- Une main peut en cacher une autre...
Ce matin, je suis réveillée par la sonnette. Ma daronne décroche l'interphone... Rien qu'elle chambre la voisine avec Noël qu'elle transforme en « Nawell ». Encore sous ma couette, je golri, elle me tue avec son petit accent du bled et ses phases à l'ancienne ! A New York, j'aurai dû l'emmener ! T'imagines la daronne en Jordan et New era à faire du shopping dans la grande pomme? L'interphone sonne de nouveau ! C'est un standard téléphonique ou quoi ? Sacré madré... Elle va de mieux en mieux, j'aime ça ! Je me lève, la rejoins au salon.
- Salam Maman. Encore Tarek qui a oublié ses clefs ou quoi ?
- Alaykoum salam. Oui, c'est lui ! Un jour je lui ait donné un bonbon, maintenant il croit c'est la fête tous les jours ! Ca va pas ça ! C'est comme tu dis « Trop bien, trop bête »!
- (Prenant un ton sérieux) Heu Moué c'est Trop bon, trop c** ! Ouai, c'est vrai, t'es trop gentille. Tu devrais faire payer l'entrée moi je te dis !
- Yeeeek ?! Tu te fous de moi ? Va t'en ! Va travailler, c'est l'heure !J'éclate de rire, et file me préparer. Tenue de rigueur, les cheveux tirés en arrière, du blush, du gloss, en mode belle gosse. Ma mère me donne la liste des courses à faire après le taff... C'est parti ! Le premier pas à l'extérieur me remet cette réalité en face chaque jour d'hiver : il est loin de faire chaud ! Il fait surtout très froid ! Des larmes me montent aux yeux à la première bouffée d'air glacial inhalée ! Sur le ter-ter, les gars de la tess bicrave aux clients. Je croise une meuf qui était au lycée avec moi, elle m'esquive et prends son bout de teushi. Je trace loin de tout ça. Les travaux sur la rue donnent une autre facette à ma ville. Saint Denis, c'est pas New York non plus aurait dit Fabe. Le peura est mon péché mignon, le truc que j'écoute comme un petit bonhomme et pourtant à voir la réaction de mes proches, ça choque.Je me dirige vers le tro-mé, mains dans les poches, faciès caché dans l'écharpe. Le Tramway s'arrête place du 8 mai 45, les gens s'en échappe. Les artères de la rue Gabriel Péri sont blindées des daronnes, des darons, des bledards, des Kainf, des roumains qui ont aimf et d'autres gens du quatre vint treize deux cents. A l'angle du Mc do, un paki a déballé des films piratés et tente de m'épater. Je continue ma route sous les arcades du centre commercial, passe devant le Roy du Marché, l'agence Nouvelle Frontière balaye le prix des voyages, observe les viennoiseries de chez Paul et rentre dans la gueule de la ligne 13. Naviguo, je déboule les marches en deuspi. Le trome est là, les gens déjà tassés, j'entre dans la rame, trouve une place mais la laisse à une dame âgé. J'ai mon mon I-pod allumé, tiens le bras à la mémé qui s'installe et j'fais défiler les musiques... STOP ! Je remonte la liste: « Mon pote Omar ». J'appuie sur Play et je me tape une barre!
« Je crois que ce soir, un négro va néca.
Belek sur le rain-té tu peux t'faire poucav' par un méca.
T'es bizarre négro ou quoi !? Tu me remets pas ?!
J'espère pour toi que tu portes un gilet par balle... »Mac Tyer a fait fort avec ce morceau, je repense à Omar, celui de Sonia cette fois : s'il continue à faire son bizz de poudre et de go, il risque d'y laisser ses diam's et sa peau! La musique se termine, je sors de mon délire, lâche un sourire, lève la tête: un keumé en face de moi me fixe ! On reste yeux dans les yeux quelques secondes, p'tete moins, en tout cas assez pour capter son clin d'œil et son sourire sponsorisé du bled, étiré d'une oreille à l'autre ! Je rebaisse la tête, j'explose de rire intérieurement ! « Wesh, cousin, quand on a des chicos bombardées comme ça, faut pas les montrer ! Cache ça, j'sais ap' fais quelque chose ! Dévoile la façade une fois les travaux terminés, question de respect, non ?!» Deux stations plus tard, c'est la délivrance. Je sors de la rame et je claque de rire toute seule ! Il m'a tuée ! J'arrivais pas à laisser ma tête quée-blo par terre, parce que devant moi, c'était ses chaussettes du marché remontées sur son jean jusqu'aux genoux qui me guettaient! Alors je baladais mon regard dans la rame, mais je cramais qu'il me faisait des appels de phares incognito : genre « je change ma sacoche de place, je touche ma casquette toutes les dix secondes, je reçois des appels pas crédibles ! » Un sketch ! Il marche près de moi jusqu'aux escaliers. Je fais semblant d'écouter ma musique et calcule pas ses regards insistants. Une fois dehors, il avait disparu. Hamdoullah ! Je marche vers le taff tranquillement, je suis en avance. Je m'arrête devant une vitrine : y'a un manteau magnifique exposé ! Le même que la madré voulait, elle en trouvait nulle part ! Faut que je lui achète : c'est obligé. Rien qu'à l'idée de la voir déballer le papier je suis en kiff ! Faut que je rentre le mettre de côté , j'irais le chercher après le taff... Une main se pose sur mon épaule ! Qui c'est ça ?! Je sursaute et me retourne violemment, prête à dégainer une ou deux baffes à ce sourire d'enfer du tro-mé ! C'était chelou que je m'en sois débarrasser aussi facilement ! Sauf que c'est ... Ben c'est pas lui ! C'est Hafid, le gars de la boutique M&Ms à New York. Je reste bouché bée. Il fait quoi ici celui là ? Y'a plus qu'à lui demander ... La discussion s'enchaine, et il commence à prendre de l'assurance! Il m'explique qu'il est commercial dans une grosse boite du quartier, et que s'il était à New York c'etait pour voyage d'affaire. C'est un tunisien, la vingtaine, calme, posé et sacrément intelligent ! Je lui promets de le recontacter, et on se quitte, le sourire branché aux lèvres ! Je capte pas encore ce qui se passe, mais ce gars, ca a l'air d'être une aiguille dans une botte de foin. Que j'ai même pas eu à chercher ! Faut que je le texte ce soir, la curiosité m'envahit ! L'entrée du restau se rapproche, mes pas se font plus pressants, mon service commence dans quelques minutes. Mais je suis arrêtée encore une fois par une main posée sur mon épaule. Sacré Hafid, je lui manque déjà ou quoi ? Je me retourne, prête à lui sourire, sauf qu'en tournant la tête...
BIM ! Je viens de me recevoir une droite dans la gueule. J'arrive même pas à ouvrir les yeux, j'y vois plus rien ! Il est ouf ce gars ou quoi ? Drôle de sens de la tchatche ! Je me mets à le frapper, griffer, j'étais comme possédée ! Mais ma vue me lâche et il en profite. Je me retrouve au sol, à encaisser coups après coups ! Je me protège, me mets en boule par terre et prie Dieu que ce cauchemar s'arrête ! Je ne sens plus mon corps, je ne sais même plus dans quelle position je suis, ni où je suis ! Puis, ça s'arrête... Hamdoullah... Je sens une respiration essoufflée s'approcher de moi, près de mon oreille. Je le laisserais pas s'en tirer comme ça ! Je rassemble mes dernières forces, espérant ne pas rater mon coup, je lui chope le visage et le mords de toutes mes forces. « AAAAAH sale pute ! Tu te tape mon mec, et en plus de ça, tu veux faire la ouf ? Tu vas voir qui c'est la ouf, trainée ! Chienne de la casse va ! Omar est à moi, et il restera à moi ! T'entends ?» Je me prends un coup sur la tête suivi d'un crachat. Etalée sur le bitume, je n'ai rien compris... Je me sens partir... Sonia, ma meilleure amie vient de me savater. La sœur que j'ai jamais eu, la gardienne de mes secrets même les plus tendus ! Omar j'en veux pas, que ce soit pour moi ou elle, c'est quoi ce délire ?! J'entends des voix appeler les secours, une femme me demander si ça va ? L'inconscience m'envahit.