Chapitre 34

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Yuna

La maison est parfaitement nettoyée. Plus rien ne dépasse, même pas un malheureux grain de poussière. La maison témoin par excellence. Propre et rangée. Tout ce que je ne parviens pas à faire avec ma tête. Mon banc fétiche est cool mais pour le confort, on repassera. Mon cerveau est en chute libre, j'avais tout sous les yeux. Absolument tout. Et je n'ai rien vu. Tu parles d'un génie.

Mon téléphone est saturé de messages et d'appels. Vous comprendrez certainement pourquoi je n'ai répondu à personne. C'est dingue ce que les gens ont à raconter quand la vérité, cruelle en soit, est libérée. Ils se sont bien gardés de me le dire quand je ne savais rien du tout. C'est pas maintenant qu'il faut se trouver des excuses, les gars. C'est trop tard. Il en va de ma santé mentale. On est sur une totale instabilité.

Sans déconner, être le dindon de la farce, c'est vraiment agréable. Un plaisir de chaque instant. Si je fais le compte, beaucoup trop si je puis me permettre, ma naïveté m'a coûté cher. J'ai perdu trop de choses pour le peu que j'en ai gagné. Elle est où la parité là-dedans ? C'est pas possible d'être aussi conne, putain !

La poêlée de légumes a maintenue mes nerfs en place. Un exploit qu'il n'y ait zéro bobo à déplorer vu les tremblements de mes mains. J'en suis encore à me dire que ça ne peut pas être vrai. Qu'on m'immole sur la place publique, que je m'humilie une nouvelle fois par ma stupidité. Ça devrait être illégal d'ailleurs
Allez hop, petite lobotomie pour repartir sur de bonne base.

Si je me concentre assez, peut être que la douleur dans mon corps sera moins intense. C'est intéressant, je me suis pas cognée, j'ai mal partout. L'impression que mon âme hurle sous ma peau. Même pas mal.

Après une bonne douche, j'ai enfilé un jean bleu foncé, un t-shirt noir et je me suis attachée les cheveux. Pendant ce temps là, les humains vivant sous ce toit sont arrivés. Ah la brave Yuna qui s'est occupée de leur confort, qu'elle est adorable, n'est-ce pas ?

Maman est sur un nuage, sa carrière est au beau fixe, Suki fait trop de bruit, et moi je reste muette comme une carpe. D'ailleurs, est-ce que c'est vraiment muet une carpe ? Faudrait que je me penche sur la question, pour éviter de réfléchir à autre chose. Papa traverse le salon, embrasse maman, avant d'attraper ses clefs. C'est ça, Judas, va retrouver tes potes menteurs et manipulateurs.

- Et ta journée, ma chérie ? La maison est impeccable, je te remercie vivement pour tout.
- C'est rien, maman. J'avais du temps devant moi.
- Nouille, il faudra qu'on discute plus tard. Lance papa.
- Ouais. D'accord. Prends rendez-vous, j'ai un paquet de choses à faire. Tu comprends, j'imagine.

Comme je suis polie, rien ne montre mon trouble. Lui parler de quoi ? De comment il m'a trahit ? Je suis sûre que maman apprécierai la situation. Je devrais lui en parler, mais Isaac l'a menacé. Quel enfoiré ! Mon père hoche la tête, une lueur de tristesse dans le regard qui ne m'atteint pas, et part. Et moi je mériterai un oscar tellement ma prestation est formidable. J'arrive presque à manger, alors qu'une course de chevaux au galop tambourine mon estomac. Un oscar, je vous dis. Et Suki ouvre la bouche.

- Yun' je t'ai pris ton pull, le mauve.
- Je t'en prie, sers toi, ma très chère sœur.
- Je l'ai fait. Répond elle en souriant.
- Je vois ça. Mon pull, mon sac, mes affaires, mon lit, Elijah. Autre chose ? Tu veux peut-être ma vie aussi ?

Sa fourchette fait un bruit quand elle la lâche de sa main.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Mais si, ma grande sœur d'amour. C'était comment déjà ? Ah oui, ton meilleur amant. Le coup de ta vie.

Elle finit pas se lever de table quand maman demande ce qu'il se passe. Le regard affolé que Suki me lance est une supplique silencieuse. Devine quoi, j'en ai rien à foutre.

À la lisière de MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant