Partie 23

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Lourd comme le poids de l'attente, difficile comme comme le challenge de l'entente.

Tic tac tic tac tic tac. Sonia et moi sommes allées dormir chez sa cousine dans une ville voisine. Il est 2h du mat'. Elle vient de s'endormir après m'avoir matraquée les oreilles au sujet de ce qui devait se passer à la cité. On était d'accord sur le fait qu'Omar devait être de retour et qu'il devait avoir eu la surprise de sa vie en découvrant que toute une clique l'attendait. Mais l'issue reste incertaine. Et j'ai peur. Que ce soit pour Hafid, et même pour Omar. J'arrive pas à lui souhaiter la mort, même s'il a tué. Hafid avait pas l'air de vouloir en finir avec lui mais rien est calculable. Si Omar est armé, ce sera de la légitime défense... Tic tac tic tac. Toute cette histoire m'embrouille. J'en est des sueurs froides ! Je regarde mon téléphone chaque minute, espérant recevoir un message salvateur. Rien. La nuit passe, les premiers rayons de soleil passent à travers les stores. Je lève Sonia, on s'habille, petit déjeune avec sa cousine et on s'en va. Je tiens plus, je veux passer à la cité avant d'aller au taffe..

La police traine entre les blocs et les groupes de jeunes bizarrement bien matinaux aujourd'hui. Il s'est passé quelque chose, c'est sur. On cherche du regard Hafid ou une personne connue, mais niet... « Nawell ! Sonia ! » On se retourne et voilà Tarek, le petit frère à Jalel, 18 ans...

- Salam Tarek. Il se passe quoi ici ?
- Alaykoum salam. La sère-mi la famille, la sère-mi !
- Ben dis Tarek !
- Bon je vous le présente pas, vous connaissez Omar (Il regarde Sonia, qui baisse la tête)...
- Ouais, on connait.
- Ben hier soir il est arrivé avec une clique ma sœur, ils ont pas rigolé. Armés jusqu'aux chicos ! Bon, on savait qu'il allait arriver, on avait prévu. Jalel était revenu de Suisse avec les autres exprès pour venir aider les keumé, Hafid, Sousou et les autres. Laisse tomber, ca gueulait de partout, ca a frappé sec mais heureusement ca a pas tiré.
- Hamdoullah ! Pas de blessés tout le monde va bien, sur ?
- Y'a eu de la casse quand même deux trois des nôtres sont à l'hosto et bien touchés mais ils s'en sortiront 'challah ! Pareil de leur côté !
- Ah oauis, quand même ! Et du coup, ca s'est fini comment ?
- (Il soupire) On sait pas. C'est parti en couilles, on se frappait comme des kelb (chiens) enragés et Hafid a tiré en l'air. Tout le monde s'est arrêté. Il a dit à Omar que c'était à eux de régler cette affaire d'homme à homme. Un keu-mé lui a dit qu'il bougerait pas sans Omar, du coup Jalel est parti avec Hafid et tous les quatre ont bougé ! On leur a dit de pas y aller mais ils sont durs !
- (Sonia, mal à l'aise) Nawell, j'aime pas ces histoires, je rentre. On se capte plus tard...
- D'accord ! Je viens te voir après le taff... (Elle s'en va et je me tourne vers Tarek) Tarek, c'est grave ce qui se passe. Pas de news depuis hier soir ?
- Non wellou, je suis pas bien je te le cache pas ! Je sais qu'ils savent se défendre mais on parle de guns là, pas de coups de boule !
- C'est clair !Tu sais pas où ils ont pu aller ?
- Les gars ont fait le tour des endroits où ils auraient pu être, là encore y'a des gars qui tournent mais ils ont rien trouvé ! Ca craint !
- Tarek, rentre chez toi ! T'sais quoi on se tient au courant. Garde ton tel avec toi, reste avec tes parents, rassure les et fais dou'as frère !
- Ouais, t'as raison. Vas y j'y vais ! En plus, les condés font chier, ils ont interrogé tout le monde, bien sur personne sait rien, ils tournent, mais ils vont perdre patience à pé-cho aucune infos ! Ils vont en serrer deux ou trois, si le daron vient me chercher au comico... Ben il viendra pas il va les appeler il va leur dire « Gardi lu, il fi chier ! Ji pas lu gazole, je passerais la sumaine prouchaine ! »
- (On golri) T'es un ouf ! Ok, Ca marche, rentre pépère. Je vais au taff là, mais je garde mon tel sur moi, je le checkerais de temps en temps !
- Ouais. Allez salam !
- Salam.

La route menant au taffe me paraîtra durer une éternité. Mille questions fusent en moi, mille inquiétudes... Je me demande depuis quand Jalel et les autres sont de mèche avec Hafid, depuis quand ils préparent tout ca. Je me demande pourquoi Hafid ne m'a pas dit qu'ils étaient dans le coup, tout comme je me demande pourquoi Jalel ne m'en a pas parlé. Et puis pourquoi il a voulu me séparer de lui, si au final il avait assez confiance en lui pour se battre à ses côtés. J'en sais rien... Et puis s'il le faut, j'en saurais jamais rien ! Ca fait plusieurs heures qu'ils ont disparu dans la nature. A croire que deux grosses caisses comme les leur, quatres gueules cramées, ca se retrouve pas dans Paname. Bien sur que ca se retrouve... Et j'espère vivants. Tous. Parce que une personne a beau t'avoir fait du mal, t'avoir brisé le cœur, tu peux pas lui vouloir la mort. Tu peux qu'espérer que justice soit faite. Qu'il morfle dans cette vie ; et puis s'il doit morfler après, qu'il souffre aussi, et ainsi soit il. Qui sommes nous pour faire la loi nous mêmes ? Rien. En quoi serions nous plus objectifs et rationnels ? En rien ! Bien au contraire, c'est que la haine et la colère a pris possession de nous pour en arriver à de telles pensées... Nullement un état d'esprit pour jouer au justicier! Au final, j'ai beau répondre à mes questions, cette angoisse de l'incertitude ne me quitte pas. C'est dans ces moments que la patience devrait, à ce qu'il parait, prendre le pas...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant