Partie 12

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La vengeance est un concept abstrait. Si chez certains elle semble mesurée, chez d'autres, elle a de quoi faire flipper.

-« Ah te voilà. T'en a mis du temps ! T'imagines ce que je dois faire pour que tu viennes me voir ?
- Hafid, s'teuplait, dis moi de suite comment tu sais le prénom de mon frère...

Il me fait signe de m'approcher et de m'asseoir près de lui, ce que je fais. Il me prend la main...

-D'abord, je voulais te dire quelque chose. Quand on était au parc avant que je me retrouve ici, je t'ai parlé de mon frère. Je t'ai dit qu'Omar l'avait amoché. C'est vrai, mais je t'ai pas précisé une chose... Soufiane, mon frère, est mort...
- (Je suis pas sensée de savoir, ou du moins, il ne sait que je le sais. Du coup j'ouvre grand mes yeux, fait l'étonnée) Mort ? Ton frère est mort ? Mais comment ?
- On l'a assassiné y'a quatre ans maintenant. Trois balles : une dans la poitrine, une dans l'épaule, et la troisième en plein le crâne. La police n'a pas avancée sur l'affaire. J'ai décidé de mener ma propre enquête. T'sais Nawell, mon frère et moi quand on était petits, on était inséparables ! Et puis après, il a commencé à mal tourner, à trainer à Saint Ouen où il est parti s'installer des qu'il en a eu l'occasion. J'ai fait ce que j'ai pu pour le ramener dans le bon chemin, mais entre les cours, les stages à l'étranger, et puis ensuite le taffe, j'ai raté trop de choses et lui a commence a vendre des doses! Enfin bon... Après sa mort, j'ai du repartir de zéro, trainer dans son quartier, questionner ses soit disant potes, ses complices du vice. J'ai jonglé entre ma vie et celle qu'il menait pendant des mois. Je taffais le jour et je zonais la nuit. C'est là que j'ai fait la connaissance de ton frère, Allah y rahmo. On a eu l'occasion de passer des nuits blanches à refaire le monde, il connaissait mon frere, je me suis lié a lui. Et grace a lui et ses tuyaux, j'ai réussi à remonter la piste jusqu'à Omar. Ma mission était terminée, fallait que je réfléchisse à comment me le faire cet enfoiré ! Entre temps, le taffe m'a fait faire le tour du monde. Y'a pas longtemps je suis retourné à la cité, histoire de prendre des nouvelles, et de connaitre les habitudes d' Omar. Ca faisait presque trois ans que j'y avais plus mis les pieds ! J'ai rencontré des keumé de l'époque où j'enquêtais, c'est eux qui m'ont appris pour la mort de Karim. Ils étaient mal, comme si il était mort la veille. Sur le coup j'ai pas cogité. J'ai fait le lien directement quand on parlait et que ta copine a dit ton nom de famille au Sushi. Du coup, j'ai pas voulu te causer de la peine, voilà pourquoi je t'ai pas dit au parc pour mon frère et je m'en excuse...

Il me serre la main et je lève mon regard. Je lui souris et hoche la tête, pour lui faire comprendre qu'il été excusé. On est yeux dans les yeux. Je suis perdue. J'essaye de me rappeler de ce meurtre, de Karim me parler de Soufiane, mais mon cerveau n'est pas coopératif. Je ne vois qu'Hafid. Je ne pense qu'à son récit. Le keu-mé a passé des mois dans la rue pour comprendre son reuf, pour boucler son histoire. Il voyait enfin le bout du tunnel, mais alors...

-Hafid, qu'est ce que tu fais ici ? Comment Omar a pu te doubler ?
-Je sais pas encore, mais bien évidemment, tout comme toi, je sais que c'est lui !
-Hafid, fais pas de conneries, c'est tout ce que je te demande. Fais pas de mal à ta mère, à ton père, à ta sœur...
-Si j'avais voulu le buter Nawell, ça aurait été fait depuis longtemps. Je suis pas le seul à vouloir le voir tomber. C'est trop facile... Mais pour l'instant c'est trop tôt pour t'en parler. Fais moi confiance, d'accord ?
-(Je détache mon regard du sien) Mouais...
-Nawell ?
-Oui ?
-En tout cas, j'ai eu l'occasion de parler longuement avec Karim, et ce type m'a marqué ! Toujours un bon mot pour calmer les autres, un autre pour les faire délirer et relativiser quand ça allait pas... Il m'a appris beaucoup de choses sur la vie... Que Dieu lui fasse Miséricorde.
-Amine.

Je retiens mes larmes, ravale ma tristesse comme à chaque fois qu'on me parle de lui, et lui dit que je passerais demain le voir. Et je m'empresse de sortir. Sonia n'est pas là. Je l'appelle, elle me dit qu'elle prend l'air en bas. Je descends à toute vitesse, encore troublée par cette discussion. J'ai tenté de paraître la moins touchée devant lui, le plus à l'écoute possible pour qu'il puisse évacuer ce qu'il avait à dire, mais là, j'ai besoin à mon tour de me vider ! Je la retrouve à l'entrée en train de papoter avec un keu-mé ! J'aurais du m'en douter... Je lui fait des signes pour lui dire d'abréger sa conversation, ce qu'elle fait après avoir dicté son numéro, et on rejoint la voiture. Tout le trajet du retour, Sonia me chambre avec ses histoires de sms de loveur. Elle est encore dans sa werss, persuadée que j'ai passé mon temps à faire des déclarations. Ouais, y'en a eu, mais pas celle que j'attendais. Et j'en suis encore sonnée...

-Sonia ?
-Ouais !
-C'était qui ce mec encore avec qui tu parlais ?
-(Elle rigole) Commence pas Nawell. Je profite de ma nouvelle vie de célibataire. Ou c'est ça, ou je me remets avec Omar, tu choisis quoi ?
-Non vas y, papote, papote, ce sera toujours mieux que ce ouf ! Bon, tu m'a toujours pas dit, c'était qui ?
-Euhh... Bon, en fait, lui, c'est un pote à Omar...
-(Je la coupe et crie) QUOI ? TU TE PAYE MA TETE LA ? MAIS QU EST-CE QU IL FOUTAIT LA ? IL SAIT QU HAFID ETAIT ICI ?
-(Elle me recoupe et parle calmement) Nawell, laisse moi finir, espèce d'impulsive à deux balles ! Non, il sait pas qu'Hafid est là, il passait dans le coin, il m'a appelé parce qu'il voulait me parler et il m'a rejoint c'est tout. Il se fait passer pour son pote, mais moi je crois bien qu'il va bientôt lui tomber dessus. Quand j'étais avec Omar, il faisait tout pour que je m'éloigne, il me disait que je valais mieux que perdre mon temps avec lui. Et là, il vient de me dire que ca fait des jours que plus personne a des news d'Omar, il doit se sentir traqué. Il voulait savoir si moi j'en avais...
-Et ?
-Je lui ait dit que oui. Y'a toute une équipe derrière qui veut lui tendre un piège, ils veulent que je lui donne un rendez vous en lui faisant croire que j'étais love encore...
-Et ?
-Et je sais pas. Il m'en a fait baver. Je cautionne pas tout ce qu'il fait, je veux qu'il paye c'est clair. Mais peut être que je veux juste me venger au final ! Je veux avoir ton avis et celui d'Hafid...

Chronique de Nawell : Plume de la StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant