Chapitre 35

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Elijah

Une sorte de conseil d'urgence à lieu autour de moi, comme si j'en avais quelque chose à foutre. J'ai pas dormi depuis je sais même plus combien de temps, la picole et les joints ne me font plus rien. Je vais m'anesthésier à coup de têtes contre un mur, aux grands maux les grands remèdes. C'est ça, et niquer des gueules, non ? Pas de volontaires ? C'est pour sauver l'humanité, putain. Faites un effort, bande de mange merde ! Même bander, j'y arrive pas. Je suis cassé de partout.

J'évite le monde et tout le monde m'évite, un peu de tranquillité pour laisser mon cœur me torturer un peu plus. Il fait que ça, je le laisse faire. J'ai vraiment besoin de taper sur quelque chose, sur quelqu'un, ou les deux, tiens. Tout le monde s'accorde à dire que je suis le pire des connards, ils ont tous oubliés que j'ai sacrifié ma vie pour qu'ils soient tous tranquilles. Me reprocher la seule connerie de ma vie, pas le seule, la pire, ils s'y mettent tous. Et c'est moi l'hypocrite ? Mais crevez tous, putain.

Mon vieux n'a pas eu l'air surpris de me voir débarquer à la salle, et je n'ai salué personne. Pas que ça à foutre. Mes points s'abattent sur le sac, j'ai besoin de ressentir quelque chose que ce truc dans ma poitrine. Ça aurait dû passer, mais non. C'est là, sans arrêt, comme un doigt enfoncé dans une côte en beaucoup plus sournois. Je repense en boucle à ce moment, celui où elle m'a buté. Elle ne reviendra pas, je le sais. Linus pense qu'il lui faut du temps, mais bordel, j'ai tout fait pour qu'elle me haïsse. Y aura pas de retour en arrière possible.

Plus je tape, plus la sensation de me fracasser de l'intérieur s'intensifie. Chaque coup me touche en plein cœur, et comme je suis trop sur les nerfs, je tape encore et encore. Parce que je suis un putain de boxeur qui en a plus rien à foutre. C'était un rêve éveillé, je me demande si j'ai pas halluciné les jours et les nuits que j'ai passé avec elle. Parce qu'au delà de son corps, c'est elle en entière que je vénère. Son caractère de merde, sa répartie, son rire, ses pyjamas moches, sa passion pour le café et son cerveau de génie qui s'arrête jamais. Et putain son sourire. Ce sourire que peut faire relever les morts. Bordel de dieu de merde !

J'arrive même plus à réfléchir, tout ce que j'ai, c'est ma haine de moi-même et mon cœur qui me défonce comme c'est pas permis. Qu'est-ce je suis sensé faire ? Toutes les excuses du monde, me foutre à genoux, rien de ce que je pourrais dire ou faire ne la fera revenir. J'ai largement dépassé les limites, je les ai explosés. En sueur, le ventre a la limite de la gerbe, la tête en vrac, je donne le dernier coup quand mes bras ne sont plus capables de se lever.

Je sais qu'elle a démonté sa propre frangine, c'est une sacrée chienne de toute façon. Mais si elle a pu lui faire ça à elle, j'imagine pas ce qu'elle me ferait à moi. D'un autre côté, je préférerais qu'elle le fasse, ça prouverait que je compte pour elle. Tout sauf son indifférence, je supporte pas. Je sais de quoi elle est capable, elle a cassé la mâchoire de mon frère, et elle m'en a collé une bonne quand elle a su que c'était moi le responsable de son agression. Ouais, je suis vraiment un gars bien.

Tout ça serait pas arrivé si j'avais pas rencontré cette pute de Candace. C'est de sa faute si je suis devenu aussi sale et vicelard. Le deal, c'était qu'on fasse un seule et unique clan. Une putain d'idée de merde. Si je consentais à me foutre avec elle, toutes les merdes se seraient annulées comme par magie. J'étais à deux doigts d'accepter, et paf, la tempête Yuna a débarqué. Pourquoi j'ai accepté ça ? Pour ma famille. Je ferai tout pour eux, même perdre la seule qui a compté autant qu'eux.

C'est là que je l'ai vu, derrière le comptoir, un café dans la main, Anton avec elle. Est-ce qu'il a pu lui dire qu'il savait pas pour ça ? Je devrais en avoir rien à foutre, mais ça la concerne. Alors je veux qu'elle aille bien. Je l'ai bousillé, c'est ce que je voulais depuis le départ. J'arrive pas à éprouver autre chose que de la culpabilité et une sensation de vide. Anton passe à côté de moi, je sais même pas s'il m'a parlé. Je peux pas m'empêcher de la regarder.

À la lisière de MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant