« Et voilà. »
Trente-cinq minutes. C'est le temps que nous avons passé à tourner dans la ville, jusqu'à ce que mon père se décide enfin à allumer le GPS.
Il n'y a pas à dire : mon sens de l'orientation pitoyable est génétique.
Je jette un coup d'œil à la maison de Thibaut, réprimant l'envie de me jeter hors du véhicule pour assister à ma toute première soirée.
« N'oublie pas de nous envoyer des messages, ou ta mère va piquer une crise.
— D'accord papa.
— Ne bois pas.
— D'accord papa.
— Ne fume pas.
— D'accord papa.
— Ne traîne pas avec des gens bizarres.
— D'accord Papa.
— Bien. »
La leçon de morale terminée, mon père réprime un bâillement, sélectionne la touche « Nouvelle destination » du GPS et ajoute :
« Je viens te chercher demain matin à onze heures. On doit aller manger chez Tonton Gérard.
— D'accord papa. Merci papa. »
Mon père pousse une sorte de grognement, quelque chose à mi-chemin entre le « De rien » et le « C'est grâce à ton seize en SVT. » Seize en SVT. Qu'on ne me demande pas comment j'ai fait : je n'en sais rien. Je n'aurais jamais cru que j'étais une experte en immunologie.
J'ouvre la portière et lance :
« Bonne soirée, papa !
— Mh. Ouais. Toi aussi. »
L'instant d'après, il a allumé la radio, et disparu au coin de la rue.
J'ai une dernière pensée pour le coup du destin qui m'a permis d'échapper aux repas des Martel – clairement, ma bonne étoile s'est penchée sur moi –, et là...
Et là, j'ai une sorte de... de trac.
C'est idiot. Je ne devrais pas avoir le trac pour aller voir Thibaut.
Pourtant, je me sens mal à l'aise. Comme si tout d'un coup, je ne voulais plus trop venir à cette soirée. Je ne connais pas la manière dont ça se passe, j'ai peur qu'il y ait beaucoup de monde, ou que les autres boivent et pas moi et que je me retrouve seule au milieu de gens et que...
Non. N'importe quoi.
J'ai argumenté pendant une semaine pour ce moment. Je ne suis pas inquiète. Tout va bien.
Dans un élan de courage, je frappe à la porte.
Première déception, ce n'est pas Thibaut qui m'ouvre, c'est Elena.
Je m'attarde un instant sur ses jambes fines et bronzées, sur sa tenue ultra sexy, et sur son joli visage de poupée.
Ah, c'est sûr que moi, à côté, avec mon mètre soixante-dix-huit étriqué dans une vieille robe bleue datant du mariage de ma tante, sans aucune poitrine pour remplir mon décolleté, mes cheveux roux qui semblent décidés à s'échapper de ma tresse et mes joues couleur tomate, je ne ressemble à rien.
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La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
Novela JuvenilSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...