Partie 14

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Quand t'entends mariage, y'a poulet roti qui va avec!

Samedi soir. Saturday night. Sonia et moi sommes dans la salle de bains en train de finir de nous coiffer. Une pine-co se marie dans une ville voisine. Takchéta et caftan sont de la partie, avec toute la panoplie de la soirée mariage: cadeau, ceinture pour danser, des gâteaux pour patienter en attendant le repas posé à 2h du mat', appareil photo... Yalla! Maman est encore à Toulouse chez Mouhssin le cous', et elle a l'air de s'y plaire! Fini ses mille appels à l'heure, si je l'appelle pas, elle me calcule ap! Heureusement que je suis pas susceptible! Apres trois quarts d'heure de route avec le CD "Mariage à l'Orientale" dans le poste, histoire de nous mettre dans le bain, on arrive à la salle située dans le Val d'Oise, déjà fatiguées d'avoir chanter et bouger les épaules comme des gue-din! On va féliciter la mariée, la maman de la mariée, on pose le cadeau et se pose à une table où nos potes nous attendaient. Ca fait un bien fou de sortir de temps en temps hors de la routine, voir des têtes disparues! On se fait mille bises et ça commence à chambrer direct...

- Oh Wallen, palala bsahtek le prix au concours!
- De quoi tu parles toi, quel prix?
- Fais pas la cachotière! Ben le prix du meilleur sosie de punching ball! Tu t'es fait fons-dé à ce qu'il parait!
- (Sonia rie de force, mais je sens en scred la gêne. Pour ma part, je suis morte de rire, j'avoue, elle était pas mal) C'est l'hôpital qui se fout de la charité non? Avec tes chicos en l'air tu nous fait le remix des dents de la mer tous les jours que le bon Dieu fait, et tu la ramène?

On explose de rire. Toutes les meufs de cette table, je les connais depuis petite. Y'en a c'est parce qu'elles étaient dans ma classe, d'autres parce qu'elles faisaient le même sport que oim', d'autres parce que je les vois toujours dans les mariages! C'est chelou ça au passage: y'a des gens, quelle que soit la sortie que tu fais, tu les vois, sans pour autant trouver un lien de parenté commun... Un peu plus, et la parano du complot organisé s'inviterait bien! On discute, mange les quelques pâtisseries qui se battent en duel sur la table, et puis la mariée se lève avec son mari pour danser. On se regarde toutes, chope toutes nos sacs et on en sort toutes une ceinture! On claque de rire et allons les rejoindre. Ses yeux pétillent, son mari tape un coupé décalé, elle golri. Je suis heureuse pour elle. Soukaina, c'était la plus discrète de toute la bande. Toujours calme, adepte du "maison/école/devoirs". Je l'ai connu comme ça, et elle est restée comme ça. Une perle pour qui l'aurait, et si il le savait ce ouf, il lui foutrait pas la te-hon avec son moon walk à l'algérienne qu'il est en train de taper dans la salle! Des barres! Il va danser avec ses potes qui ont fait irruption sur la piste, et nous, on chope notre Souki, danse avec elle, on lui souhaite tout le bonheur du monde...

- Vous inquiétez pas les filles, wAllah, je suis heureuse! Et encore plus de vous voir là, merci beaucoup!

La negafa nous fait signe de l'accompagner jusqu'à la pièce où elle va se changer, ce qu'on fait en criant à pleine gorge "Slaaaat o Slaaaam..." et on va rejoindre notre table: je suis essoufflée comme après un service, alors que je sais que c'est que le début! Les photos s'enchaînent, les tenues... Les textos aussi. Hafid me harcèle. Il est pas tranquille. Avant de partir, j'ai eu droit à un appel à caractère spécial: "Bon Nawell, comme convenu, tu parles avec aucun gars et tu manges surtout aucun gâteau!" Intérieurement, j'étais pliée en quatre. Officiellement, un "Mais oui, bien sur, cela va de soi" est sorti de ma bouche! Il m'a répondu: "Bon ça va, j'ai abusé, tu peux pas te passer de manger, c'est tes poignées d'amour qui me l'ont dit, mais pour le reste sois sage, ok?" Oh l'enfoiré, comment il m'a piqué! Je suis en plein dans mon sms, Sonia me donne un coup de coude, approche sa tête de mon oreille. Elle me chuchotte: "Nawell, regarde qui est à la porte fenêtre, celle de droite!" Je lève la tête et qui est là, calé avec des keu-mé en train de discuter ? Imed...

Imed, c'est celui avec qui je devais me fiancer, un peu avant mon départ aux States. Un type que j'idéalisais: un mec bien dans le fond, un type vraiment bien. Avec des valeurs, de l'intelligence, de la patience, de la compassion. Ouais... Mais qu'avec qui le méritera ! Apparemment, j'ai mérité tout ça les premiers temps, et puis je devais plus en être très digne finalement. Dès le moment où il a su que ma mère avait été mise au courant de notre intention de réunir nos deux familles, il a cru m'avoir piégé et pouvoir faire de moi ce qu'il voulait. Dans les jours qui ont suivi, j'ai pu voir sa vraie face : celle d'un homme colérique, impatient, impulsif, et pas clean du tout ! Il m'a craché tout ça en pleine figure un soir, pensant que je ne pouvais pas faire marche arrière. Je lui ait posé l'ultimatum, celui d'être un homme digne de se marier et assumer un foyer, ou alors de trouver une personne capable de fermer les yeux sur tout ça. La fureur s'est emparée de lui, il a menacé d'aller voir ma mère, de me faire la misère. Bien sur, j'ai pas cédé, et le fait qu'il s'abaisse à ce niveau était la preuve de sa véritable intelligence. Je l'ai quitté et j'en ai informé ma mère qui m'a soutenue ! Il a bien tenté de me pourrir la vie, de me mettre des bâtons dans les roues, malheureusement sa langue a trop pendue et un grand du quartier en a été mis au courant : une descente chez lui... Et j'en avais jamais réentendu parler ! Depuis, j'étais pas dégoûtée des hommes mais un peu choquée ! Découvrir du jour au lendemain la face sombre d'une personne que l'on a côtoyé des mois durant... Voir en une personne un exemple de stabilité et de moralité, pour au final se rendre compte que cette même personne est tout ce que l'on a cherché à éviter ! Je le regarde, la bouche ouverte. C'était prévisible qu'il soit là, on a des amis en commun, mais j'y pensais même plus ! Imed regarde vers nous, et s'avance avec ses potes. Je suis pas bien du tout, je m'accroche à mon phone comme on tient une main qui nous sauve de la chute dans le vide. Je regarde Sonia, elle a l'air aussi effarée que moi ! Quel culot il a celui là ! Sauf qu'il ne venait pas vers nous... Il s'assoit à une table un peu plus loin, et boit un thé. Je souffle un bon coup, je suis soulagée ! Deux messages reçus : Hafid « Tu fais quoi là ? » et « Pourquoi tu réponds pas ? Ca va ? » Je veux lui répondre mais mes mains tremblent encore. Imed est de dos, je le regarde. Il est devenu quoi depuis le temps ? Est-ce qu'il va bien ? Il se retourne... Je détourne vite ma tête ! J'espère qu'il a pas capté que je le mattais, il va s'imaginer que je pense à lui ce ouf. Bon ok, il aurait pas tord, mais je veux pas qu'il se sente important. Amina, une meuf de la table me dit : « Hey Nawell, je crois que t'as une touche regarde y'a un mec qui te fait des signes là ! » Effectivement, Imed me demandait de venir. Je fais quoi ? J'y vais ? Nouveau message reçu : Hafid « ? »

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant