Après être rentrée chez moi, ce soir-là, je m'étais dit que je n'avais besoin de personne. Que j'étais une strongwoman, une femme indépendante, une célibattante et toutes les conneries du genre, et que j'étais très bien toute seule.
Corentin est contre moi ? Tant pis. Florian ne donne aucun signe de vie ? Tant pis.
Besoin de personne.
Pas besoin de Lou, qui est distante avec moi. Elle fait comme si de rien n'était, mais je le sens. Ce traître de Corentin a dû lui raconter le « Pour une fois ». Ils ont compris. L'appareil photo, c'est moi. Les photos pornos, c'est moi. L'enveloppe pour Elena, c'est moi. Mathis est trop stupide pour m'en vouloir, il a déjà oublié ce qui s'était passé. Il est devenu la seule âme joyeuse de notre groupe. L'unique personne que l'on peut regarder sans se dire que les Quatre Fantastiques, Corentin, Lou, Mathis et Suzie, pour toujours, sans se dire que ça, ça n'existe plus.
Besoin de personne, donc.
Si seulement c'était vrai.
On croit que les problèmes les plus graves sont les problèmes de couple.
Si seulement c'était vrai.
Les problèmes les plus graves, ce sont les problèmes d'amitié.
Aujourd'hui, il pleut et Megan m'accompagne jusqu'à l'arrêt de bus.
Au fond, ma seule bouffée d'oxygène, c'est le théâtre.
Thibaut et ses blagues graveleuses, Megan qui fume juste à côté du panneau « Interdiction de fumer », Lucas et sa manie de crier au scandale, Estelle qui parle d'Héraclite, des étoiles et de la musique, Alexandre qui sourit même quand j'oublie mes répliques.
Je n'aurais jamais cru que le théâtre deviendrait aussi important pour moi.
« Alors, Suzie. Comment ça va avec ton Florian ? »
Nous sommes arrivées à l'arrêt de bus. Megan s'est adossée à l'abri, sort son paquet de cigarettes, et attend patiemment une réponse.
Florian... Qu'est-ce que je pourrais dire de Florian ?
Il n'est pas venu au lycée depuis plus d'une semaine. J'ai demandé à Ava ce qu'il avait, et elle « n'a pas le droit de m'expliquer. » Je me serai tournée vers Elena, si celle-ci adressait encore la parole aux Allans. A cause de du malentendu avec Paul, elle et Ava s'évitent. Alors...
« Euh... bien.
— Sans vouloir te vexer, Suzorine, il te faudra un peu plus qu'une demi-année de théâtre pour apprendre à mentir.
— Ah.
— Donc, la vérité, s'il te plaît. Comment ça va avec Florian ?
— Je... Je crois qu'il est malade.
— Tu crois.
— Oui.
— Pourtant, si vous êtes en couple, tu devrais en être sûre, non ? »
A cet instant, Megan est penchée sur son briquet. Mais je mettrais ma main à couper qu'elle sourit.
« En fait...
— Vous n'êtes pas en couple. Je le savais. »
Pardon ?
« Que... Comment...
— Je viens de te le dire, Suzie : tu es une menteuse pitoyable. »
D'accord.
« Tu...
— Ne t'inquiète pas, j'ai gardé ça pour moi.
— Merci.
— Mais je ne suis pas convaincue qu'il n'y ait pas quelque chose entre vous, tu vois.
— Je t'assure, Megan, je...
— Suzie, est ce que je vais devoir te répéter une troisième fois que tu ne sais pas mentir ? »
Je soupire, et croise les bras sur ma poitrine. De toute façon, c'est la seule chose à faire. J'ai assez côtoyé Megan pour savoir que lorsqu'elle veut avoir le dernier mot, en général, elle l'a.
« Donc, voilà mon avis. Si son absence t'inquiète, envoie-lui un message. Il est coopératif, parfait. Il ne répond pas, ou alors il répond quelque chose qui ne te satisfait pas, tu as deux solutions. Soit tu laisses tomber, soit tu emploies les grands moyens. A toi de voir s'il compte vraiment pour toi.
— Je...
— Le bus est arrivé, Suzie.
— Mais...
— Le bus est arrivé, Suzie. »
La façon Megan de faire comprendre qu'une conversation est close.
Vaincue, je monte, et après avoir salué le chauffeur, je m'installe dans le fond.
Megan tire une dernière latte. Elle éteint sa cigarette et la balance dans le cendrier, avec le flegme qui la caractérise.
Un gars à capuche l'observe, subjugué, le pied en suspens au-dessus de son propre mégot.
Megan ouvre la bouche. Je ne sais pas ce qu'elle lui raconte, toujours est-il que trente secondes plus tard, il ramasse sa clope, trottine sagement jusqu'à la poubelle, et la dépose dans le cendrier.
Megan relève la tête. Elle me sourit à travers la vitre et le bus démarre.
Élan de courage.
Je sors mon téléphone de ma poche, et clique sur « Rédiger un nouveau message ».
Je lui dis que je ne sais pas ce qu'il a.
Je lui dis qu'Ava ne veut pas m'en parler.
Je lui dis que je suis inquiète.
Je lui dis que j'aimerais le revoir.
La réponse est quasi instantanée.
La réponse est courte.
La réponse est :
« Laisse-moi tranquille. »
--
Heyyy !!
Fin de ce 29ème chapitre, j'espère que vous l'aurez apprécié !
Ah et j'ai un peu de retard dans l'écriture, je n'ai toujours pas fini le chapitre 30 alors que d'habitude j'ai de l'avance... Il arrivera peut être un peu plus tard, (il est donc inutile de venir me réclamer la suite par mp, je ne l'ai pas ^^) ne m'en voulez pas s'il vous plait !
Bisous mes Pamplemousses ♥
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La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)
JugendliteraturSe faire rejeter juste avant un cours sur les économies monde est assez loin de ma définition du bonheur. Voire très loin. Je n'aurais donc jamais pu imaginer que ça me permette d'imaginer la théorie la plus brève, la plus évidente, et la plus far...