Chapitre 2 : Partie 2

587 47 1
                                    

K-SOS CHAPITRE"

Saint Denis. Cité Dourdain. Les murs vibrent. Les sirènes grondent on dirait que dans l’appart c’est la guerre. La guerre dans la tête de mon frère. La basse et la voix de Rohff font trembler les murs. Les sirènes et sa voix atteignent ma chambre et me cassent les oreilles. Mon frère Karim est relou avec son rappeur comorien et son clash qui date du mois de septembre, Wesh Zoulette. Tout comme Housni M’kouboi il est en guerre avec l’auteur de Futur, Booba. Tout comme lui, il parle mal de Booba. Jambe de coq, mytho dans ses textes et j’en passe. Les mecs de tess sont passés d’auditeurs à sélectionneurs du rap français. Les pieds des blocs sont devenus des lieux de débats et les pro-Rohff et pro-Booba argumentent alors qu’ils ne connaissent même pas les deux rappeurs. Et les deux rappeurs ne les connaissent pas. Enfin si. Quelques uns ont rencontré Rohff lors de sa première partie de Fifty Cent. Les organisateurs étaient de mecs de Saint Denis et ils avaient fait rentrer du monde de chez nous. Certains avaient pris des photos dans les loges avec Rohff.

« K-Sos Musik, K-Sos Musik
Garde ta Black fausse Music
Moi c'est Bastos Music
Le son qui t'monte en l'air
Tous les doigts, tous les guns en l'air
Les filles biens restent classes
Les bitches mettent leurs eins à l'air »

Compte facebook. Nawell de la street. J’ai tellement comaté et déprimée que j’ai mangé. Mangé...Mangé... Ce matin je suis montée sur la balance. Si on lui donnait la parole elle m’aurait répondu et jeté avec des gimmicks « Dégage patate... ». Heureusement, elle voit mais ne parle pas. Quoi que... Elle m’aurait peut être alerté.

Je surfe sur le net et hésite. J’ai lue les bouquins Les Anges S’habillent En Caillera, Des Chiffres Et Des Litres et j’attends Flic Ou Caillera. Ces lectures sur Saint Denis me donnent envie de reprendre mes textes et d’aller jusqu’au bout. D’écrire mon bouquin. Reprendre la plume ? Pour raconter quoi ? Mes rêves brisés ? Mes textes entassés ? Mon taffe au Mac Do de Crimée ? La dernière publication date déjà de juin 2012. Six mois. Je me sape large, larguée par la vie et son quotidien ennuyeux. J’suis passée du physique de petite meuf à celui de grosse boulette. Je pécho mes affaires et trace jusqu’au taffe, Mac Do de Crimée, une pote de mon frère m’a embauché. Le resto du 17eme m’a remercié. Enfin la propriétaire a revendu et a quitté la région parisienne. Le nouveau proprio m’a gardé quelques jours et a prétexté des fautes. Une cliente qui s’est plainte. Un service trop lent. Enfin, le mec m’a sorti que des mythos pour embaucher les membres de sa famille. J’ai galéré quelques jours et j’ai finalement pris ce taffe. Le Mac Do ? Une mission ! Mais je ne me plains pas et puis l’ambiance entre collègues est sympa.

Bâtiment 5, je trace rue Gabriel Péri. Les travaux du tram son finis. Des voitures en double file. Je marche jusque devant le 129. Les mecs du quartier ont cessé de me mater comme des diksa. J’entends des chambrettes, du style, « Elle a du mal à rentrer dans son pantalon », « Elle va bientôt se saper avec les couettes du bled ». Putain quelles chambrettes de bâtards. Je tombe sur deux anciennes meufs du lycées. Les sœurs Gremlins, à cause de leur mèches colorées et leurs gros yeux. La grande, mince s’appelle Leïla. L’autre Sandrine mais elle se fait passer pour une kabyle. Y a toujours des meufs qui se prennent pour des rebeux. Y a une meuf à mon taffe, une blonde qui tchip comme les renois alors qu'elle est blanche comme une aspirine. Complexe d’identité. Leïla, c’est une vicelarde, elle ne m’aime pas pour une vieille histoire en cours. Et sa pote, une suiveuse. Je pense que si elle lui disait fonce dans le mur. Elle le ferait, direct! Les deux meufs jouent les bombes et se tue au Mooving en face du théâtre Gérard Philippe. Elle ont le physique et les accessoires de michteonneuses. Sans parler des UV qui vont avec. Et leur langage, il est ouf. On dirait un sketche quand elles parlent. On ne s’est pas vu depuis leur retour de Thaïlande.
- Téma c’est Nawell ! Wallah, je l’aurai pas reconnu. Chuchote Sandrine.
- Nawell ? (crie Leïla)
(Je me retourne, gênée)
- Salamaleykoum, tu vas bien Leïla...
- Oui... (elle s’avance et me regarde, air méprisant)
- Qu’est ce qui t’es arrivée ? Enfin mash’ Allah tes cheveux...
- Ouais, merci. Les tiens aussi il sont Mash’Allah
- Mais ton poids, il est pas Mash’Allah. Enfin, tu as pris quelques kilos...
- Ah ouais, tu lui as fait la hella à ton bide balance Sandrine, la fausse kabyle.
- Non, mais j’ai pris vite fait, enfin j’ai...
Elle passe sa main sur mon ventre
- On dirait que t’attends six gosses... Belek tu vas aller à Delafontaine...
- Nan, mais tranquille je peux perdre vite fait.
- Wesh, plus de news. Et ta darone ça va ?
- Ouais...Tranquille.
- Alors ton livre ?
- Quel livre ? (je baisse la tête gênée)
- Enfin, j’ai lu ta chronique sur mon i-phone, sa mère ! Nawell de la street, (elle se retourne et golri)
- Ouais, c’est quoi ces chroniques de ouf ? En plus tu faisait trop la belle sur ta page, s’exclame Sandrine.
- Ouais, à la mort tu lâchais pas. T’as écrit v’la les chapitres. Au moins trente sa mère ! surenchérit la kabyle myhto.
- En plus rien que tu fais la promo de Santaki ! Wesh c’est ton père ou quoi ?
- Oui, enfin c’est parce que....
- Vas y fait voir ton livre, c’est le dernier ? Ah non c’est Des chiffres Et Des Litres, je l’ai déjà mais t’as pas pas le dernier ! Flic Ou Caillera ? J’suis sur j’suis dedans, j’suis trop une bebom ! J’étais là quand ils ont tourné le clip y avait Mac Tyer. Ils voulaient prendre pour tourner mais j’leur ai dit je vais faire Secret Story 6.

Son téléphone sonne.
- Ouais, Allo ? Non, wallah j’suis là au calme avec une meuf du centre ville, vas y viens Moussa.
- J’y vais, je souffle à Sandrine.
Les deux sont prises dans leur discussion et parle comme si elle avait un vodaphone dans la gorge. Je ne les supporte plus ces k-sos et j’ai vraiment la rage d’être tombée sur elles. Secret Story, n’importe quoi. Elles sont dans une matrix.

Saint Denis me saoule avec ses meufs devenues des bonhommes. Saint Denis m’étouffe avec ses roms à tous les coins de rue. Saint Denis me fatigue avec ses lascars, t’accostant aux feux rouge mais je kiffe Saint Denis parce que j’y ai grandi même si j’étouffe parfois. Je prends la ligne 13 et décide de fermer les bouches de ces vieilles meufs. Mon I-Phone vibre, la sonnerie est k-Sos Muzik et c’est donc Karim, mon frère.
- T’as mis où mon haut Gucci ? me demande mon frère.
- Il est accroché sur le sèche-linge.
- Ah ouais, c’est bon, je vais être frais, sœurette. Et au fait, j’ai vu Rachid hier à la boxe, il a demandé où t’en étais avec ton livre ? Tu réponds pas aux messages.
- Dis lui que j’ai mon ordi qui a planté et du coup je vais reprendre mes chapitres.
- Comment tu mens, rien que tu manges. Vas y sœurette, remets toi à l’écriture. T’es la meilleure ! Je crois grave en toi.
- Merci Karim. En parlant de meilleurs, j’voulais te demander, c’est à quelle heure les entraînements au Derek ? J’ai envie d’y Aller car Nadia m’en parle souvent et ça me donne envie.
- Le lundi, mercredi, et vendredi. Franchement viens tu vas perdre tes six corps direct ! Batata ! me réponds mon khoya.
- A ce soir In Sh Allah.
- Passe le salam à Nadia !
- D’accord.

Mon frère je le kiffe, je l’aime car il est k-sos dans son style mais une crème. Toujours là pour moi. Il me permet de garder la pêche. Depuis New York et mes désillusions, je suis tombée si bas que je dois me mettre à la boxe thaï pour éliminer ces kilos en trop. Casque dans les oreilles. J’écoute le premier album de Wallen, Il ne voit pas que je l’aime.

« Il ne voit pas que je l'aime
Il ne voit pas que je l'aime
Il ne voit pas que je l'aime
Il ne voit pas que je l'aime »

Je regarde les roms défiler et un jeune en casquette et Nike air me rejouer la scène culte du film La Haine.
Avec le rom qui dit
- Mesdames, messieurs, je sors de l’hôpital, j’ai pas mangé depuis deux jours, j’ai des enfants à donner manger, sivouplait, donner argent pour moi et mes enfants...
Et le jeune qui le jette en lui répondant
- Vas-y qu’est ce qu’tu veux là, moi aussi mon père il est heb's, ma mère elle est au heb's, ma sœur elle est heb's. Vas-y fais comme tout le monde travaille wesh !
Sur la ligne 13, c’est vraiment le carnaval. Et je souris.

Musiques :
Rohff, K-sos Muzik.
Wallen, Il ne voit pas que je l’aime.

Livres à lire :
Flic Ou Caillera, Rachid Santaki
Kiffe Kiffe Demain, Faiza Guene.
Autobiographie de Diam’s.

A suivre...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant