L'habit ne fait pas le moine, l'ami ne fait pas l'âme... Mais ça y contribue.
« Tu me dis qu'il faut que je trouve un mec calme mais ton gars a l'ami le plus infréquentable de Paname. Chelou toi. Déclare moi le bail cachotière... »
Ça fait un moment que je suis rentrée à la maison et la phrase de Sonia me tourne en boucle dans la tête. Elle a pas tort. Je donne des conseils qui se révèlent pas valables dans mon propre cas. Même si j'aimerais, bien sur. Toute ma vie, je me suis écartée des ambiances chelous. Mon frère, de son vivant, me protégeait de tout ça. Il m'expliquait le monde de la tess, le système de pensée des grands du quartier. Il m'expliquait le fond de ces images que je voyais sans y mettre de sens : la fraîche qui circulent, les bails en bas des blocs, les impacts de balles sur certains murs, le bruit des sirènes de police. Il ne m'interdisait jamais, juste me guidait. Hamdoullah il a bien fait son travail et depuis son départ de toute façon, les grands avaient pris le relais. Ils aident ma mère quand elle est en galère, et m'ont déjà rendus pas mal de services ! Des gars en or dans le fond, des faciès de brigands dans la forme. J'arrive pas à croire que Hafid fasse parti de ces types dont je me suis tant mise en garde. Il a wallou de tout ça, enfin c'est ce que j'ai cru ! Un commercial dans le 17ème en train de serrer la main au plus crapuleux du 93 ! Hafid serait un des gars du secteur, installé sur Paris ? J'aime pas me poser cent questions alors que la réponse est près de moi. Y'a beaucoup trop de raisons de se torturer l'esprit, le sadisme a ses limites, faut que je le vois et que je lui dise ce que je pense des mecs comme lui, ce que je pense des mecs comme Omar ! Ce sont des torches ambulantes, des mecs qui foutent le feu au cœur de tout ceux qu'ils approchent, des mecs destinés à s'éteindre rapidement, et qui cherchent à cramer le plus de monde possible pendant leur court passage sur Terre ! Blottie dans ma couette, j'attrape mon phone-tel caché sous mon oreiller. Toujours au même endroit, en mode VIBREUR, histoire de foutre le buzz à mon cerveau à chaque message ou appel, et surtout pour que le réveil fasse vraiment son effet ! Je lui envoie un message et je lui demande si il est OP pour qu'on se voit, il me répond de suite que oui, je lui donne rendez vous au parc de Legion d'honneur, a quinze minutes d'ici...
Quand je descends, il commence déjà à faire nuit alors qu'on est juste en fin d'après midi. L'hiver rend dingue avec ses journées aussi petites que Tom Pouce. Je contourne le bloc et passe par Carrefour, trace jusque Porte de Paris. Quelques relous m'accostent mais je baisse la tête, trop habituée a leur mettre des vents sans les faire rager. J'attends devant les grilles du parc, tête baissée. Il arrive quelques minutes après dans sa Clio3, et se dirige vers moi, en mode costard et long manteau noir. Vas y, si Hafid est un dealer, Ça doit être l'une des têtes alors. Pas de quoi me rassurer, mais de quoi comprendre sa dégaine au moins ! Je lui fais signe de me suivre, et on discute sur le terrain de la cite Jolliot Curie. Je baisse la tête et regarde mes New Balance. Il reste silencieux une minute. C'est lui qui engage la discution...
-Eh ben, moi qui pensait craquer le premier et t'appeler, je me suis trompé !
-J'ai pas craqué, mets toi au calme direct. J'ai juste pas compris deux trois trucs et je suis pas du genre à encaisser pour aller pleurnicher après. Y'a des bonnes et des mauvaises patiences, c'est tout.
-Tu parles de quoi là Nawell ?
-(Je lève la tête et je le fixe, la voix sèche) Je vais pas passer par quatre chemins. Omar, je le connais. C'était le gars à Sonia, la meuf qui mangeait avec moi tout à l'heure. Un enfoiré de prémière, il lui en a fait baver. Il en a fait baver à tout le monde avec ses deals foireux. Il est cramé sur Saint Denis. Me dis pas que tu connais pas sa réputation, me dis pas que tu connais rien de lui. Tu parlais avec comme si c'était ton reuf, tu parles avec moi comme si t'étais un mec clean. Je dois croire quoi ? Celui qui semble posé, ou celui qui fréquente des crapules ? Tu penses que j'ai le temps pour les problèmes ? Tu p...Il pose sa main sur ma bouche et se met à parler calmement, dans mon grand étonnement...
-Nawell, s'teuplait, laisse moi t'expliquer. wAllah, déjà, je regrette que tu connaisses Omar. Il a carotte mon frère et je veux lui faire payer. Sur la tête de ma mère, lui et son pote ont carotte mon frangin qui habite à Saint Ouen et faisait du bizz avec lui. Il a été retrouvé salement amoché et je lui tends un piège mais j'peux pas t'en dire plus. Évite le et que ta copine l'évite, il peut être dangereux. Quant à moi, je suis celui que tu apprendras à connaître si tu le veux bien... Je t'ai pas menti sur la personne que je suis et je continuerais à être sincère. Doute pas, et m'associe pas à Omar. C'est juste une question de circonstances et de temps...
Il avait enlevé la main de ma bouche et j'étais retournée à l'exploration de mes baskets. Truc de ouf. J'étais passé de la colère à la compassion. Mais je me méfiais quand même, c'était peut être une disquette, même si tout semblait beaucoup plus clair maintenant. Je bafouille un keu-tru histoire de me déculpabiliser de ma sauvagerie et sort l'arme redoutable : le rire. Le ciel est maintenant noir ébène, je dois rentrer, alors je le remercie de s'être déplacé et je m'excuse de m'être emporté. On quitte le terrain et on commence à marcher vers sa voiture. Un mec l'appelle, Hafid se retoune et crie : « NAWELL COUCHE TOI !!! » J'ai pas eu le temps de réagir qu'il me poussait par terre...
BAM ! BAM ! BAM !