Chapitre 10

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Elijah

- Tu devrais te mettre au yoga, le fengshui* c'est pas pour toi. Quel bordel !

Victor, mon frère aîné, regarde l'état du garage. J'ai passé mes nerfs sur tout ce que j'avais sous la main. C'est à dire tout.

- T'imagines la tronche d'Adèle si t'avais fais ça dans le sien !

Il s'arrête pour imaginer la scène. On sait tout les deux que je serai mort à cette heure-ci.

- On peut donc conclure que t'avais raison. C'est moche.

Linus frotte la poussière invisible sur sa chemise. Je n'ai pas prononcé un mot depuis qu'ils sont arrivés ou quand l'autre conne est partie. Je sais plus. Une perceuse joue violemment avec mes tempes, je suis à deux doigts de m'éclater la tête contre quelque chose de dur pour que ça s'arrête.

- Elle a dû te donner une excuse de merde. En tout cas, t'as pas aimé ce qu'elle t'as dit. C'est rare de te voir la gueule fermée plus de cinq minutes.

Ça commence, il me casse les couilles à vouloir rentrer dans ma tête celui-là. Elle me fait un mal de chien et Linus veut s'insinuer comme une tumeur.

- Bois ça, et balance tout. On a le temps.

Il veut que je lui dise quoi ? Qu'ils idolâtrent tous une fausse image ? Que c'est que des conneries ? Putain que je la déteste ! J'attrape la bouteille de rhum ambré et en bois une longue rasade. Ça brûle mais je préfère cette douleur là, elle est réelle. Et je peux la gérer.

- Ça se répète encore. Ça s'arrête jamais.

Victor s'assoit à côté de moi à même le sol, là où j'ai pas bougé depuis longtemps. J'ai mal partout mais c'est rien comparé à ce qu'il se passe à l'intérieur. C'est une explosion de chose que je ne suis pas capable de gérer. J'ai pas envie, ça remue trop de trucs.

- De quoi ? C'est bien si tu nous dis de quoi tu parles. J'ai des boules mais elles lisent pas dans les pensées.

Il arrive à me faire sourire, malgré ce bordel. Il y arrive toujours. Comment il fait ça ?

- T'es con.

- Je sais, mais je le vis bien. Crache ta Valda.

Victor a été en première ligne. La mère de Caleb, surtout. Elle est partie parce qu'on a été trop cons et trop sûrs de nous pour s'assurer que tout irait bien. Elle a été violé et battue pendant sa grossesse. Elle a accouché et elle est partie sans se retourner. Il s'est retrouvé tout seul avec son fils sans jamais se plaindre.

- Comment t'as fait ? J'ai envie de tout fracasser, de m'éclater la tête moi-même pour que j'arrête de penser. Et toi, tu...

Ma phrase reste en suspens, si le rhum calme, il crame la gorge l'enfoiré. Tout est à double tranchant, y a jamais de répit.

- Tu ressasse encore ? Faut que t'avance. Elle reviendra pas. Il n'a que moi, c'est comme ça. J'ai eu du bol de vous avoir avec moi. Je l'ai pas fait tout seul.

- Ça devrait pas. Putain de vie de merde. J'en peux plus de traîner ça, il faut que ça s'arrête.

Linus pose une main sur mon épaule, c'est lui le plus drôle mais le plus perspicace aussi. Ses yeux verts brillent un peu plus que d'habitude.

- On y arrive, Jax. Lentement mais sûrement. Je fais tout pour. T'y es pour rien si c'est tombé sur elle, tu ne peux pas tout contrôler.

Le problème est là, j'ai envie qu'ils vivent une vie chiante comme la pluie. Loin de toute cette violence de merde. Loin d'Alfred et de moi. Et j'y arrive pas.

À la lisière de MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant