11. Musique et puissance maternelle

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Après avoir découvert que le relevé de comptes était en réalité un journal, j'ai eu envie de le lire tout de suite. Je voulais savoir qui était réellement l'auteur, s'il s'intégrerait à Trédelles, comment évolueraient ses rapports avec sa belle mère... Il y avait une part de mystère dans cette découverte, et c'était terriblement excitant.

Je me préparais donc à une soirée lecture lorsque quelque chose m'a empêchée d'aller plus loin : la taille du journal. Très fin, avec une certaine quantité de pages couvertes de chiffres et d'autres vierges. Malheureusement, je voudrais qu'il dure le plus longtemps possible.

J'ai hésité, me demandant si je devais continuer et le ranger pour le ressortir plus tard. Je l'ai feuilleté, re-feuilleté, et j'ai fini par prendre une décision.

Le journal m'accompagnera tout au long de mon année de Terminale.

Je lirai les écrits de novembre en novembre, ceux de janvier en janvier, et peut être qu'ainsi, je me sentirai un peu moins seule. Ce serait comme une bonne série qu'on a pas envie de finir trop tôt.

Mais voilà. J'ai fini Septembre, et je n'ai rien d'autre à faire que de réviser mes sciences physiques.

Contrôle demain. J'apprécierais avoir une bonne note. Au moins la moyenne. Non. C'est trop optimiste. Au moins huit.

Cela fait donc une heure que, assise devant mon bureau, je contemple tour à tour ma leçon, mes exercices et ma calculatrice. J'ai griffonné des tas d'ébauches de réponses sans aucun sens qui se sont toutes avérées fausses.

Rien.

Je ne sais rien.

Vide intersidéral.

J'entends les jumeaux se bagarrer dans le couloir, et ma petite sœur Emma pleurer. J'entends aussi Sapés comme jamais, puisque Jeanne l'écoute au volume maximal.

J'avoue qu'un peu de silence, ça m'aiderait.

« Haut les mains, haut les mains, sauf les mecs sapés en Balmain ! »

Bon.

Du calme, Suzorine.

On se concentre sur l'équation de dissolution.

Je fixe les symboles d'éléments chimiques à m'en rendre malade. C'est horrible. Je ne sais rien faire.

D'habitude, je révise avec Corentin. Il est très fort dans cette matière, lui.

Seulement, il n'a pas proposé de m'aider et j'ai trop de fierté pour lui demander.

Je vais apprendre mon cours toute seule, comme une grande, avec Maître Gims qui hurle.

« Pa-ris est vrai-ment ma... ma... ma... ma... Saaaaaaaaapés comme jamais ! »

Sans réfléchir, je m'écrase la tête contre le bureau. Aïe.

Je lâche un gémissement pitoyable, avant de me redresser.

Je ne m'en sortirai pas. Il va falloir que je mette ma dignité de côté.

J'attrape mon portable et passe en revue mon répertoire.. Lou est aussi nulle que moi, Mathis est meilleur, mais il explique atrocement mal, et... Non. Pas Corentin. Surtout pas Corentin.

C'est donc sans grande conviction que j'envoie un message à la Plante Verte, lui demandant si par hasard elle aurait compris le cours.

Sauf qu'il n'est pas dans les habitudes de Florian d'être rapide.

Et Maître Gims continue de beugler.

Quand Jeanne aime, elle ne compte pas. Elle bousille le bouton « Replay ». Encore et encore.

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant