Partie 7

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Le pardon a ses raisons que la rancune ignore.

- « Maman, s'teuplait, en descendant, passe à la pharmacie!
- Ok. J'arrive dans 5 minutes ! Appelle moi de suite s'il se passe quelque chose!
- Oui Yemma, t'inquiètes !»

Elle est devenue parano depuis que je me suis faite dégommée, meskina! Foutu état dans lequel je suis aussi! Quand j'ai perdu connaissance, on m'a amené à l'hosto. En me réveillant, ma mère était à mon chevet : ça m'a fait de la peine de la voir là ! J'avais mal au crâne, des courbatures partout. Impossible de bouger. Je suis sortie le lendemain, avec un ITT de 8 jours et après l'interrogatoire d'un médecin. Il s'est pris pour un keuf celui là, mais c'est mort, j'ai rien vu rien entendu, juste subit et atterrit ici. Point. C'est hors de question que je balance qui que ce soit, Justice sera faite autrement ! C'est en me mattant dans un miroir que je rends compte de la sauvagerie de Sonia : un cocard de dingue encore enflé, des bleus partout, un bandage autour de ma côte cassée ... Elle m'avait bien amochée ! Depuis quatre jours, je suis quée-blo à la maison. Rien que le fait d'étaler le kilo de fond de teint autour de mon œil me dissuade de toute sortie ! De toute façon, pour faire quoi ? Tout le tier-quar était au courant, mon téléphone vibrait sans arrêt. Les grands voulaient me venger, Ben ouai, pas de pitié pour les traitres dans ce milieu, surtout quand on s'attaque à la petite reuss de leur reuf. Mon frère est encore dans les esprits, ça fait plaisir! Mais je leur déclarerais wellou ! Franchement, le seul truc qui mériterait que je lui applique la loi du tallion, c'est mon manteau ! J'ai pas chialé de mes bleus, mais quand j'ai vu mon manteau déchiré, mes yeux sont devenus humides ! C'était mon cadeau de départ de ma famille d'accueil aux States, j'ose même pas imaginer le prix du keu-tru. Ils m'avaient fait golri, parce que j'avais chamboulé leurs habitudes vestimentaires de bourges avec mes Jordan aux pieds, mes casquettes New Era et les sweat à capuches ! Du coup quand ils ont su que j'allais rentrer, ils ont tenu à me faire un cadeau, j'ai ouvert le papier et là : un manteau de chez Dolce, classe à mort ! Elle m'avait dit « J'ai hésité avec la doudoune, mais non, toi t'es une fille du grand Manhattan, pas du Bronx ! » Ils me manquent ces ouf !

Ma mère revient et me demande si tout s'est bien passé, comme si elle s'était absentée 1 mois. Elle est la seule à savoir que c'est Sonia, et ça la démange d'aller voir sa mère, mais je lui ait interdit ! Tout se fera en temps voulu ! T'façon, je sais que j'ai pas assez de recul pour être objective, la rage me ranime à chaque fois que je peux pas être libre de mes mouvements. Je demande à la madré la télécommande et elle me la file, me lâchant un sourire moqueur : « Quand je te vois, j'ai du mal à me dire que t'étais fan de Batista ! Avec tous les épisodes de catch que t'as regardé, t'aurais pu lui faire une prise, regarde moi cette boucherie ! Elle a gagné la ceinture cette 3afrita ! » Je me retiens de rire, question de fierté, mais elle m'a bien vanné sur ce coup. La mama 1 - 0 Nawell ! J'allume la télé : En zappant, je tombe sur un reportage sur les trafics de drogue a Saint Ouen. Une femme agee parle des dealers, un sujet sensationnel à l'approche des élections, ça me fous les nerfs ces reportages préfabriqués de bout en bout ! La sonnette de l'appart' sonne. Ma mère me demande d'y aller. Je me lève, et regarde par l'œillet... Sonia ! Sonia ? Mais c'est une ouf elle, normal, elle traine sa pote dans la rue, la fiche dans tout le tier-quar pour au moins deux générations et elle débarque ? Pas de recul, pas de sagesse, je vais lui sauter dessus, ouais ! Je prends un balai que je cache derrière la porte et souffle un coup. Ma mère me sors : « Je reste dans la pièce à côté au cas ou ! Mystério ma fille ! Fais lui la prise de Mystério ! » J'ai envie de rire mais ma main sur la poignée me retire tout sourire des lèvres. Le visage fermé, prête à la défigurer avec mon manche à balai, j'ouvre la porte. Elle lève la tête, les larmes coulent sur ses joues. Elle pose son regard sur mon cocard et se met à pleurer comme une gosse. Elle veut me prendre dans ses bras mais je la repousse. Elle est schizo ou quoi ? Je la laisse entrer quand même dans l'entrée. Elle se laisse glisser contre le mur et s'asseoit. Je reste debout, contre le mur d'en face. Elle pleure, mais ça me touche pas. Y'a une semaine, j'aurais tué tout ce qui aurait pu lui faire un quelconque mal. Mais aujourd'hui, je suis indifférente à sa douleur. Moi aussi je souffre, chacun son lot de problèmes...

- « Nawell, Omar m'a lâchée. Il m'a lâchée et j'ai enquêté. Je suis conne, si tu savais comme je m'en veux. J'aurais du cramer qu'il me faisait doublette depuis longtemps, je le cramais mais je voulais pas me rendre à l'évidence. Je cramais tout, mais je me mentais. Et le seum était là tout le temps, j'espérais qu'il arrête ! Qu'il se rende compte que ces michetonneuses ne lui offrirait jamais tout ce que j'avais a lui offrir ! Je t'ai vu l'autre soir, tu montais dans sa voiture. J'aurais du te demander ce qui se passait, mais non, j'ai préféré mettre tous les tords sur toi. Put*in qu'est ce que je t'ai fait ma sœur !? Quand je suis rentrée chez moi, je l'ai appelé, on s'est embrouillé, je lui ait dit ce que j'avais fait, je lui ait dit tout ce que je savais. Il m'a traité de tout, m'a dit que j'étais paro, et m'a raconté que c'est lui qui t'a fait monté de force mais qu'il t'avais redéposé juste après parce que t'as pété un plomb ! Nawell, pardonne moi, jt'en supplie pardonne moi. Je perds un morceau de moi si tu me laisses, et t'aurais toutes les raisons du monde de me laisser. Pardonne moi... »

Un miroir est posé à l'entrée. Juste en face de moi. Elle parlait et je mattais mon œil au beurre noir. Elle pleurait et je revivais cette scène de ouf où je pensais clamser. Tout ca à cause d'un crasseux. Tout ça à cause d'un mec aux narines pleines de poudre et aux yeux pleins de ce-vis ! Et puis je la regarde... Sonia, c'est une gueularde au sang chaud, un caractère de bonhomme dans un corps de femme fatale. Elle a pété un câble, c'est humain... J'aurais voulu que ça n'arrive jamais. Elle a du baffer sa fierté mille fois avant de venir. J'ai jamais cru en un Amour réellement sincère, pour moi, tu finis toujours décu, et si c'est pas par les actes, ben c'est par la mort ! Mais je crois aux liens forts, j'aime le sentiment de confiance. Et cette meuf qui chiale par terre devant oim', c'est mon lien fort. Si je crois plus en elle, je crois plus en l'Amitié, en l'Amour, en tous ces trucs là, c'est net... Sonia, pourquoi tu nous fous dans la merde tout le temps comme ça...

- « Arrête de pleurer Sonia. Il en vaut pas la peine. Et si tu pleures pour moi, ça en vaut pas la peine aussi. Tu me perds pas et t'es pardonnée... »

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant