Partie 15

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Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin, dites leur que...

J'y vais ? J'y vais pas ? Nouveau message d'Hafid : « ? »
Je dis à Amina que je le connais déjà, je me lève. Sonia fronce les sourcils, tant pis, je vais m'asseoir à côté de lui. Ses potes se lèvent et dansent...

- Salam alaikoum Nawell, tu vas bien depuis le temps ?
- Alaykoum salam. Ca va hamdoullah et toi ?
- Ca va, ça va. Je croyais que t'étais à New York ? En tout cas c'est ce qui se disait !
- Les comères disaient vrai. Je suis juste revenue y'a quelques semaines.
- Ah d'accord. D'accord... (Il baisse la tête, semble gêné) Euh, en tout cas, voilà, depuis ce que tu sais, on a jamais eu l'occasion d'en reparler, de discuter... (La musique change et le DJ monte le son. Déjà qu'on s'entendait pas, maintenant on lit sur nos lèvres. Il me fait signe de sortir, je prends mon manteau, le rejoint dehors. A l'écart, on se pose sur un muret)... Voilà je sais que ça fait grave longtemps maintenant mais on a jamais rediscuté de notre histoire...
- (Je le coupe) Y'a rien a dire. Ce qui est fait est fait et...
- (Il me recoupe) T'aimes toujours autant couper les gens toi ! Laisse moi finir ! Je voulais juste que tu saches une chose : à l'époque, je dealais, c'est vrai et je te l'ai caché mais juste sache cette chose... On était dans une merde financière internationale ! Mon père taffait plus, pas de chômage, il déprimait, et les loyers s'accumulaient. Je posais des CV partout, pas de réponses. Le shit, c'était une passade, juste le temps de régler les dettes et trouver un taffe. A l'heure actuelle, c'est terminé tout ça : Hamdoullah, j'ai mon CDI, mon appart, tout va bien. Et puis toute cette colère à force de voir mon père s'apitoyer sur son sort, toute cette frustration de vendre cette merde, toute cette peur de me faire prendre pour un ke-tru que je haïssais faire, tout ça, je l'ai mis sur toi, et je m'excuse, Wallah Nawell que je regrette parce que tu méritais pas ça !
- T'es pardonné Imed. Mais t'aurais du me le dire quand je t'ai demandé de faire un choix, non ? T'aurais pu me lâcher tout ça, tu sais bien que j'aurais compris, que j'aurais patienté. Pourquoi le chantage, Pourquoi l'agressivité ? T'as gagné quoi ?
- J'ai perdu beaucoup, je t'ai perdu ! J'ai absolument rien gagné... Mais je sais pas comment expliquer ce qui m'est arrivé ! J'ai pas vu la main que tu me tendais, moi j'ai juste vu le nombre de mes soucis augmenter, et j'ai compris que plus tard qu'au contraire, tu cherchais juste à m'épauler... Mais j'ai pas osé revenir vers toi, je pense que tu dois savoir que les gars m'ont rendu visite et tu les connais... (Je souris en imaginant Imed ouvrir la porte et voir ces colosses plantés devant lui) Ouais tu peux rire, ben j'ai pas rigolé moi ! Et juste après, j'ai appris que t'étais parti aux States... Et puis, nous voilà ! Au fait, on s'était pas rencontré à un mariage ?
- Si si, au mariage de Saliha, d'ailleurs, elle est parti vivre à Lyon depuis.
- Ah ben c'est bien ça ! Mou3im, ça m'a fait du bien de pouvoir te dire ce que j'avais sur le cœur, je sais pas comment j'ai pu tomber si bas, et je voulais que tu me pardonnes, qu'on puisse reprendre contact, et pourquoi pas quelque chose... si tu veux bien...

A ce moment, je repense à notre histoire. Une histoire basée sur des vraies valeurs, tellement, que jamais je n'ai pu comprendre et mettre des mots sur son changement. Jusqu'à aujourd'hui. Et sincèrement, je le comprends. C'est surtout que j'arrive pas à me mettre à sa place, et que je préfère comprendre sa situation que la rejeter alors qu'elle a existée.Seulement ça n'efface pas cette souffrance, ça n'efface pas ses semaines de remise en question, à se demander où on a fauté, à remettre en cause chacun de mes traits de caractères, à pleurer. Cette histoire m'a fait autant de bien que de mal, et je ne suis pas de ces filles qui vivent sur la nostalgie du bon temps. Car la réalité reprend tôt ou tard le dessus, et on se rend compte que la personne en face de nous a évolué depuis les bons souvenirs des premiers rendez vous. Malheureusement, on aime souvent beaucoup moins celle qui dort près de nous...

- Imed, je vais te dire la vérité : après avoir mis un terme à notre relation, j'étais pas bien, c'est normal ! J'avais parlé de toi à ma mère, je t'aimais vraiment. Tu vois, l'amour que je te portais était spécial dans le sens où je savais pourquoi je t'aimais. Mais l'homme que j'ai quitté n'était pas celui que j'aimais. Si j'ai accepté de sortir discuter avec toi, c'est parce que je voulais savoir pourquoi, pourquoi cette fin dégueulasse ! Maintenant je sais, mais ça change en rien ma décision. Je ne veux plus de contact avec toi, et tout comme je sais pourquoi je t'ai aimé, tout comme je sais pourquoi je suis partie, eh ben je vais te dire pourquoi je ne souhaite plus reprendre quoi que ce soit : tu sais aussi bien que moi que la confiance est primordiale, et à quel point la colère doit avoir ses limites. Et je refuse d'être avec un homme qui ne sait pas se maîtriser dans la colère, je refuse d'un homme, capable de se retourner contre moi quand bon lui semble. T'es un homme bien, avec mille qualités, mais t'as aussi des défauts. Les tiens, à présent je les connais, et je suis incapable de vivre avec. Incapable de vivre la peur au ventre qu'un jour tu rentres énervé et que ce soit ma fête, où que t'ailles monter la tête à ma mère quand on sera en dispute. Tout ça appartient au passé, le bon comme le mauvais. Hamdoullah. Te prend pas la tête, l'essentiel est qu'on s'est dit ce qu'on avait à se dire, je t'en veux de rien à l'heure actuelle et ne t'en veux plus...

Je lui souris. Il me regarde dans les yeux, les siens sont brillants. Je me lève, et lui dit que je vais rejoindre les autres. Il me dit :

- Nawell, moi je sais pourquoi je t'aimais, je sais pourquoi t'es partie et quand je vois que t'es toujours aussi réfléchie et droite, je ne peux cesser de t'aimer. Mais je peux comprendre tes craintes et mes simples paroles ne te feront pas changer d'avis. En tout cas, t'es magnifique ce soir, qu'Allah te protège.
- Amine.

Je rentre et vais m'asseoir à ma table. Lui est reparti à la porte fenêtre avec ses potes transpirants d'avoir dansés comme des oufs ! Sonia me tend mon téléphone, Hafid est en train de péter un plomb. Je lui envoie un sms pour le rassurer, parce que le dernier qu'il m'a envoyé était inquiétant : « Tu t'es fait écraser le pied par un talon d'une meuf, t'es tombée et un deuxième t'as percé l'œil ou quoi ? » J'étais morte de rire. La soirée passe, je suis fatiguée, c'est 4h du mat' quand même ! Dans la voiture, je lui raconte la discussion avec Imed, elle me dit que j'aurais du lui redonner une chance, qu'il était trop chou ! Sacrée Sonia... On arrive à la maison, on se met en pyjama et hop ! Au lit ! Sonia s'endort la première, j'appelle Hafid pour lui raconter ma soirée, lui dit pour Imed. Il est au courant de notre histoire, quand je lui tenais compagnie à l'hôpital, on a eu une grosse discussion à propos de lui.

- Nawell ?
- Hafid ?
- Si j'avais été à sa place, j'aurais sûrement fait pareil que lui, il a été correct et sincère quand même.
- Ouais, je sais, mais il avancera, tout comme j'ai avancé.
- C'est sur... Nawell ?
- Oui ?
- Tu sais quoi?
- Non, mais tu vas me le dire!

Sonia lève sa tête, les cheveux en vrac et sort avec sa voix de droguée endormie "TA GUEULE ET DORT T EN A PAS MARRE DE FAIRE LE COIN COIN?!"

Hafid éclate de rire, moi je la regarde de travers. Elle est pas normale cette fille quand elle est a moitié endormie, elle balance de ces ke-tru! Son fou rire terminé, il me dit:

- Non rien, je te le dirais plus tard...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant