36. Au mauvais endroit au mauvais moment

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En général, il n'est pas très difficile de trouver Mathis.

Il porte des pantalons flashy, il parle fort, rit fort, et a un talent indéniable pour se faire des amis en très peu de temps. Mathis est un clown, et comme tous les clowns, il a besoin d'un public.

C'est pourquoi Mathis Lefèvre n'est jamais seul.

Enfin presque.

Ce soir, il est assis sur une chaise, à côté du bar, un verre à la main et les yeux dans le vide.

« Oh, Mathis ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne serais pas en train de bouder, quand même ? Allez, on se bouge, hop hop hop ! »

Et pour bien marquer mes « hop hop hop », je frappe dans mes mains.

Mathis grimace.

« Tu fais trop de bruit.

— Ah, pardon, je réplique, ironique. Sérieusement, Mathis. T'es en soirée. T'es le plus fêtard d'entre nous. Alors tu peux m'expliquer ce que tu fous là ? »

En vérité, je sais ce qu'il fout là. Mais j'ai encore l'espoir que ce ne soit pas ça, et que Mathis lance une plaisanterie bien douteuse pour détendre l'atmosphère.

Malheureusement pour moi, ce n'est pas le cas.

Il hausse les épaules, soupire, et me désigne Estelle d'un coup de menton.

J'avais raison. C'est à cause d'elle.

« Bon, écoute, Mathis, c'est pas grave, il y a beaucoup d'autres personnes ici, t'as qu'à aller discuter avec l'une d'entre elles et...

— Non.

— Quoi non ? »

Mathis ne répond pas. Je soupire, et reprend :

« Attends, t'es sincèrement amoureux d'Estelle ? »

Il me jette un regard noir. D'accord, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire, mais ce n'est pas de ma faute, je ne suis pas habituée à le voir aussi... Aussi... attaché. Aux dernières nouvelles, il associait l'amour à une blague qu'il fallait prendre au second degré.

Alors le voir là, comme ça... Ça me fait de la peine.

J'attrape un tabouret et m'installe à côté de lui.

Les premières notes d'un slow se font entendre. Beaucoup s'immobilisent, perdus, avant de demander timidement à leur partenaire de les accompagner. D'autres revendiquent leur célibat, ou entraîne leur meilleure copine sur la piste, histoire d'amuser un peu la galerie.

Corentin et Elena n'appartiennent à aucune des deux catégories. Ils dansent, serrés l'un contre l'autre. Mon regard glisse sur eux sans s'y arrêter. Au contraire, Ava ne peut s'empêcher de les observer, même si elle a passé les bras autour de la nuque d'Alexandre.

Je me demande ce qui a pu se passer entre elle et Elena. Elles qui s'entendaient si bien au début...

Gênée, je me racle la gorge, et me tortille sur mon tabouret.

Je n'ai jamais aimé les slows, de toute façon. On ne m'invite pas. Et je ne sais pas qui inviter. Enfin, celui que je pourrais éventuellement inviter n'est pas là. Alors...

« S'ils dansent ensemble, je lui fais bouffer ses dents. »

Je tourne la tête vers Mathis. Lui ne me regarde pas. Il y a les yeux rivés sur Estelle, qui discute avec son nouvel ami.

« Quel bouffon, grogne-t-il. Tu trouves pas qu'il a une tête de bite ?

— Euh...

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant