À la lisière de Moi

Chapitre 25

Yuna

Il faut que je me tienne au plan. Laissez les adultes régler les choses et après confronter Drew. J'ai beau réécouter ce que j'ai enregistré sur le dictaphone de mon téléphone, je n'arrête pas de trembler. Le son de ma voix en boucle devient insupportable. Pourtant je le fais tout le temps, mes cours, mes connaissances, même une pensée, je l'enregistre si je le note pas quelque part.

Je relis le dossier aussi sans parvenir à me concentrer dessus. Le championnat olympique des lancers de poids et de marteaux a élu domicile dans mon estomac. Chaque battement de cœur se répercute pile dans mon suc gastrique. C'est fabuleux. Au-delà du fait que je suis terrifiée, je ne peux m'empêcher de tout comparer. Absolument tout.

Drew et Elijah. Les seuls que j'ai connu dans une relation. Si l'un m'a clairement détruite, l'autre est un déséquilibre constant. Les montagnes russes font pâles figure à côté de lui. J'étais profondément amoureuse de Drew, hélas, je ne peux pas le nier. J'avais imaginé un futur avec lui. Une vie entière à ses côtés. Et pouf, ça s'est envolé avec la peur et la haine que je lui voue. Plus de futur à deux, terminé.

Avec Elijah, c'est différent. Parce que je n'ai pas peur de lui pour commencer, il m'énerve beaucoup trop pour ça. Mais lui aussi a abuser de moi. Ce n'est pas aussi violent que Drew, quoique sur certains points, on est quand même sur quelque chose de sensiblement identique. Le fait est qu'on en a jamais vraiment parlé. Il y a toujours quelque chose, ou alors c'est moi qui porte des œillères pour ne pas le voir.

Drew, c'était quelque chose que j'avais idéalisé, j'en avais fait des plans sur la comète, très bonne intuition, McKinley. C'était bien joué, ça ! Pourtant, je ne lui ai jamais fait confiance. Comme si mon instinct de survie s'était enclenché avec un gros panneau rouge danger. Il est bien affûté, parce qu'il ne s'est pas trompé. J'aurai dû partir dès le départ mais j'étais persuadée de le mériter, et qu'il m'aimait aussi. À sa façon. J'étais persuadé qu'un jour il changerait, et que, peu importe si je suis en avance, il finirait par être fière de moi. Naïve.

C'est là que l'ironie est quand même forte. Elijah est LE danger personnifié, il est méchant, arrogant, détestable les trois quarts du temps. Mais il a réussi à me mettre à l'aise, à me découvrir, à m'élever sur bien des choses. Il m'en a plus appris sur moi que n'importe qui. Et je ne parle même pas de ma sexualité. Il me fait sortir de ma zone de confort, me renvoie dans mes buts sans sourciller. S'il est le pire, il est également meilleur que Drew sur bien des choses. J'ai fait des choses dont je ne me pensais pas capable parce qu'il m'a poussé dans mes retranchements, à lâcher prise. Et il faudra bien qu'on est cette discussion à un moment donné.

C'est certainement le bon moment pour faire une introspection sur ma vie privée. Mon estomac est tellement d'accord qu'il se tord violemment. Je vais certainement attraper un ulcère, si jeune, c'est dramatique. Et comme si mon stress n'était pas assez violent, mes règles ont débarqués avec les douleurs qui vont avec. Une bien belle journée qui se profile. Non.

Mes orbites me brûlent, une migraine se fraie un chemin entre mes tempes. C'était pas une bonne idée, j'aurais dû refuser. Je suis incapable de faire face à ça. Les battements de mon cœur sont tellement fort que je les ressens partout, c'est pas le moment de faire une crise d'angoisse. C'est pas le moment, putain. Mes tremblements s'intensifient, mon estomac fait des loopings et mon cœur va finir par se disperser à l'intérieur si je ne me calme pas.

Une pile de livres dans des étagères et je me concentre sur les titres. Que des titres de droits, mais je me concentre tellement dessus pour calmer ma respiration en bordel. Je compte aussi le nombre de plantes, leurs couleurs du jaune au violet, avec un bonsaï. Un arbuste tout petit qui apporte la chance, et qui a des vertus apaisantes et relaxantes dans la culture japonaise. Si je sors d'ici en un morceau, je vais en faire une culture.