Chapitre 11

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Yuna

Il s'est levé et est parti sans rien dire. Je voulais qu'il me hurle dessus, qu'il me dise que je me trompe. Il ne l'a pas fait. Il vient toujours au moment où je m'y attend le moins, il ramasse des bouts que j'éparpilles et il s'en va. Je valse toute seule.

Je fais tout pour qu'il me rejette et il ne prend pas la perche que je tends. Il en sait plus que n'importe qui, je suis la personne la moins fiable de la Terre. Mais ma naïveté est sans limite, j'espèrais qu'il m'accepte ou qu'il me jette. Il n'a rien dit, rien fait, son regard l'a fait pour lui.

Jeff meuble la conversation du mieux qu'il peut, je ne suis pas loquace. Et j'ai pas envie de toute façon. Le pauvre. Sur le moment, je pensais que j'allais lui dire que je ne veux pas de relation avec qui que se soit, je ne sais absolument pas gérer ce genre de truc. Mais je me tais.

- Est-ce que tu pleures à cause de lui ?

Sa question me fait atterrir sur la terre ferme. On est bien dans son café, j'ai bien une tasse fumante entre les mains mais j'étais ailleurs.

- Quoi ?

Il sourit, je dois vraiment être à côté de mes pompes. Mais ça me fait rien. Je me suis vraiment cachée trop longtemps.

- Tu as les yeux rouges.
- Ah. C'est rien, ça va. C'était nécessaire.
- D'où ma question. Est-ce que c'est à cause de lui ?

Son regard si doux est plus dur à cet instant. Je sais de qui il parle, je suis naïve mais pas stupide.

- Non. Je me suis retrouvée, ce n'est pas heureux mais ça l'est en même temps. Et tu comprends rien du tout à ce que je viens de dire.

Mon but doit être de saboter toutes mes relations, amicales ou non. Peu importe. Je finirai seule de toute façon, je le savais déjà.

- C'est mon pote depuis toujours, mais ça m'empêchera pas de lui démonter la tronche s'il te traite mal.
- Je te fais confiance, mais il n'y est pour rien. J'ai juste compris quelque chose.
- C'est quoi, si c'est pas indiscret ?
- Ça l'est pas. Je vais tuer ma sœur, rien de particulier.

Son rire s'élève dans le café désert, tant et si bien que je ris aussi. Je suis vraiment bonne pour la cellule capitonnée, sérieux.

- Lève toi, on bouge.
- Et ma dégustation alors ?

Mais quel outrage ! On ne me promet pas des montagnes de café pour me les refuser juste après. C'est cruel ! Ma réaction le fait sourire de nouveau.

- Je t'ai jamais dis que ça serait ici.

Je jette un coup d'œil désespéré à la machine à café avant de me lever, elle seule m'aime. C'est certain.

- Je reviens bientôt, mon cœur. Je te le promet !
- T'as vraiment un grain ! Dit-il en éclatant de rire.

Les Foo Fighters bercent l'habitacle. Je me laisse aller sur le siège passager et ce confort m'incite à dire ce qui me tracasse.

- Je ne veux pas sortir avec toi.

Ça sonnait moins brutal dans ma tête, au moins c'est dit.

- Je sais, moi non plus.

Je tourne la tête vers lui, étonnée.

- Je t'aime bien, et oui ça m'a traversé l'esprit, mais non. Ça fait chier Jax alors je continue, parce que c'est marrant.
- Tu te fatigue pour rien.
- Tu rigoles ? C'est un kiffe absolu.

J'allais lui dire que ça sert à rien, si ça l'amuse, qu'il continue. Je m'en lave les mains. S'il savait que je le dégoûte, il arrêtetai. Je crois. Mais je le garde pour moi, j'ai trop honte de l'admettre à voix haute. Le temps que je digère en tout cas.

À la lisière de MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant