17. Thibaut, Elena et Florian

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Trois mois se sont écoulés depuis que j'ai avoué mes sentiments à Corentin.

Ce soir, les vacances de Noël commenceront.

Je continue d'aller au théâtre, ce qui, à présent, me semble presque agréable. Les exercices de sophrologie de Roméo sont ennuyeux, mais je m'y habitue. Enfin à peu près.

Je me rends au skate-park avec Florian chaque semaine, dans le plus grand des silences. Ce qui est génial, avec lui, c'est que justement, je n'ai pas besoin de parler. On fait du skate – surtout lui – et c'est bien comme ça.

Je n'ai pas encore trouvé de prétendant pour Lou. C'est simple, aucun garçon en ma connaissance n'est assez bien.

Quant à ma sœur, je lui dépose régulièrement une enveloppe, avec un titre de la chanson française, qu'elle file écouter. Elle n'a parlé à personne des post-it, mais elle les a accrochés sur un mur de sa chambre. Je crois qu'elle y prend goût.

La seule ombre au tableau...

La seule ombre au tableau, c'est Elena.

Elle a pris la fâcheuse manie de venir manger avec nous le jeudi midi. Et tous les jeudis midis, Corentin revêt son plus beau polo bleu marine et la regarde avec un sourire béat. Elena ne paraît même pas s'en rendre compte.

Le pire, c'est que je n'ai rien à lui reprocher. Elle est belle, intelligente, gentille, drôle, et elle essaye de devenir amie avec moi, alors que je fais échouer chacune de ses tentatives.

Je ne peux pas être amie avec elle. Corentin l'aime. Et je comprends qu'il puisse l'aimer.

Je comprends qu'il puisse la préférer à moi, parce qu'elle est mille fois mieux. Sur tous les plans.

Ça me tue de l'admettre, mais oui. Je comprends qu'il puisse l'aimer.

Elena n'a pas parlé une seule fois des photos.

Je crois qu'elle apprécie Corentin. Ça aussi, ça me tue de l'admettre.

« Suzorine ? »

La voix de Mathis me ramène à la réalité.

« Désolée. Je pensais.

— A quoi ?

— A... »

Je me mords la lèvre, indécise. Je n'ose pas dire à Mathis que la relation entre Elena et Corentin me dérange.

« Je pensais à mon livre. »

Mathis hausse les sourcils, dubitatif.

« A ton livre ?

— Oui. Les Hauts de Hurlevent.

— Ah.

— C'est bien, tu sais. Si tu veux, quand je l'aurais terminé, je te le prêterai, et tu pourras en parler avec Estelle.

— Tu crois ?, s'émerveille Mathis.

— Mais oui. Regarde. »

Je sors le roman de mon sac, le feuillette, et retrouve la page que j'ai cornée. Mathis se penche lire le passage que je lui montre.

« Catherine Earnshaw, commence t-il, puisse tu ne pas trouver le repos tant que je vivrai ! Tu dis que je t'ai tuée, hante-moi, alors ! Les victimes hantent leurs meurtriers, je crois. Je sais que des fantômes ont erré sur la terre. Sois toujours avec moi, prends n'importe quelle forme, rends moi fou ! Mais ne me laisse pas dans cette abîme où je ne puis te trouver. Oh ! Dieu ! C'est indicible ! Je ne peux pas vivre sans ma vie ! Je ne peux pas vivre sans mon âme ! ... Ouais, c'est un truc de gonzesse, quoi.

La Théorie de l'Ennui (REPUBLICATION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant