À la lisière de Moi

Chapitre 15

Yuna

Ce n'est pas arrivé, j'ai rêvé. La fraîcheur du drap sous ma peau nue me rappelle où je suis. Il n'y a pas eu de moment gênant, parce que si c'était vraiment arrivé, papa l'aurait tué dans l'instant. Si maman n'a aucun problème avec le sexe, papa reste un papa. Entendre sa fille prendre son pied, je suis certaine qu'il y aurait eu un meurtre, et sanglant qui plus est. Je sais qu'il peut être con quand il s'y met, mais pas de là à être suicidaire non plus.

Le reste par contre, n'était pas un songe. Beaucoup trop réel et je suis nue. Je l'étais pas tout à l'heure. Mon cœur se réveille aussi, battant un peu plus vite pour se souvenir de la sensation sur ma peau, et partout ailleurs. Ce qu'il s'est passé, ce qui se passe entre lui et moi n'est pas une relation. Juste une histoire d'oreillers complètement dingue. Quelque chose qui va laisser des traces. Il faut vraiment que j'arrête de dépendre de lui sur le plan affectif.

Le garage est quasiment désert quand je me décide enfin à sortir. Victor et India sont au bar, collés l'un à l'autre, je ne savais pas du tout qu'ils étaient ensemble. Pour tout dire, ils sont bien assortis.

- Trésor ! Comment tu te sens ?

La première fois que je l'ai vu, elle avait une perruque bleue avec des faux-cils assortis et des lentilles de contact colorés. Sans les artifices, c'est une jolie femme aux yeux café, avec des longs cheveux auburn. Elle est à couper le souffle.

- Mieux, j'ai faim !

Victor est solaire, il a un truc qui fait qu'on ne peut pas s'empêcher de le regarder. Une carrure de lutteur, une barbe de quelques jours, les yeux bleu-gris, il est charismatique. En y réfléchissant, tous les Taylor le sont.

- Qu'est-ce que tu veux manger, princesse ? Je te le prépare.
- Tu répares des voitures, tu cuisines, tu es un super papa. T'en as d'autres des talents ?
- C'est un bon coup au lit.

India me fait un clin d'œil, Vic sourit de toutes ses dents. J'étais à ça de répondre que c'était de famille. Ah ça.

- Je te fais confiance ! Je veux bien un bon gros burger bien gras. Si c'est possible.
- Ça roule. Bouge pas de là, ça arrive.

Pendant qu'il s'affaire, India me sert un coca bien frais. Grand Dieu, c'est une bénédiction pour ma gorge. Je lâche un soupir d'aise.

- C'est une merveille.

Les autres doivent être dehors, j'entends des voix au loin, mais je suis bien là, en comité restreint.

- Ravie de te voir ravie. Insolation ?
- On va dire ça. Trop de chaleur et ventre vide. Pas la meilleure combinaison du siècle.
- On a remarqué !

Le silence s'étire, tandis qu'ils me fixent tous les deux. Rien de gênant, pas du tout.

- J'ai un œdème dans la gorge, parfois ça ne passe pas. C'est tout. Il est moins important qu'avant mais il est toujours là. Ça ira mieux quand il sera parti.

Un dommage collatéral lié à mon ex, qui a pété un câble parce qu'il a vu le suçon qu'Elijah m'a laissé, je m'en suis souvenu au commissariat. Mais ça, je le garde pour moi. Évitons d'aggraver la situation qui n'en est pas une.

- C'est prêt, régales toi.

La tête plongée dans mon oreiller, je refuse de bouger. Mon pyjama Buzz L'éclair est du même avis que moi de toute façon. Vers l'infini et au dodo !

- Bouge ton cul, il va finir ridé !
- Hmmm.

Oui, c'est très profond. Suki et Dee sont postées de chaque côté de moi. Elles se sont glissées sous ma couette, comme si c'était la fête. Je tente de les pousser avec mes jambes, mais elles ne bougent pas d'un pouce. Foutues pestes.