert une bouteille de champagne pour célébrer le lycée, la fin de la Terminale, notre succès, notre amitié, pour célébrer un peu tout et n'importe quoi.
Le champagne était atroce – je n'en ai même pas bu trois gorgées – mais ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas autant amusés.
Vers minuit, Corentin est monté sur la table pour dire que ce n'était pas fini, que l'année prochaine, on se verrait aussi souvent que possible et qu'on serait toujours les meilleurs amis du monde.
On l'a tous applaudi. Mathis lui a servi une nouvelle coupe. Corentin n'a pas voulu la boire, ça faisait déjà trop. Alors Mathis, avec un grand sourire aux lèvres, l'a vidée. Lou a gloussé.
J'ai gardé cette image de nous pliés de rire dans un coin de ma tête.
Le lendemain, j'avais une réponse de la classe préparatoire. Je ne suis pas acceptée dans celle que je préférais, mais dans celle de la petite blonde qui m'avait présenté la B/L. Ma mère m'a félicitée de nombreuses fois, elle m'a dit qu'elle était fière de moi, et j'ai souri, parce que moi aussi, je l'étais. Fière de moi.
J'ai annoncé la nouvelle à tout le monde.
A Megan, qui essaie d'arrêter de fumer depuis que sa bombe atomique de frère le lui a demandé. Elle s'en grille encore quelques-unes en cachette, mais elle assure qu'elle progresse.
A Thibaut, qui part étudier en Belgique. Il nous a raconté que l'école était unique, qu'il y avait beaucoup de débouchés, qu'il avait besoin de changer d'air. J'étais déçue. La Belgique, c'est trop loin. Je ne sais pas pourquoi, j'avais encore l'espoir idiot que notre bande survivrait jusqu'à notre mort...
Et puis Lucas nous a dit qu'il sortait avec une fille de sa classe. Et là, j'ai compris les véritables raisons du départ de Thibaut. Même si ça m'a fait mal.
J'ai aussi parlé à Estelle. Sa fac de philosophie est juste à côté de ma classe préparatoire. Elle m'a proposé qu'on travaille à deux, quand on aura le temps. Peut être aussi avec Mathis. Parce que, pendant les vacances, il a réussi à « la pécho putain de sa mère Suzie j'y croyais plus ».
Il reste Florian.
Je l'ai pas revu depuis le soir de la représentation. Les dernières semaines de cours se sont faites sans lui. Je lui ai envoyé un simple message, pour lui demander comment il allait, pour lui dire que j'étais prise en classe préparatoire et que s'il voulait, on pourrait faire du skate, un de ces jours.
Il ne m'a jamais répondu.
J'ai attendu des heures. Des jours. Des semaines.
J'ai cherché à comprendre, j'ai élaboré des théories, je me suis dit qu'il avait disparu, et puis je me suis habituée à songer qu'il n'existait pas. Qu'il n'existait plus.
C'était mieux comme ça.
J'ai passé le reste de mes vacances à envisager mon entrée en classe préparatoire, et à aider Lou à se chercher un appartement. Ce ne fut pas la meilleure période de ma vie. Elle avait un goût de nostalgie et d'adieu, parce que je n'étais plus tout à fait lycéenne, et pas tout à fait étudiante.
J'étais juste dans un entre-deux.
Et puis, un petit matin, Ava est venue sonner à ma porte.
Elle a déblatéré tout un tas de choses dont je me fichais éperdument, m'a fourré un colis dans les mains, a enchaîné sur un autre discours dans lequel j'ai repéré les mots « envoyer », « Florian » et « pour toi » et m'a laissée là.
Je suis montée dans ma chambre pour le déballer.
Dans le carton, il y avait son skate, accompagné d'un bout de papier.
Il n'y avait qu'un seul mot :
« Merci. »
Je l'ai relu et j'ai pleuré.
Plus tard, j'ai appris que Florian était parti en sports études en Angleterre. C'était déjà décidé depuis longtemps.
Lorsque je les avais observés par la fenêtre, il était en train de l'annoncer à Ava. C'était pour cela qu'elle sanglotait, et non pas parce qu'il la larguait, comme je me l'étais imaginé.
Il n'avait jamais eu le courage de me le dire.
« Suzorine ! C'est l'heure !
— J'arrive ! »
Je descends quatre à quatre les escaliers, et je me poste devant ma mère, souriante, avec mon sac à dos plein à craquer et mon énorme valise mal fermée.
« On peut y aller ! »
Elle jette un regard suspicieux à mon sac à dos.
« Tu es sûre que tu as besoin d'emporter ton skate avec toi ?
— Certaine.
— Ça prend beaucoup de place, et tu n'auras probablement pas le temps d'en faire, tu devrais le remplacer par quelques livres et...
— Maman. Je le prends. »
Ma mère soupire, vaincue.
Mon père charge ma valise dans le coffre, et écarte les bras.
Je m'y blottis avec un enthousiasme presque enfantin.
Il faut dire au revoir à Jeanne, aux jumeaux, à Emma.
« Tu reviens samedi, hein ?
— Oui, Hugo. C'est le principe de l'internat. J'y suis la semaine et je reviens les week-end.
— Tu nous raconteras tout ?
— Évidemment. »
Je monte dans la voiture, suivie de ma mère.
Elle insère la clé dans le contact.
« Tu es prête ? »
Je souris.
« Oui. »
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PETIT MOT POUR VOUS PARTIE SUIVANTE, ON SE RETROUVE DANS TRENTE SECONDES !
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La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
Teen FictionSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...