Partie 20

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C'est peut être les personnes qu'on pense le plus connaître qui nous étonneront toujours le plus...

De retour de Toulouse. Maman est affalée sur son lit et dort. Je range nos affaires, Sonia me rejoint et m'aide...

- Putain, je suis dèg, pourquoi tu m'a pas amenée !
- T'avais cours ! Hors de question que tu rates ! T'inquiètes cet été in cha Allah, on y va. C'était trop bien !
- Ouais, ouais, c'est bon, me dégoute pas !
- (J'exagère l'accent) Heinnnng ! Heiiiinnnng ! La connng de toi heinnng ! (Elle golri) Au fait, c'est quoi cette histoire j'ai pas compris ton texto !
- Ah, ça... ben en fait, j'ai vu Imed en début de semaine. Avec Amina (une des filles de notre table au mariage de Soukaina). Ils sortaient de chez le médecin, elle se tenait le ventre. Elle a enlevé sa main direct quand elle m'a vu. On a parlé en deux deux et chacun a tracé. Sah, j'ai même pas cherché à comprendre. Mais le soir, j'ai recu un texto d'un num inconnu : «C'est Amina. Appelle » J'ai appelé. Elle m'a dit qu'elle était avec Imed, que tout allait bien, qu'elle était tombée enceinte mais qu'elle comptait faire le hellel apres l'accouchement, que les parents s'entendaient bien. wAllah à la croire, histoire de rêve, truc de dingue, j'étais limite jalouse de ses conneries ! Je suis sure qu'elle savait que j'allais t'en parler et qu'elle a embellit les choses exprès !
- Amina et Imed ? La meuf elle me pousse à aller le voir au mariage et derrière elle le pécho ? L'angoisse de dingue, ils sont tordus les gens ! Heureusement que je suis pas tombée dans ses bras ! Il s'est mis dans une de ces situations celui là! Chelou quand même tout ça...
- C'est ce que je me suis dit aussi. Je préférais que tu sois au courant. Au fait, quand je venais arroser les plantes pendant votre absence, je me suis permise de te piquer un livre, je l'ai bien entamé. C'est celui de Al Ghazalî...

J'ouvre grand les yeux et je la regarde sortir de son sac le livre. Je suis étonnée qu'elle ait fait un choix de lecture portant sur la religion. Ma bibliothèque est remplie de livres sur tout et rien. Sonia, c'est ma meilleure amie, et aussi loin que je m'en souvienne, la religion a toujours été pour elle quelque chose d'abstrait. Elle croit en Dieu, est musulmane, mais pense que la religion est une affaire de sagesse et que la sagesse n'est pas une affaire de jeunesse...

- Arrête de faire cette tête ca va ! Je l'ai kiffé ! Il m'a fait du bien, c'était une tuerie ! Laisse bet' comment je me suis remise en question ! Je fais vraiment n'importe quoi de ma vie et quand je vois que les autres font n'importe quoi de la leur ca me rend encore plus ouf... NAWELL FERME LA BOUCHE C EST BON !
- (Je souris) Non mais Ma shaa Allah ! Je suis fière de toi, j'sais pas ça me fait un truc ! Comme quoi, t'as beau ne pas les aimer, Omar Imed et leurs frasques te font du bien au fond.
- Trop drôle... Vas y viens on s'allonge, je veux te lire un des passages que j'ai préféré !
- Ok !

Je m'allonge, elle aussi. Je ferme les yeux et je me demande quelle partie elle a préféré. Je l'ai lu ce livre et c'est vrai qu'il fait énormément d'effet. Il décrit le chemin que doit prendre un dévot pour arriver au Paradis. Les embûches qu'il rencontrera, les étapes à franchir... Je ne sais pas ce qui l'a amené à prendre CE livre, mais elle n'aurait pas pu tomber mieux. De la compassion, de la sagesse, de la douceur, du tact, du réalisme...

- Ah, le voilà. Je commence... Bismillah ! « Que dirais-tu du père, riche en propriétés et aimant ses enfants, que tu verrais refuser à son fils chéri une datte ou une pomme que l'enfant désirerait manger ? Ou bien s'il le remettait aux mains d'un maître d'école, dur et autoritaire, pour le tenir enfermé dans sa maison tout le jour et l'ennuyer par toute espèce d'exercices fastidieux ? Ou si, enfin, il le conduisait à la maison d'un chirurgien pour qu'il lui appliquât des ventouses en le faisant souffrir ? Penserais-tu peut-être qu'en lui refusant le fruit, il a agi par mesquinerie ou par avarice ? Mais comment le croire, quand il comble de cadeaux des étrangers et se montre généreux envers eux ? Va-t-il moins estimer son propre fils puisque c'est pour lui qu'il amasse tout ce qu'il possède ? Ou bien agira t-il ainsi pour le molester et le faire souffrir, par haine ou aversion ? Mais comment imaginer cela puisque ce fils est sa consolidation et le fruit de ses entrailles ? Rien de tout cela. Au contraire, s'il agit ainsi, c'est parce qu'il sait que de cela dépend son salut et son bien être et que, grâce à cette légère privation et cet ennui, il obtiendra de grands bienfaits et d'énormes avantages. Et que dirais tu du médecin expérimenté, prudent et affectueux, qui refuserait une gorgée d'eau à un malade grave, mourant de soif et qui sent son foie embrasé par la fièvre ? Si de plus il lui donnait à boire une potion répugnante, que son estomac et son instinct naturel se refuserait à accepter ? Penserais tu peut être qu'il agit ainsi par inimitié contre le malade ou pour le plaisir de le molester ? Rien de tout cela. Mais au contraire : c'est parce qu'il lui veut du bien et lui conseille avec sincérité ce qui lui convient car il sait avec certitude que cette satisfaction momentanée de son appétit sera la cause de sa perte et de sa mort, infailliblement, tandis que s'il s'abstient, il obtiendra la guérison et la santé. Médite donc, ô homme, et réfléchis que, lorsque Dieu te prive d'un morceau de pain ou d'un denier, tu peux être bien sûr qu'il possède tout ce qu'il veut ; qu'il peut, s'il le veut te l'accorder. Il est, de lui-même, Généreux et Bienfaisant, et connait en outre la nécessité où tu te trouves, puisque rien ne se dérobe à Sa sagesse (...). Par conséquent, tu dois reconnaître qu'en réalité, Il ne te refuse ce que tu désires, que pour ton propre bien et ton avantage. Comment non ? S'Il est Celui qui dit : « Pour vous autres a été créé tout ce qui existe sur la terre ? » ( Sourate 2, Verset 27 ). Comment non, si c'est Lui qui t'as accordé généreusement la grâce de le connaître, en comparaison de laquelle le monde entier ne vaut rien ? (...) Ainsi donc, quand Il t'éprouve par quelque tribulation, tiens pour certain qu'Il ne le fait pas parce qu'Il lui faut te molester ou te mortifier ; sois sûr qu'Il connait aussi ta situation et voit ta faiblesse et que, malgré tout, Il ne laisse pas d'être tendre et miséricordieux envers toi. (...)

Elle s'arrête de parler et puis elle ajoute :

- Tu sais Nawell, c'est vrai tout ça. On a toujours cette impression qu'on nous ôte plein de choses, que le malheur s'abat sur nous, qu'on a rien pour être heureux, alors qu'au final, on s'en sort toujours et qu'on en tire des leçons. Regarde Imed, finalement il a bien de te laisser quand je vois ce qu'il fait. Et je suis bien mieux loin d'Omar quand je vois son vrai visage. Regarde ton père, va savoir, t'aurais pu hérité de sa froideur si il était resté. J'ai été bien ingrate toutes ces années... Vendredi, je viens avec toi à la mosquée, je peux ?
- (Je me lève et la regarde. Je m'attendais pas à ca. Je m'attendais pas à ce passage. Elle nous a mises toutes les deux d'accord.) Bien sur Sonia, avec plaisir. Merci beaucoup pour ton rappel.

Elle me demande si elle peut garder le livre, j'accepte et elle s'en va. Je suis encore sous le choc, même si c'est positif. Je vais m'installer avec Maman dans son lit et j'envoie un sms à Jalel, pour le remercier du cadeau et lui demander si la clique allait bien. Il me répond directement : « C'est bien que tu m'envoie ce message, j'allais t'en envoyer un. On rentre demain, je veux te voir. J'ai entendu un truc à ton sujet. Discute pas y'a Rien à ajouter. A demain 'chaAllah »

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant