Chapitre 29 : à la vie, à la...

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Chapitre 29

à la vie, à la...

Macie

Jeudi 23 décembre 2021, chalet

Le réveil est abominable, ce matin. Pendant qu'ils étaient tous en ville pour se balader et découvrir les environs, Lisa et moi sommes restées très tard dans ma chambre pour discuter. J'ai eu le droit à des aveux de meurtres, de la violence, des enfants battus. J'ai vingt-deux ans et pourtant, je me sens toute petite face à son histoire. Je me souviens attentivement des moments dont elle me parlait : ces fois où elle avait des douleurs aux poignets, des bleus à la jambe et des cernes qui tombent à ses pieds. Elle me disait souvent que c'était de la faute de ces gênes. Elle me racontait qu'elle avait une maladie qui faisait que, dès la première blessure, elle marquait très vite. Je la croyais, parce qu'elle ne donnait aucun signe de maltraitance.

— C'est bientôt noël et on va devoir porter des pulls dégueulasses, chantonne Théo dans la salle commune du chalet. Les feignasses, on se lève et on va au centre-ville pour acheter des cadeaux de noël !

Dans deux jours, c'est noël. L'enfant qui est en moi a hâte ; l'adulte ne veut pas bouger de sa chaise de cuisine pour se préparer. Tout le monde est présent autour de la table et Fiorenzo aussi. C'est d'ailleurs le seul qui ne parle pas. Il reste de marbre face à Lisa et Marcel, qui discutent en s'envoyant quelques baisers par ci, par là. J'examine le chalet qui nous entoure : il y a des bougeoir assez anciens que les garçons ont allumé, la veille. Ils ont pris des bougies dans un des tiroirs pour remplacer les anciennes qui avaient bien coulé sur le métal du support. Ma saison préférée est enfin présente : l'hiver a emmené avec lui des tonnes de neige et ce vent glacial qui me fait frissonner à l'instant même. Il n'y a rien de plus magique qu'un réveil dans la fraicheur du matin et un petit-déjeuner à base de chocolat au lait avec de la cannelle. Mon enfance prend un coup.

Assise autour de cette table sculptée dans du bois vif, je pose mon regard vers la fenêtre, à ma droite : le vent tempétueux se bat avec tous les arbres en place. La valse ne se finit pas, même lorsque le sol accueille une masse de flocons de neige. Je reste interdite, prise par la poésie du décor. Dites-moi que je ne suis pas la seule à admirer chaque début de saison comme si c'était le dernier jour. Dites-moi que personne ne regrette la neige qui nous aveugle, le vent qui crée des rougeurs sur nos joues et les arbres qui se déshabillent vilainement devant nous. J'aime l'hiver et ça ne changera jamais. Le jour où l'on se perdra, je reviendrai avec la neige pour te reconquérir.

— Tu m'étonneras toujours.

Cette voix me sort de mes pensées, adossée au mur qui me sert de tête de lit. Penelope s'habille pendant que je lis. Elle est toujours surprise qu'en si peu de valise, je réussis à emmener autant des vêtements que des livres et ma guitare. Je jouerai toujours de la musique, j'écrirai toujours des musiques et je lierai toujours pour me divertir. Après tout, je suis une envoutée des mots et des sons. Je pourrais vivre que de musique et d'histoire. Rien que ça. Et ce sont pourtant les plus belles richesses de cette terre, en notre temps. Des fois, j'imagine à quoi ressemblerait ma vie si je venais à être enfermée chez moi, sans sortir. Un virus qui pourrait avoir envahi la terre, nous piégeant chez nous pour se protéger. Je passerais sûrement ce temps à lire, à écrire et à aimer. L'amour, c'est absolument ce qu'il faut pour accoupler les sons et les mots.

— Si tu me donnes une idée de ce que tu veux à noël, je te laisse lire en paix, me sort Penelope.

Je rassemble mes affaires et je la suis dans l'entrée du chalet. Tout le monde nous attend pour partir faire les magasins, manger quelque chose de chaud à midi et promener le temps de se reposer. Penelope n'a pas froid aux yeux : elle a mis un simple collant avec une robe pull et des bottes. Pour ma part, il fait trop froid pour mettre des collants. Pour me réchauffer, j'ai mis une paire du jean avec un pull en cachemire que j'ai acheté avec Samuel avant de partir en vacances. Rien de plus agréable que ce pull avec une matière aussi noble. Intérieurement, je ris. Je sais très bien que j'ai trouvé ce haut dans une friperie pour même pas dix dollars. En magasin, j'aurais perdu sûrement un ou deux reins pour l'avoir. Heureusement que Samuel a d'excellentes adresses, les mêmes où il a pu acheter ses baskets bleus qu'il porte pour notre sortie du jour.

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