Partie 26

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"La mort ou la prison, en d'autres termes, quatre murs ou quatres planches, t'es prévenu, y'a pas un voyou qui fasse long feu, t'es prévenu, la rue ne t'offre que deux issues..."

Sonia et moi sommes assises autour de cette table dans cette pièce éclairée par une ampoule émettant une faible lumière. Je suis en face de la télé. BFM tourne en muet. Je me demande où est ce que j'ai atterris, j'ai l'impression d'être dans un film. Un film dont j'ignore l'issue, le bon héros et le mauvais. Hafid, Jalel et Redwane se regardent. Omar, lui reste muet, la tête baissée et les mains sur la table... menottées ! Hafid ouvre le bal de la confrontation:

- Déjà, je voulais vous dire à toi Nawell et Sonia qu'on va bien. Avant de vous dire pourquoi on vous a fait venir, je vais vous expliquer ce qui s'est passé dans les grandes lignes. Et me coupez pas ! Laissez moi finir. Ok ? (On acquiesce avec la tête) Ok ! Vous saviez depuis un moment que je voulais me retrouver en face à face avec lui là (Il lance un regard noir à Omar qui ne réagit pas et continue). Quand il a tué Sofiane mon frère, il a fait une erreur ! Une grosse ! Il s'en est vanté, et a fait tourner des preuves comme quoi c'était bien lui, histoire d'impressionner la galerie. Redwane faisait parti de ceux qui le cotoyait sans savoir de quoi il était capable. Depuis ce jour où il a vu le sang sur ses mains, il a su qu'il faudrait un jour le stopper ! Quand Redwane a été mis au courant du fait que je voulais le coincer, il m'a suivi et a commencé son double jeu ! Meilleur pote d'Omar et mon indic' ! Depuis des années maintenant. L'autre bouffon n'y a vu que du feu ! Sauf que je voulais pas le coincer de suite, je voulais un dossier béton qui l'incriminerait de toutes les merdes qu'il a faite. Ca a duré des années ! Y'a quelques temps, je voulais le bloquer sec ! J'avais tout ce qu'il me fallait pour passer à l'action. Sauf qu'au même moment, je t'ai rencontré Nawell, et Redwane a rencontré Sonia. Je suis resté proche de Jalel, je savais qu'il vivait dans la même cité que toi, alors je lui ait demandé s'il te connaissait, et s'il connaissait Sonia . Il m'a répondu que oui et comme tu t'en doute vu vos relations que je n'imaginais pas, il m'a dit du bien de toi et m'a prévenu de faire attention, puis m'a averti des relations qu'entretenaient Omar et Sonia. On a donc décidé de repousser le plan. Sonia, Redwane t'as dit qu'il était pote avant avec Omar et que maintenant il le pourrissait, c'est pas faux ce qu'il t'a dit ! Et toutes les informations qu'il te demandait n'étaient pas faites pour t'embêter ni t'utiliser mais pour nous aider ! Grâce à toi, on a pu récolter plein d'infos sur ses bizz et charger encore plus son sac à khra ! (« merde » en arabe) ... (Il jete un coup d'oeil à nous tous, tousse, et reprend) ... Nawell, je suis pas parti à Londres, et Jalel est pas parti non plus taffer avec les autres. On était là, on préparait le plan, le hangar, tout pour ne pas le louper. Tu sais quand Jalel est venu te voir pour te dire que j'avais piqué la meuf à ton frère ? C'était pas vrai ! J'appréhendais, je me disais que peut être tout allait foirer, que si on avait des indic, alors lui aussi en avait surement... Sincèrement, j'aurais pu y laisser ma peau ! Je me voyais pas te dire « On s'entend bien, mais trace ta route c'est mieux » alors j'ai voulu te toucher ou ca faisait mal pour que tu me déteste et que tu te fasse pas un sang d'encre pour moi. Redwane a peu de chose près à fait la même de son côté, hein Sonia ? (Elle baisse la tête). On voulait pas vous faire de mal et on préférait que vous nous haissiez plutot que de vous rendre folles d'inquiétude. On avait pas prévu que vous seriez de si bons cœurs... (Il me regarde et sourit) Enfin bon, ca on en reparlera. Le plan était celui là : Omar savait que quelque chose se tramait, puisque Redwane lui passait de vraies et fausses infos ! Il fallait qu'il pense avoir une équipe pour pouvoir nous affronter ! Des collègues il en avait, mais il faisait un peu plus confiance à Redwane, et c'était ce qu'il fallait ! On leur a donné rendez vous à la cité, Omar est venu serein avec tous ses acolytes et ses guns ! Notre équipe était là aussi ! C'est parti en kwèoui ! (« couilles ») J'ai tiré en l'air et j'ai dit à Omar que c'était une affaire d'homme à homme ! Il allait forcément accepter de faire le Rajeul (« l'Homme » en arabe). Redwane intervient et dit qu'il se sépare pas d'Omar, Omar accepte. A partir de là, le plan fonctionne. Jalel vient avec moi et on se retrouve à 3 contre 1, sauf que ça, il le sait pas encore ! On roule un peu plus loin dans une zone industrielle, il se gare et avant même qu'il puisse sortir de la vago et tous nous flinguer un par un, Redwane lui décoche sa patate de boxeur professionnel ! On le ligote, le met dans mon coffre et il se retrouve ici. Ca fait des jours que le keu-mé se fait bastonner, il a avoué hier soir les meurtres qu'il a commis, dont celui de Soso. Maintenant qu'il a avoué, on veut qu'il se rende. Qu'il aille au comico et avoue le meurtre de mon frère. Le reste on le taira s'il le fait. Si il se défile, on enverra tout ce qu'on a à la Justice et le keu-mé prendra cher ! Ce bouffon avait pas d'indic, rien, on avait préparé des gars dans tous les coins de la cité, y'avait de nos propres gars parmi les siens, il a rien capté ! Des vies gachées par un moins que rien sans cervelle ! J'ai pensé à le tuer, j'ai pensé à le frapper, encore et encore, jusqu'à ce qu'il crève ! Je préfère le savoir enfermé entre quatre murs ! Je préfère me dire que tout le monde peut changer ! Je lui pardonne pas, mais je prendrais pas le risque de le faire clamser ! Je vous ais fait venir parce que je voulais que vous soyez au courant de tout ca avant qu'Omar prenne sa décision, et pour que vous puissiez souffler un peu ! Tarek savait qu'on était là, il venait nous amener à graille, vous lui faisiez mal au cœur avec vos têtes de déprimées ! Et je vous ai fait venir pour que vous puissiez parler si vous le voulez, si vous avez un dernier truc à lui dire !

Je suis bouche bée ! Je regarde les lèvres d Hafid bouger, je ne sais pas quoi penser... Tous ces risques, toutes ces années à patienter, à monter un dossier plein de crasses qui devait lui crever le cœur, pour au final seulement lui demander d'être juste envers lui même et de se dénoncer. Je suis admirative, j'ai envie de pleurer en repensant à sa souffrance, à sa difficulté de faire le deuil de son frère mort et désormais impuissant quand on traque son meurtrier, qui lui, est en liberté ! Y'a trop de choses en même temps... Je comprends énormément de choses ! Le keu-mé à qui Sonia parlait à l'hôpital quand Hafid s'était fait tiré dessus, c'était donc Redwane ! Je me souviens qu'elle m'en avait parlé furtivement ensuite pour me dire que c'était un ex pote à Omar, je me demande pourquoi tant de mystères à son sujet... Et puis Jalel et ses histoires fantastiques ! Il sait très bien que je suis tétue et que ce n'est pas sa mise en garde qui m'aurait fait hair Hafid ! Mon cerveau est en ébullition, je suis en plein un hangar, avec un meurtrier menotté et des keu-mé autour d'une table... Y'a de quoi avoir du mal à remettre les pieds sur Terre ! Sonia a l'air aussi paumée que moi ! J'ouvre la bouche comme si j'allais dire une chose mais la referme, rien ne sort !

Finalement, c'est Omar prend la parole...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant